D'acier est une recommandation émanant de Nombre Premier, que je ne présente plus, tant elle constitue une figure récurrente et tutélaire sur ce blog. La prose de Silvia Avallone lui rappelait celle de la mystérieuse Elena Ferrante, et pour tout vous dire, nous avions même suspecté qu'elles ne formaient qu'une seule et même personne... Ça, bien sûr, c'était avant les révélations d'une fouine de journaliste sur l'identité de l'auteur la plus lue d'Italie. Mais bon, même si Silvia n'est pas Elena, j'avais trop aimé L'amie prodigieuse pour ne pas me jeter sur D'acier!
Le synopsis
A Piombino, Anna et Francesca, à 13 ans, vivent au début des années 2000 une adolescence colorée aux accents parfois amers.
Issues d'un milieu populaire, elles goûtent les charmes de leur sensualité naissante, profitent de l'intérêt que leur confère leur beauté juvénile, et partagent une amitié fusionnelle, faite de rêves et de tendresse. Car le monde autour est brutal : le père de Francesca est obsessionnel et violent, celui d'Anna accusé de trafics crapuleux, c'est un monde où les hommes ne sont pas fiables, où le langage est cru et la réalité plus encore, et où la seule issue possible semble être ce lien qui les unit.
Mon avis
Quelle vie, et quelle énergie que celles qui vibrent dans le roman de Silvia Avallone!
Dès les premières pages, j'ai compris le rapprochement que tout lecteur peut faire avec la prose d'Elena Ferrante, sans parler du cadre, qui présente de nombreuses similitudes, à quelques décennies d'écart néanmoins : l'Italie des quartiers populaires, où l'usine locale est la seule issue pour survivre en dehors des trafics mafieux qui gangrènent la région, où les adultes sombrent dans l'alcoolisme et la violence quand les enfants découvrent tôt le sexe, la cigarette, tout ce qui fait les interdits à braver et donne un sentiment de liberté.
Car la liberté est au cœur du roman : à travers les rêves auxquels elles s'accrochent, Anna et Francesca se cramponnent à un espoir de liberté, à l'espoir d'échapper à la condition sociale qui pèse sur elles comme une chape de plomb ou une épée de Damoclès (ou, comme dirait Mathias Malzieu, Dame Oclès), et de ne pas devenir comme leurs mères, quitte pour cela à faire des concessions, à danser au Gilda pour se faire repérer, à jouer de l'effet qu'elles produisent.
Bien entendu, D'acier parle avant tout d'amitié, et de l'amour qu'elle abrite parfois : on a tôt fait de pressentir l'ambivalence toute adolescente qui perce sous les marques d'affection dont Anna et Francesca se couvrent, une curiosité nourrie d'absolu et d'un certain désespoir, comme toutes les grandes histoires.
Enfin, le cadre dans lequel l'intrigue se noue est prégnant, la lumière et les paysages de plage décrits sont très visuels, et ancrent les personnages dans un lieu qui semble immuable et fermé ; on a le sentiment que personne, jamais, ne peut quitter Piombino, seuls les espoirs d'Anna et Francesca laissent entrevoir d'autres perspectives.
Les personnages secondaires étayent le récit, depuis la figure d'Alessio, le frère d'Anna, leurs pères, leurs mères, jusqu'à celle des filles et des garçons qui les côtoient, et de Lisa, la solitaire disgracieuse à laquelle rien n'est épargné. L'ensemble tient moins de la fresque que la saga d'Elena Ferrante, qui développe plus à mon sens les personnages de second rang, mais accapare l'attention très rapidement, et se lit d'une traite.
D'acier est un très beau roman sur l'adolescence, sur ses ambiguïtés, sur l'étau que représentent alors la famille et le milieu social, sur les difficiles rapports aux autres, dans une écriture vive et entêtante.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Le monde était encore à venir. Le monde, c'est quand on a quatorze ans."
"Seuls comptent les garçons et les filles qui tournent, pirouettent et se lancent en bonds prodigieux sur la piste, ceux qui font la course et filent comme des missiles à des vitesses hallucinantes. Des filles maigres et élancées dont peu importe ce qu'elles feront de leur vie, puisque à l'instant T de leur adolescence elles sont là : au centre de la piste, au cœur de la fête, sous les projecteurs. Un instant de gloire, inoubliable."
"Un père en cavale. L'autre cloué dans son fauteuil. Les mois avaient passé. Leur amitié était devenue quelque chose qui n'avait pas explosé, comme les pétards défectueux qu'on trouve le lendemain. Ceux qui t'arrachent un œil si tu les ramasses sur le trottoir."
Note finale4/5(très bon)
Le synopsis
A Piombino, Anna et Francesca, à 13 ans, vivent au début des années 2000 une adolescence colorée aux accents parfois amers.
Issues d'un milieu populaire, elles goûtent les charmes de leur sensualité naissante, profitent de l'intérêt que leur confère leur beauté juvénile, et partagent une amitié fusionnelle, faite de rêves et de tendresse. Car le monde autour est brutal : le père de Francesca est obsessionnel et violent, celui d'Anna accusé de trafics crapuleux, c'est un monde où les hommes ne sont pas fiables, où le langage est cru et la réalité plus encore, et où la seule issue possible semble être ce lien qui les unit.
Mon avis
Quelle vie, et quelle énergie que celles qui vibrent dans le roman de Silvia Avallone!
Dès les premières pages, j'ai compris le rapprochement que tout lecteur peut faire avec la prose d'Elena Ferrante, sans parler du cadre, qui présente de nombreuses similitudes, à quelques décennies d'écart néanmoins : l'Italie des quartiers populaires, où l'usine locale est la seule issue pour survivre en dehors des trafics mafieux qui gangrènent la région, où les adultes sombrent dans l'alcoolisme et la violence quand les enfants découvrent tôt le sexe, la cigarette, tout ce qui fait les interdits à braver et donne un sentiment de liberté.
Car la liberté est au cœur du roman : à travers les rêves auxquels elles s'accrochent, Anna et Francesca se cramponnent à un espoir de liberté, à l'espoir d'échapper à la condition sociale qui pèse sur elles comme une chape de plomb ou une épée de Damoclès (ou, comme dirait Mathias Malzieu, Dame Oclès), et de ne pas devenir comme leurs mères, quitte pour cela à faire des concessions, à danser au Gilda pour se faire repérer, à jouer de l'effet qu'elles produisent.
Bien entendu, D'acier parle avant tout d'amitié, et de l'amour qu'elle abrite parfois : on a tôt fait de pressentir l'ambivalence toute adolescente qui perce sous les marques d'affection dont Anna et Francesca se couvrent, une curiosité nourrie d'absolu et d'un certain désespoir, comme toutes les grandes histoires.
Enfin, le cadre dans lequel l'intrigue se noue est prégnant, la lumière et les paysages de plage décrits sont très visuels, et ancrent les personnages dans un lieu qui semble immuable et fermé ; on a le sentiment que personne, jamais, ne peut quitter Piombino, seuls les espoirs d'Anna et Francesca laissent entrevoir d'autres perspectives.
Les personnages secondaires étayent le récit, depuis la figure d'Alessio, le frère d'Anna, leurs pères, leurs mères, jusqu'à celle des filles et des garçons qui les côtoient, et de Lisa, la solitaire disgracieuse à laquelle rien n'est épargné. L'ensemble tient moins de la fresque que la saga d'Elena Ferrante, qui développe plus à mon sens les personnages de second rang, mais accapare l'attention très rapidement, et se lit d'une traite.
D'acier est un très beau roman sur l'adolescence, sur ses ambiguïtés, sur l'étau que représentent alors la famille et le milieu social, sur les difficiles rapports aux autres, dans une écriture vive et entêtante.
Pour vous si...
- Vous avez été conquis par L'amie prodigieuse et Le nouveau nom d'Elena Ferrante
- Vous n'êtes pas réfractaires aux récits qui peuvent se révéler durs ou crus
Morceaux choisis
"Le monde était encore à venir. Le monde, c'est quand on a quatorze ans."
"Seuls comptent les garçons et les filles qui tournent, pirouettent et se lancent en bonds prodigieux sur la piste, ceux qui font la course et filent comme des missiles à des vitesses hallucinantes. Des filles maigres et élancées dont peu importe ce qu'elles feront de leur vie, puisque à l'instant T de leur adolescence elles sont là : au centre de la piste, au cœur de la fête, sous les projecteurs. Un instant de gloire, inoubliable."
"Un père en cavale. L'autre cloué dans son fauteuil. Les mois avaient passé. Leur amitié était devenue quelque chose qui n'avait pas explosé, comme les pétards défectueux qu'on trouve le lendemain. Ceux qui t'arrachent un œil si tu les ramasses sur le trottoir."
Note finale4/5(très bon)