Maëlle Guillaud : Lucie ou la vocation

Maëlle GuillaudMaëlle Guillaud, née en 1974, est éditrice chez Albin Michel. Voici son premier roman.

Lucie, Juliette sa meilleure amie et Mathilde une copine, sont étudiantes. Entrainée par Mathilde, Lucie découvre la foi et va s’engager dans les ordres. Abandonnant tout, famille (incompréhension), amie (qui ne peut s’y résoudre), biens, elle entre au couvent.

Comment une jeune fille de notre époque - mais ce serait pareil pour un homme - peut-elle tout délaisser pour s’enfermer de son plein gré dans un couvent, se considérer épouse du Christ et partager son temps entre les travaux domestiques de la communauté et la prière ? C’est la question que s’est posée Maëlle Guillaud et elle ne manque pas d’intérêt.

Nous suivons donc le parcours initiatique de Lucie, devenue sœur Marie-Lucie, et il n’est pas rose comme elle va le découvrir. La jeune novice va devoir se plier aux règlements sévères de l’institution mais en plus, jongler avec les amitiés ou inimitiés des unes et des autres sous-tendues par leurs ambitions. « Mais tu es dans un prieuré, pas au paradis ! Ce sont des religieuses, pas des anges. » La foi impose la soumission, difficile pour Lucie qui n’est pas d’un caractère docile.

Je ne sais rien de la vie réelle de ces femmes, aussi ai-je tiqué parfois à lire Maëlle Guillaud, comme lorsqu’elle évoque les repas trop copieux servis aux sœurs – tellement copieux qu’ils sont une torture pour Lucie – mais obligatoires pour que chacune pèse les 75kg réglementaires !? Info ou intox, je suppose que l’écrivaine s’est documentée… Passons sur ce détail.

Il y a de très jolies choses dans ce roman, la foi naïve de Lucie, sa quête et ses interrogations, son incertitude aussi quand l’adversité la pousserait à renoncer. Quelques passages touchent à l’excellence, comme « le conte des empreintes » qui est très beau ou quand la mère de Lucie se voit refuser une visite à sa fille, c’est extrêmement émouvant. Très réussi aussi, l’effroi qui nous accompagne le plus souvent devant cette vie monacale qui paraît carcérale, le pouvoir exorbitant de la Mère supérieure, du même type qu’un gourou de secte ; l’inquiétude à voir Lucie changer au fil du temps qui passe, aussi bien moralement que physiquement (vu le régime de sumo !).

Mais hélas le roman se gâte quand l’auteure y introduit un élément imprévu, qui dans un premier temps donne un coup de nerf à l’affaire, une escroquerie ! Le roman mystique devient « polar » nunuche avant de se clore par une pose du couvercle sur la marmite par les autorités vaticanes.

Quel était exactement le but de Maëlle Guillaud car les deux axes de réflexions semblent se télescoper en cours de route : la quête et profondeur de la foi comme des échappatoires à notre monde moderne mais cette foi trop intense et portée à ses extrêmes n’est guère éloignée des dérives sectaires à moins qu’elle ne soit factice et dérive en trivial et minable épilogue. Alors, admiration voilée pour les religieuses ou réquisitoire contre l’administration religieuse ?

Les chapitres sont particulièrement courts pour un bouquin très mince. Ce n’est pas mal écrit même si on y lit des choses trop convenues ou des phrases prévisibles (celles des premiers romans). Le début est bon, la fin ne l’est pas… ce qui gâche beaucoup l’ensemble.