Premier regard

Premier regard

Premier jour d'une histoire d'amour, regard croisé sur notre rencontre.... (1/2)

Ce fut comme une apparition...

Sur le parking de mon immeuble, elle se tenait debout devant moi, blottie timidement derrière la portière entrouverte de sa voiture qu'elle utilisait inconsciemment à la manière d'un bouclier. Les cheveux retenus par une queue de cheval bien structurée et vêtue, entre autre, d'une chemise en jeans clair très ajustée révélant un bien joli décolleté, elle était seule, ou du moins, je me rappelle n'avoir remarqué qu'elle à l'instant précis où nos yeux se croisèrent enfin pour la toute première fois.

Seule barrière qui nous séparait encore physiquement l'une de l'autre, la porte vitrée du hall d'entrée qui me servait alors de béquille. Submergée par l'émotion à la simple vue de cet ange auréolé de grâce, je ne tenais plus sur mes jambes. J'avais le souffle court. Le sol semblait se dérober sous mes pieds. Quel choc !

C'était notre premier rendez-vous. D'elle, je ne connaissais que son habileté extrême à manier les mots, couplée à une voix d'une douceur exaltante et d'une sensualité hors du commun. L'écouter me plongeait littéralement dans un état de transe. Cette voix laissait présager d'un charisme hors norme. Avez-vous déjà ressenti cela pour quelqu'un que vous n'aviez encore jamais rencontré (physiquement j'entends) ? Jamais encore pareille ivresse ne m'avait envahie. J'avais l'impression de sortir d'une longue période de léthargie. Mes sens, jusque-là endormis, explosaient littéralement comme l'attestait les battements déchaînés de mon cœur. J'étais en proie à une multitude d'émotions qui m'étaient totalement étrangères. Je perdais pied, noyée en pleine béatitude.

Non, je ne la connaissais pas et pourtant, elle faisait déjà partie de moi. Sans comprendre exactement tous les chamboulements qui s'opéraient en moi, je baignais néanmoins dans une certitude : celle qu'elle m'était devenue indispensable. Par le biais de nos échanges sms et téléphoniques incessants, elle était parvenue, en l'espace de quelques jours seulement, à faire de moi son esclave (totalement consentante je dois dire) et j'en éprouvais une fierté sans nom.

Ma vie, après une longue traversée du désert passée à douter de tout et de moi en particulier, prenait un tournant surprenant et décisif. Sans nul doute, j'allais en choquer plus d'un au sein de mon entourage, qui ne verrait là qu'une nouvelle lubie passagère. Et pourtant...

Jamais une telle évidence ne m'avait frappé en plein cœur. Aucun doute, aucune crainte, si ce n'était peut-être, celle du rejet. Pas du rejet des autres mais juste... d'elle... Et si jamais elle ne m'aimait pas ? Et si jamais je n'étais pas à la hauteur de ses espérances ? Et si, pour elle tout cela ne représentait qu'un jeu ? Non, non, non, il me fallait balayer ces idées insensées de ma tête pour me focaliser uniquement sur celle qui se tenait fièrement devant moi, une lueur espiègle dans les yeux, lueur pleine d'espoir, de promesse et d'envie.

Et puis, comment en vouloir à mes proches. Il fallait bien avouer qu'en matière de communication j'étais loin d'être un modèle. Le célèbre adage " Pour vivre heureux, vivons caché " me correspondait amplement. Tout ce qu'ils connaissaient de moi, c'était mon petit côté " fleur bleue " que je prenais plaisir à cultiver par le biais de mes passions : le cinéma et la littérature. Pour le reste, je demeurais aux yeux de tous un mystère dépourvu de toute vie sociale, et ce, depuis ma séparation avec le père de mon enfant qui remontait déjà à plusieurs années. Pour ne rien vous cacher, celle-ci m'avait quelque peu refroidie concernant la gente masculine.

Mais pour en revenir à celle qui occupait toutes mes pensées, et qu'il me plaisait à surnommer " mon essentielle ", je désirais tout connaître d'elle. Qu'il s'agisse de toutes les robes et tenues qu'elle avait portées, ou encore des gens qu'elle fréquentait au point que le désir de possession physique même, disparaissait sous une envie plus profonde encore, dans une curiosité douloureuse qui n'avait pas de limite.

La voyant s'avancer doucement vers moi, j'ouvris fébrilement la porte du sas d'entrée. J'avais un mal fou à coordonner mes mouvements comme si mon corps tout entier ne m'obéissait plus.

Percevant mon trouble et sans prononcer la moindre parole, elle me prit délicatement la main dans un geste de soutien, quasi protecteur. Ce premier contact physique, tel un électrochoc, déclencha en moi toute une série de spasmes. J'avais l'impression de suffoquer comme si l'air c'était brusquement raréfié. À croire que même les éléments se mettaient à comploter contre moi, un comble !

Quand, timidement, mon regard croisa à nouveau le sien, je me perdis avec émerveillement dans une cascade d'émeraudes pailletées d'or. J'étais scotchée, sans voix, et je pense même, avec le recul, être restée un long moment bouche bée devant cette apparition. Mon cœur n'allait pas tarder à s'arracher de ma poitrine. C'était trop d'émotions d'un coup. J'avais la sensation d'être comme happée dans un puits sans fond. Les murs autour de nous se mettaient à tournoyer dans une danse folle. Mes jambes ne me tenaient plus. J'allais sombrer quand brusquement, deux bras protecteurs encerclèrent ma taille avec vigueur dans un élan chevaleresque.

À ce contact, une onde de chaleur toute nouvelle, et fort agréable, se propagea en moi. J'étais si bien nichée ainsi au creux de sa poitrine, les yeux clos. Le temps s'était arrêté. Je pourrais aussi vous parler de la douce tiédeur de sa peau, tendre promesse de caresses à venir. Ou encore, de son odeur, un effluve d'innocence subtilement épicé par les notes fruitées du freesia sur un fond de patchouli.

Totalement ensorcelée, j'essayais, petit à petit, de reprendre le contrôle de mes sens. Je voulais lui parler, j'avais tant de choses à lui dire si vous saviez... Cependant, malgré toute ma bonne volonté, mes efforts restèrent vains. Mais, en y réfléchissant, les mots étaient-ils vraiment utiles ?

En bousculant mes certitudes de la plus belle des manières, elle faisait de moi une femme comblée. Moi qui, dans l'obscurité, dans une période sombre de mon existence, ne voyait plus rien, me voilà éblouie par la clarté, par sa lumière. Enfermée, étouffée, oiseau apeuré trop longtemps enchaîné, mon essentielle avait entrouvert doucement la porte de ma cage. Effrayée, angoissée, j'ai pourtant choisi d'attraper volontairement la main qu'elle me tendait.

Le hasard ou le destin, avaient rendu notre rencontre possible. Tout n'était que question de bon timing. Si on m'avait dit que j'allais trouver l'âme sœur en tombant, deux jours plutôt, et le plus innocemment du monde sur un site de rencontres gay, je m'y serai rendue bien plus tôt, croyez-moi. Mais, je vous vois sourire d'ici. Vous mettez ma parole en doute pas vrai ? Et pourtant, il s'agit bel et bien de la vérité vraie. En quête de nouvelles lectures saphiques, un genre qui m'était quasi inconnu ne serait-ce qu'un mois plus tôt, j'écumais les forums existants sur le net à la recherche du Saint Graal. Mon urgence du jour s'intitulait " Madame Queen " de Kyrian Malone et Jamie Leigh. N'ayant pas la patience d'en commander la version papier, je cherchais en désespoir de cause, une version Ebook qui n'existait semble-t-il pas... Au détour de ma quête, l'encart d'une publicité concernant un site de rencontre m'interpella.

Après quelques instants de réflexions, je me décidais finalement à céder à mon impulsion. Je n'avais rien à perdre. C'est ainsi que le mercredi 18 février 2015, ma vie bascula de la plus belle des manières mais aussi de la plus inattendue pour quelqu'un comme moi qui pensait jusque-là être fondamentalement hétéro.

Alors que j'entamais mon neuvième mois, non pas de grossesse (non mais oh !), mais d'arrêt de travail suite à un burnout causé par le harcèlement incessant de ma hiérarchie, ma vie partait en lambeaux, se résumant à un confinement dans mon petit appartement de province qui me servait de blocos face aux agressions du monde extérieur. Mes seules sorties consistaient à accompagner mon fils à l'école, à me rendre chez mon kiné ou chez mon médecin, et, épisodiquement, les jours où j'étais un peu plus en forme, à aller rejoindre deux amies pour notre sacro-saint rituel du " petit dej' party ".

Ces neuf mois, me permirent également d'accéder au grade ultime d'experte, 12 ème dan (excusez du peu), en séries tv. Enchaîner les marathons télévisuels ne me faisait pas peur. Oh que non ! J'étais également devenue une véritable boulimique de lecture et plus particulièrement de romances à l'eau de rose. C'était tellement plus simple de rêver, d'imaginer LA rencontre idéale, celle de l'amour absolu avec un grand A plutôt que d'oser agir pour enfin me prendre en main.

Non, pourquoi agir quand on peut fuir et se faire oublier ? Seulement voilà, l'abus de séries tv, tout comme de lectures, pouvaient aussi quelquefois être bénéfiques même si pour cela, je n'avais pas hésité à frôler l'overdose. Car mine de rien, celles-ci avaient soulevées en moi toute une série de questionnement.

En effet, depuis quelques semaines, j'étais obsédée par les relations amoureuses entre femmes. Les séries tv américaines telles que " Orange Is The New Black " ou encore " Lost Girl " y étaient pour beaucoup. J'y découvrais une sensualité et surtout une complicité que je ne connaissais pas et qui me laissait rêveuse. Un changement commençait à s'opérer en moi. Je commençais à voir les femmes différemment. S'en était déconcertant même si je ne pensais pas être capable de sauter un jour le pas. Jusque-là, je n'avais pas de position réelle sur le sujet qui, pour être franche m'indifférait.

Mais depuis ce fameux mercredi 18 février, toutes mes convictions, mes certitudes, mon monde tel que je le connaissais, tout cela, vola en éclats. Alors, merci à toi, mon amour, pour avoir contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd'hui. Oui, merci mille fois pour m'avoir fait connaître toutes ces émotions incroyables en bousculant toutes mes certitudes. Tu es mon évidence et j'espère être la tienne. Il n'y a pas de mot, je les ai épuisés, pour te dire ce que j'éprouve pour toi, mon essentielle, MA femme.