Chanson douce. Leïla SLIMANI - Prix Goncourt 2016

Par Vivrelivre @blandinelanza

Chanson douce

Leïla SLIMANI

Gallimard, collection "Blanche", 18 août 2016.

230 pages.

Thèmes : famille, infanticide, Travail, désirs.

Le bébé est mort. Il a suffit de quelques secondes. (...)
La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés...

Page 13.

Ainsi commence ce roman, par la fin.

Par ce geste fou, incompréhensible qu'est l'infanticide.

Il nous fait violemment pénétrer au creux du foyer de Myriam et Paul Massé, auprès de leur fille Mila et de leur bébé Adam, dans leur petit appartement parisien, tellement étriqué que Myriam après s'être adonnée au rôle de mère au foyer ne rêve que de reprendre son travail d'avocate. A la seule condition de trouver une nounou.

LA nounou, la seule, la perle rare, l'unique, s'appelle Louise.

Elle s'occupe de tout, dans l'ombre, tient le fragile édifice familial, l'épanouissement des enfants (et in fine de tous), le carriérisme exacerbé des parents, leur vie sociale, elle comble et remplace leur absence, auprès des petits comme de la maison. Louise.

Petit bout de femme à l'aspect si fragile, Louise devient l'irremplaçable, que Myriam et Paul laisse toujours plus pénétrer dans leur vie, la rendant indispensable, trop indispensable.

Elle qui ne semble pas avoir de vie propre et dont le seul aspect du passé qui puisse être digne d'intérêt a résidé dans ses recommandations.

Louise qui montre pourtant des signes de rupture, voire de folie mais qui sont volontairement ignorés. C'est si commode de ne pas les voir, de ne pas analyser, pour ne pas avoir à chercher quelqu'un d'autre, ou bien de se trouver des excuses...

Myriam a répondu d'une voix blanche, sans conviction. Elle repose à la joie des enfants quand ils ont retrouvé la nounou après ces quelques jours de congé maladie. Au regard triste que Louise lui a adressé, à son visage lunaire. Elle entend encore ses excuses voilées et un peu ridicules, sa honte d'avoir manqué à son devoir. " ça ne se reproduira plus, disait-elle. Je vous le promets. "
Bien sûr, il suffirait d'y mettre fin, de tout arrêter là.
Mais Louise a les clés de chez eux, elle sait tout, elle s'est incrustée dans leur vie si profondément qu'elle semble maintenant impossible à déloger. Ils la repousseront et elle reviendra. Ils feront leurs adieux et elle cognera contre la porte, elle rentrera quand même, elle sera menaçante, comme un amant blessé.

Page 177.

Myriam et Paul n'ont-ils pas aussi une part de responsabilité dans cette tragédie?

Avec une écriture fine, psychologique, sans pathos ni accusations ni excuses, Leila Slimani signe là un très bon (deuxième) roman, bien qu'inconfortable et au titre volontiers trompeur.

Une chanson douce ou l'illusion du bonheur familial.

Elle déroule les fils, bouscule les temporalités, nous fait sortir de ce huis-clos qu'est la famille Massé pour nous exposer les faits, nous raconter Louise, ses relations et in fine la société d'aujourd'hui.

Une société individualiste aux désirs universels mais ambivalents quand ils ne sont pas contradictoires, et qui n'est finalement pas heureuse.

Difficile de ne pas transposer, de ne pas s'interroger, de ne pas faire lien avec l'actualité...

Merci aux Matches de la Rentrée Littéraire de Price Minister-Rakuten pour l'envoi de ce roman, dont je ne peux que recommander la lecture.

#mrl16 #MRL16

Il était convenu que je présente mon avis en le mettant en scène sur Instagram avec une photo. C'est ICI.

Il participe au " Challenge 1% Rentrée Littéraire 2016 " de Sophie Hérisson.

EDIT DU 3 NOVEMBRE: Leïla Slimani remporte avec ce roman le Prix Goncourt 2016!

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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