La période plus moderne commence vraiment en 1976 avec le premier annual de la série en cours ces années-là. Elle est illustrée par P.Craig Russel, qui signe un petit chef d'oeuvre racé, alliant la légéretè et la précision, avec des personnages éthérés qui dansent comme des flammelles, et une aventure fort réussie où Strange se retrouve dans le royaume inconnu de Phaseworld, face à la souveraine locale qui l'emprisonne, et où les règles du bien et du mal sont momentanément brouillées. Roger Stern et Paul Smith opposent eux Strange et le Chevalier Noir, Dane Whitman, de retour à notre époque, mais avec de sérieux problèmes psychologiques qui le rendent violent et sujet à des crises homicides. L'influence de l'épée d'ébène le torture, et brouille sa réadaptation à notre monde. Un bon épisode agréable d'autant plus que j'adore le personnage. Les Défenseurs sont aussi de la partie dans cette anthologie. Cette formation de gros bras, comprenant entre autres Hulk, le Surfer d'Argent et Namor, a pour mission de sauver les îles Hawaï de l'ambition d'un démon qui fait des siennes, et a réveillé tous les volcans du coin. C'est censé être drôle mais c'est assez brouillon, en réalité. Il faut dire que nous avons là la quatrième partie d'un crossover entre plusieurs annuals, comme cela se pratiquait souvent autrefois en période estivale. Et soyons honnêtes, en général Marvel y incorporait des récits qui n'avaient pas leur place dans les titres réguliers, pour des raisons qualitatives. Sinon, plaisir de lire quelques pages dessinées par Alan Davis, où le Docteur reçoit Stan Lee en personne, et lui expose ses problèmes économiques du moment. Vraiment ironique et bien vu. On en fini avec un autre annual, beaucoup plus récent (2014) dans lequel le Doctor Strange est à la recherche d'un plus grand pouvoir, pour contrer les incursions des autres Terres, qui menacent l'éffondrement de toute notre réalité (oui, je parle bien sûr de ce qui a donné naissance à Secret Wars, sous la houlette de Hickman, ces mois derniers). Un face à face ésotérique face à un démon puissant donne au héros le prétexte pour l'aborber et en faire une sorte de combustible pour les durs moments à venir. Mais à quel prix?
Comme souvent dans ce cas, l'anthologie propose des aventures allant du silver age à notre époque, alternant styles et techniques narratives fort différentes. C'est un témoignage éloquent de comment les comics, et le Docteur Strange, ont pu évoluer au fil des décénnies. A mon avis, ce sont les aventures de la fin des années 60, début années 70, qui tirent particulièrement leur épingle du jeu. A lire et découvrir, puisque le mage suprême n'a eu qu'une carrière fragmentaire et cahotique en Vf, avec Aredit/Artima, un éditeur qui ne prenait guère le temps de publier ses récits avec cohérence et logique. Aujourd'hui, l'offre librairie permet de rattraper un peu le retard, à l'occasion d'un film qui vaut le détour.