« Misery » de Stephen King (Spécial Halloween )

Par Kloliane

Je suis votre fan n°1…

Moi (courant sans arrêt de ma chambre au salon): Oh my godness ! Où j’ai mis mon appareil photo et mes livres ? Mince, je vais être en retard!
Mininous (assis sur le canapé avec son père, suivant du regard mes allers/retours): Tu crois que maman va tenir le choc quand elle sera devant lui?
Chéri (haussant les épaules, peu sûr): Je ne sais pas. Il est rare que son auteur préféré vienne en France. On a juste à espérer qu’elle ne fasse pas… Enfin, tu vois.
Moi (tirant une énorme valise à roulette vers eux. Puis d’une voix surexcitée ): Je suis prête à voir Stephen King. J’ai pris tous mes livres pour qu’il les dédicace. Et j’ai chargé  la batterie de l’appareil photo pour en faire plein avec lui
Chéri (inquiet): Euh, Klo… Je ne sais s’il voudra tous signés…
Moi (le regardant droit dans les yeux, sûre de soi): Bien sûr que si ! Je suis sa fan n°1 !

AUTEUR: Stephen King
TITRE: MISERY
ÉDITEUR, ANNÉE: Le livre de Poche, 2002
NOMBRE DE PAGES: 391 pages

N’ayez crainte ! Je ne suis pas un de ses fans complètement barges capable de n’importe quoi pour voir leurs artistes ou auteurs préférés. Et cela pour le grand soulagement de ma famille.
D’ailleurs, je n’ai pas pu m’empêcher de pousser ma réflexion sur ces personnes qui ont été capables du pire pour leurs « idoles » (terme fort, mais juste). Malheureusement, nous avons des exemples célèbres tels que celui qui a tué John Lennon ou bien celui qui a voulu attirer l’attention de l’actrice Jody Foster  en tentant de tuer le président des Etats-Unis de cette époque, Ronald Reagan. Dans le cas du domaine littéraire, il y’a surtout un nom qui est cité en référence. Et je peux vous certifier que vous ne désirerez pas avoir Annie Wilkes comme votre « fan n°1 ». Voici « Misery » de Stephen King.

Résumé:
« Misery, c’est le nom de l’héroïne populaire qui a rapporté des millions de dollars au romancier Paul Sheldon. Après quoi il en a eu assez : il a fait mourir Misery pour écrire enfin le  » vrai  » roman dont il rêvait. Et puis il a suffi de quelques verres de trop et d’une route enneigée, dans un coin perdu… Lorsqu’il reprend conscience, il est allongé sur un lit, les jambes broyées dans l’accident. Sauvé par une femme, Annie. Une admiratrice fervente. Qui ne lui pardonne pas d’avoir tué Misery. Et le supplice va commencer. Sans monstres ni fantômes, un Stephen King au sommet de sa puissance nous enferme ici dans le plus terrifiant huis clos qu’on puisse imaginer. »

Paul Sheldon vient de noter ce dernier mot: fin. Voilà LE roman qu’il rêvait d’écrire. Celui pour lequel il espère la renommer et non plus pour sa célèbre série romantique : Misery. Mais voilà, le destin semble être moqueur : il se retrouve allonger dans une chambre inconnue, ayant en mémoire peu d’éléments de son accident de voiture. Tout ce qu’il constate, ce sont les atroces douleurs venant de ses jambes cassées, et, cette femme présente près de lui et que son inconscient avait déjà remarqué la présence…

« Mon nom est Annie Wilkes, et je suis-
— Je sais, la coupa-t-il. Mon admiratrice numéro un.
— Oui », répondit-elle avec un sourire. « C’est exactement ce que je suis. » 

Coupé du monde à cause de la tempête de neige et brisé par son accident, Paul Sheldon va devoir survivre dans l’antre de l’enfer, avec sa « fan n°1 » !

Assise sur mon lit, dos contre le mur et le livre en main, j’avais l’impression que si je quittais, un instant, les pages du regard, j’allais avoir face à moi Annie. Elle caresserait du bout des doigts le front perlé de sueur de Paul tout en lui murmurant de cette voix suave mêlée de folie « Je suis votre admiratrice numéro 1 ».

Sachez le tout de suite : en commençant cette histoire, vous allez plonger dans un huis clos où la folie est reine et dont la seule échappatoire est une vieille machine à écrire d’un autre temps et quelque peu « édentée ». Pour ma part, j’ai aimé cette sensation d’être coupée du monde. Telle une Alice, j’ai chuté dans le cauchemar de Paul Sheldon.
Aussi bien que la folie, la peur y est palpable. Ici pas d’esprits, d’entités venues d’ailleurs ou autres…  Oh que non ! Tout comme le personnage principal, vous serez coincé sur ce lit à fixer la porte de cette chambre s’ouvrir sur Annie et à vous demander quelles seront ses réactions. Comme le souligne parfaitement Paul, elle est telle une déesse qui peut tout aussi bien être bienfaisante que punitive.

Car oui, la grande force de ce roman, c’est le personnage d’Annie Wilkes.
Imprévisible, un véritable maelstrom de sentiments personnifié, on ne sait pas comment réagir face à cette femme. Terrifiante par certains aspects, sa présence envahie tout la pièce. J’imaginais presque Paul comme une petite souris craintive dans un coin voyant l’ombre grandissante d’Annie occultée tout ce qui les entouraient pour un « tête-à-tête ». Stephen King nous offrait là un personnage très effrayant, car il n’avait rien de surnaturel. D’une certaine façon, j’étais fascinée de voir qu’à travers sa folie, certains de ses raisonnements étaient fort juste. Et à ces moments, je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir quelques frissons.

Quant au personnage de Paul, j’étais en empathie avec lui. Par un malheureux hasard, je me suis fait au mal au genou gauche. Je ne pouvais pas le plier et la douleur m’élançait par moment.  Et quelques fois, je n’arrêtais pas de grimacer lorsque Paul souffrait du genou. C’était une sensation assez bizarre, je vous l’avoue. Autre que l’empathie, je fus témoins de son enfer. Je le voyais se retenir à quelques limbes d’espoir et de s’évader à travers ses nombreuses pages qu’il rédigeait. Elles sont d’ailleurs aussi, pour nous lecteurs, les seuls moments où on peut souffler, avant de replonger dans l’horreur.

Lorsque j’ai terminé le roman, j’ai soufflé un bon coup.  Bien plus qu’un fan dérangé, l’auteur nous offre une très belle illustration de la folie sous les traits d’Annie Wilkes. D’un style toujours additif, Stephen King nous emmène, pas à pas, dans l’horreur afin de nous offrir une conclusion où vos nerfs seront mis à rude épreuve. Attention ! Certaines scènes sont assez violentes et risquent de heurter les plus sensibles.

Conclusion:

Beaucoup de critiques et commentaires ont interprété ce roman comme une mise en abyme de Stephen King ( à travers la dépendance de Paul aux médicaments, mais surtout son statut d’auteur et sa relation avec les lecteurs). Et je trouve que ce raisonnement est très intéressant. On peut d’ailleurs transporter cette « relation ambigu » à travers d’autres médias, tels que les séries ou les films par exemple:
dès que l’on veut apporter une nouveauté ou un changement à un personnage ou un univers célèbre, nous avons tout de suite une levée de boucliers pour exprimer son refus. Et avec les réseaux sociaux, beaucoup de contestations deviennent très virulents (il y’a tout de même certains qui envoient des menaces de mort !) . C’est l’effet « buzz négatif ».

Mais ce que j’ai surtout noté dans ce huis clos haletant, c’est le personnage d’Annie Wilkes. Tout aussi envahissante que dans la petite chambre de Paul, elle est omniprésente tout au long de ce roman. Bien que je ressente de l’empathie pour le personnage principal, lorsque j’ai tourné la dernière page, je n’ai pensé qu’à Annie.  Derrière toute cette folie, on pouvait y déceler une femme d’une très grande intelligence, et manipulatrice. Ce n’est pas seulement un antagoniste sombre s’opposant au protagoniste. C’est surtout un personnage complexe et fascinant sous certains aspects. Et pour avoir ressentir cela, je n’ai pas pu m’empêcher d’éprouver un certain malaise.

Amateur de huis clos, où la tension ne cesse de croître, je vous invite vivement à découvrir ce classique de Stephen King.  Et même de voir son adaptation où Kathy Bates a immortalisé Annie Wilkes dans le monde du cinéma.

Quant à moi, toujours assise sur mon lit, dos contre le mur, je jette un coup  d’œil vers la porte close de ma chambre. Je me demande si notre imagination prend seulement toute son ampleur lorsque nos sentiments sont exacerbés: face à l’amour, la détresse, la peur et…  La mort. 

La porte s’entrouvre doucement et je pose le livre sur mes lèvres pour étouffer un petit cri…