Marie Bennett.
Editions Denoël.
601 pages.
Résumé:
Suède, hiver 1940. Georg est appelé sous les drapeaux. Exposée à des températures extrêmes, mal équipée, sous-alimentée, son unité se trouve à la merci d’officiers incompétents qui exposent les soldats à des risques inutiles et n’hésitent pas à leur infliger châtiments et humiliations. Lorsque cinq recrues meurent, c’est la mutinerie, et Georg est envoyé en camp de travail. De son côté, Kerstin, la femme de Georg, survit comme elle peut à Malmö. Les années passent, et avec elles l’espoir de revoir un jour son époux. Mais une rencontre bouleverse sa vie, celle de Viola, femme riche, belle et cultivée dont Kerstin tombe éperdument amoureuse. C’est le début d’une liaison d’autant plus passionnée qu’elle est interdite. Pourtant, aveuglée par la jalousie, Kerstin détruit ce bonheur fugace. Le soir de Noël 1943, les deux époux se retrouvent enfin. Pourront-ils reprendre le cours de leur existence après avoir traversé autant d’épreuves ?
Mon avis:
Vous connaissez sans doute mon goût pour les romans historiques se déroulant pendant la seconde guerre mondiale, encore plus quand ceux-ci parlent d'amour. Hôtel Angleterre ne pouvait évidemment que me plaire et je remercie donc les Editions Denoël pour cet envoi.
Ce roman est un peu différent de ceux que j'ai l'habitude de lire régulièrement. Il ne traite pas du sort des juifs mais de celui des soldats envoyés dans les camps militaires en Suède, afin de lutter contre la menace imminente d'une invasion russe. Tel est le cas de Georg, obligé de quitter sa femme Kerstin qu'il vient à peine d'épouser et avec laquelle il vient tout juste d’emménager. Le roman est divisé en trois parties. Dans la première on va donc suivre Georg au camp, pendant les longues années durant lesquelles il va être séparé de Kerstin. Les conditions de vie y sont très difficiles, il doit subir à la fois des températures extrêmes allant jusqu'à -40°C, le manque d'équipements et de nourriture, la dureté des entraînements, mais surtout la présence d' un chef tyrannique et impitoyable qui amène à la mort plusieurs de ses camarades. Je me suis tout de suite attachée à Georg qui venant d'un milieu urbain n’est pas habitué à de tels traitements. Honnête, droit, fidèle à ses amis et à ses principes, j'ai ressenti beaucoup d'affection et d'estime pour lui. Sa situation nous fait prendre conscience de l’ampleur et de la férocité de cette guerre en dehors des camps de concentration et d'extermination allemands. On côtoie le sort des soldats appelés de tout part pour renforcer les armées alliées, des soldats qui ont été comme Georg séparés de leur famille, qui vont subir des traumatismes mentales et physiques dont ils ne se remettront jamais vraiment, des hommes à qui on a pas laissé le choix, qui se sont battus pour la victoire, pour la paix , pour conserver leur territoire, pour défendre aussi celui des autres. Des faits marquants que l'on ne retrouve pas souvent je trouve dans les romans historiques traitant de cette période de l'Histoire.
La seconde partie est consacrée à Kerstin. Ainsi, cela nous permet de voir comment elle supporte les choses de son coté, comment elle apprend à vivre loin de son mari. Obligée de réemménager chez ses parents, elle se sent vite déprimée, seule, et privée de liberté. Les années passent et malgré les quelques rares correspondances qu'ils échangent, le souvenir de Georg s'estompe. J'ai pour ma part détesté cette femme. Je ne me suis pas du tout attachée à elle, et je n'ai pas été touchée par son sort, alors même que son quotidien n'est pas non plus très enviable, qu'elle aussi a perdu beaucoup pendant ces années de guerre. Je l'ai trouvé très égoïste, capricieuse, assez superficielle, inintéressante et parfois même idiote. Elle se préoccupe très peu de ce qui se passe dans le monde, et est ainsi assez naïve. J'ai trouvé qu'elle avait bien vite oublié son époux, dont elle se désintéresse rapidement, alors qu'elle a toujours été présente dans le coeur de Georg. Son infidélité vis à vis de lui m'a déplu, sa jalousie, sa possessivité et sa paranoïa m'ont fait pitié. Enfin, sa froideur, son manque de compréhension et de franchise envers Georg lorsque enfin il rentre m'ont révolté. J'ai rarement autant détesté un personnage, mais ici ce fut malheureusement le cas. Malgré le fait qu'elle avait des circonstance atténuantes, le contexte de guerre difficile également pour les femmes qui ne savaient pas quand les hommes allaient rentrer, si ils rentreraient, je n'ai pas réussi à la comprendre, à adhérer à son comportement immature et égoïste.
C'est ainsi que nous arrivons à la troisième et dernière partie du livre qui marque le retour de Georg auprès de Kerstin. Des retrouvailles rendues difficiles par l'éloignement qui a transformé le couple en parfaits étrangers. J'ai énormément aimé cette dernière partie, car on se rend compte à quelle point la guerre peut changer un être humain. Kerstin ne reconnait plus le Georg qu'elle a aimé, car ce dernier rentre traumatisé, maussade, le regard éteint, quelque peu mutilé physiquement par les nombreuses années passées dans le froid. Georg lui aime toujours autant Kerstin même si il sait qu'il va devoir être patient et qu'il va devoir la reconquérir. Dégoût, gène, incompréhension, ont pris le pas sur l'amour. Mes sentiments vis à vis des personnages se sont encore plus accentués. Georg m'a ému par sa gentillesse, sa patience et sa compréhension tandis que Kerstin m'a de plus en plus déçu. La froideur et le manque d'enthousiasme avec lesquelles elle l'accueille m'ont sidérés. J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour Georg qui s'efforce de retrouver leur complicité, même si il est bien conscient que tout ne sera plus vraiment comme avant. J'ai d'ailleurs été un peu déçue de la fin, car j'espérais vraiment que Kerstin aurait plus de courage, et j’espérais pour eux deux quelque chose qui n'est finalement jamais venu.
Il y a énormément de points évoqués dans ce roman outre l'histoire de ce couple brisé, comme l'homosexualité, les réseaux de renseignements clandestins, l'abus de pouvoir des hauts gradés vis à vis des soldats et par conséquent leurs rebellions, appelées les mutineries, les procès bâclés au profit des autorités et du gouvernement, le travail des femmes dans les usines qui devaient subvenir aux besoins de leur famille, le désir de vengeance des soldats, et leurs difficultés à réapprendre à vivre normalement, à accepter aussi leurs blessures qui les ont rendu parfois invalides... J'ai passé un très bon moment de lecture grâce à Marie Bennett qui pour un premier roman a très bien su recréer l'ambiance de cette époque, les pensées, les comportements et les préoccupations de ces hommes et de ces femmes pendant la guerre. C'est un récit très abordable, la plume de l'auteure est très fluide, captivante, on ne s'ennuie à aucuns moments, on est imprégné facilement par les lieux et par les émotions des personnages. J'espère donc que Marie Bennett écrira d'autres romans, car je serais évidemment au rendez-vous.
Pour conclure:
Un très bon roman sur un couple profondément amoureux mais brisé par la seconde guerre mondiale. Un couple qui va vivre et subir la guerre différemment. Si j'ai énormément apprécié Georg, j'ai en revanche détesté Kerstin qui m'est apparue égoïste et capricieuse. Un très bon récit sur le retour d'après guerre et ses conséquences, sur la redécouverte de l'autre. Même si j'ai été un peu déçue de la fin, ce roman m'a fait passer un très bon moment.
Je le conseille!
Ma note: 16/20