Chronique « Revoir Paris, tome 4 »
Scénario de Benoît Peeters, dessin de François Schuiten,
Public conseillé : Adultes / adolescents,
Style : Anticipation,
Paru le 26 octobre chez Casterman, 17 euros,
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L’Histoire
Kârihn est enfermée. Épuisée, elle répond à des questions sans fin. Quel est son vrai but ? Que vient elle faire à Paris ? Mais ses réponses ne satisfont pas… Profitant d’une brèche momentanée dans la coque qui l’emprisonne, Kârihn se sauve !
Au milieu des vapeurs toxiques, elle arrive dans “Le préservateur”, un lieu immense où s’entassent des bouts entiers de l’architecture parisienne. Le vieil homme dont c’est le sanctuaire, l’accueille à bras ouverts. Après lui avoir procuré nourritures et vêtements, il lui fait visiter. Mais bientôt, Kârihn doit répondre à ses sirènes et repartir vers la capitale tant désirée…
Ce que j’en pense
Deux ans après le premier tome, voici enfin la conclusion du nouveau Schuiten-Peeters. Comme à leur accoutumé, le duo d’auteurs se concentre sur les réflexions sur l’urbanisme et la place de l’être humain dans la ville.
Avec Kârihn, Peeters nous embarque dans un voyage initiatique et intérieur en même temps. Désirant follement rejoindre Paris, la jeune femme fantasme depuis longtemps. Mais en confrontant son fantasme à la réalité, qu’adviendra t il ?
Ce « Paris sous cloche », fantasmé, est l’occasion pour les deux compères de nous offrir des visions romantiques et débridées. Revisitant le “Paris de Carte postale”, Schuiten compose des images d’Epinal d’une grande beauté. Monuments classiques (Le Café de Flore, les bouches de métro de Guimet, la gare du Nord, Notre-dame) se mélangent aux architectures modernes (Le stade de France, la station de métro des Arts et Métiers conçue par Schuiten Himself), et aux éléments futuristes fantastiques. Ils en profitent même pour ressusciter, le temps de quelques planches, les lieux qui n’auraient pas dû disparaître, comme le “Ventre de Paris”, les anciennes halles…
Le résultat est romantique et extraordinaire. Au milieu de ce bric-à-brac somptueux et onirique, les auteurs laissent la place d’honneur au *“Musée des Arts et Métiers” et à leurs collections scientifiques…
Si la part belle est laissée à la ville, véritable personnage protéïforme, Peeters n’en oublie pas son héroïne. A travers sa trajectoire dramatique et attendue, Kârihn devra dépasser son fantasme et accepter le réel.
A travers elle, nous sommes invités à nous enthousiasmer, mais aussi à réfléchir sur le rôle de la ville. Musée total ? Endroit de non-vie mais qu’on doit protéger de nous-même ? Et si, nous aussi, nous avions le droit de rêver à une ville idéale ?
* La sortie de l’album correspond à l’exposition “Machines à dessiner”, qui a lieue du 25 octobre 2016 au 26 février 2017. Scénarisé par Schuiten et Peeters, cette exposition fait dialoguer les visions des auteurs et un ensemble de machines choisies dans les réserves du musée, jetant un pont entre leur univers fantastique (les citées obscures) et le monde des techniques.
N’hésitez pas à prolonger la rêverie par un tour au musée.