Son fils a fait une connerie, elle est allée le récupérer au commissariat de bon matin. Lui s’en fout un peu, il a de mauvaises fréquentations et ne semble pas disposé à faire le moindre effort pour redresser la barre. Appelé à la rescousse, son ex-mari veut envoyer le gamin en pension pour le remettre au pas. Sibylle a une autre idée en tête et n’en démordra pas : elle veut l’embarquer avec elle pour un périple à cheval au fin fond du Kirghizistan. Plusieurs mois en pleine nature, pour resserrer les liens et découvrir un monde totalement inconnu, pour s’offrir un moment d’intimité mère-fils loin du quotidien. Sauf que l’ado revêche et décrocheur n’a pas forcément envie de crapahuter avec maman. L’excursion s’annonce donc tendue, surtout quand, une fois sur place, les événements s’accélèrent et entraînent les protagonistes sur une pente des plus glissantes.
Commençons par le positif (ça va aller vite). La vie au Kirghizistan est bien rendue, les yourtes, les grands espaces, les populations locales aussi chaleureuses que portées sur la boisson, on s’y croirait. Laurent Mauvignier, dont je découvre ici la plume, déploie au fil des pages une indéniable force d’évocation. Pour le reste, je suis bien plus sceptique. Les portraits frôlent la caricature : le fils en pleine crise, buté et branleur, débordant de haine et de ressentiment pour tout et tout le monde. La maman solo dévouée trimbalant avec elle bien plus de regrets que de bagages, ne cessant de remonter le fil d’une vie qui aurait pu, aurait dû même, prendre une toute autre tournure sans un drame dont elle ne se sera jamais vraiment remise. Une maman passant de la résignation à l’action, du « peignoir-cheveux-gras-clop-au-bec-bière-à-la-main-devant-la-télé » à « femme-forte-et-sûre-d’elle-en-terre-inconnue ».
Et puis pour le coup c’est beaucoup trop psychologique pour moi. On est en permanence dans la tête des personnages, en permanence dans l’analyse, en permanence dans le décorticage des comportements et pensées de chacun. Je déteste les récits de ce genre, je préfère de loin le behaviorisme à l’américaine où on décrit sans jugement, où les faits se suffisent à eux-mêmes, où l’individu interagit avec son environnement sans que l'on ait besoin de nous expliquer en long en large et en travers les fêlures profondes de son âme blessée.
Trop caricatural, trop psychologique et surtout trop idyllique. On en bave mais à la fin tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. J’aurais dû me méfier après la scène d’introduction où le fiston et sa mère échappent miraculeusement à une agression et au vol de leurs chevaux. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille quand la maman, seule au cœur de la tempête, fait une chute de huit mètres dans un ravin (désolé, je spoile !), « n’en finit pas de heurter des pierres, son sang se mêle aux rochers, à la glace » et s’en sort presque comme si de rien était. Et bien malgré ces deux avertissements je n’ai pas vu venir cette conclusion « à message », cette morale de l’histoire tellement « happy end » dont le propos univoque et sans nuance devient particulièrement agaçant. Un hommage à l’amour maternel qui aurait pu être d’une force et d’une intensité bouleversante. De mon point de vue (tout à fait subjectif, j'en conviens), ce n’est pas du tout le cas.
Continuer de Laurent Mauvignier. Minuit, 2016. 238 pages. 17,00 euros.
Un titre proposé par Sylire dans le cadres des matchs de la rentrée littéraire.
Commençons par le positif (ça va aller vite). La vie au Kirghizistan est bien rendue, les yourtes, les grands espaces, les populations locales aussi chaleureuses que portées sur la boisson, on s’y croirait. Laurent Mauvignier, dont je découvre ici la plume, déploie au fil des pages une indéniable force d’évocation. Pour le reste, je suis bien plus sceptique. Les portraits frôlent la caricature : le fils en pleine crise, buté et branleur, débordant de haine et de ressentiment pour tout et tout le monde. La maman solo dévouée trimbalant avec elle bien plus de regrets que de bagages, ne cessant de remonter le fil d’une vie qui aurait pu, aurait dû même, prendre une toute autre tournure sans un drame dont elle ne se sera jamais vraiment remise. Une maman passant de la résignation à l’action, du « peignoir-cheveux-gras-clop-au-bec-bière-à-la-main-devant-la-télé » à « femme-forte-et-sûre-d’elle-en-terre-inconnue ».
Et puis pour le coup c’est beaucoup trop psychologique pour moi. On est en permanence dans la tête des personnages, en permanence dans l’analyse, en permanence dans le décorticage des comportements et pensées de chacun. Je déteste les récits de ce genre, je préfère de loin le behaviorisme à l’américaine où on décrit sans jugement, où les faits se suffisent à eux-mêmes, où l’individu interagit avec son environnement sans que l'on ait besoin de nous expliquer en long en large et en travers les fêlures profondes de son âme blessée.
Trop caricatural, trop psychologique et surtout trop idyllique. On en bave mais à la fin tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. J’aurais dû me méfier après la scène d’introduction où le fiston et sa mère échappent miraculeusement à une agression et au vol de leurs chevaux. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille quand la maman, seule au cœur de la tempête, fait une chute de huit mètres dans un ravin (désolé, je spoile !), « n’en finit pas de heurter des pierres, son sang se mêle aux rochers, à la glace » et s’en sort presque comme si de rien était. Et bien malgré ces deux avertissements je n’ai pas vu venir cette conclusion « à message », cette morale de l’histoire tellement « happy end » dont le propos univoque et sans nuance devient particulièrement agaçant. Un hommage à l’amour maternel qui aurait pu être d’une force et d’une intensité bouleversante. De mon point de vue (tout à fait subjectif, j'en conviens), ce n’est pas du tout le cas.
Continuer de Laurent Mauvignier. Minuit, 2016. 238 pages. 17,00 euros.
Un titre proposé par Sylire dans le cadres des matchs de la rentrée littéraire.