Né à Paris en 1888, Paul Morand commence en 1913 une carrière de diplomate qui le conduira aux quatre coins du monde. Révoqué après la seconde guerre mondiale, il est rétabli dans ses fonctions d'ambassadeur en 1953 et mis à la retraite des Affaires étrangères en 1955. Elu à l'Académie française en 1968 il décède à Paris en 1976. Considéré comme l’un des pères du « style moderne » en littérature, il s'est imposé comme l'un des grands écrivains français du siècle dernier. Eloge du repos date de 1937, un texte assez court, genre d’essai, écrit rapidement après l’adoption de la loi sur les congés payés par le gouvernement du Front Populaire.
Paul Morand assoit sa réflexion sur un constat simple : si on apprend un métier, on devrait aussi apprendre à se reposer et à prendre des vacances ! Et Morand s’y connait en « vacances » puisque ce petit bouquin a été écrit après onze ans de voyages autour du monde, entre sa mise en congé du quai d’Orsay (1926) peu avant son mariage avec la riche princesse Soutzo et son retour à la diplomatie (1938).
L’oisiveté doit s’apprendre, le repos véritable est dans la tête et tout l’argent du monde n’y changera rien, le repos de l’esprit ou de l’âme ne s’achète pas. L’auteur donne des conseils aux Français lorsqu’ils voyagent à l’étranger (ils ont des devoirs). Les temps libres permettent aussi la pratique de sports ou d’activités physiques (un esprit sain dans un corps sain). Mais la grande vérité reste dans « la vie intérieure, maîtresse de notre vrai repos. »
Je ne vais pas vous vendre ce bouquin comme étant exceptionnel ou à lire toutes affaires cessantes, néanmoins le lecteur qui s’y penchera sera étonné par la modernité de son écriture et surtout de son contenu qui reste souvent d’actualité. J’ai souligné un nombre invraisemblable de phrases ou coché des paragraphes me laissant pantois d’étonnement devant leur aspect visionnaire. Seule critique, au détour d’une phrase ou d’une autre, un nationalisme discret peut agacer le lecteur…
Réflexions sur les Français (« Il craint de ne pouvoir s’adapter au lendemain parce qu’en effet il a l’adaptation lente ; de là sa peur de l’avenir qui n’est qu’un excès de doute en face de tout devenir »), sur la mode (« dont on croit qu’elle invente, tandis qu’elle ne fait que s’adapter puis surenchérir »), sur son époque (« Notre époque est asphyxiée par la peur »), le monde littéraire (« les auteurs ont peur de la critique, les critiques ont peur des éditeurs, les éditeurs ont peur du lecteur et le lecteur a peur du miroir grimaçant que lui tendent les auteurs »), sur l’éducation scolaire… Quant aux voyageurs d’aujourd’hui, « Si les gens, actuellement, se déplacent tant, c’est qu’ils son malheureux : d’où les voyages d’agrément. » Enfin, sans condamner la vitesse, ce qui serait malvenu de la part de cet homme pressé ( !), il nous met en garde néanmoins contre elle, « puisque la mort c’est l’immobilité, le mouvement c’est la vie ; d’où beaucoup concluent que la grande vitesse, c’est la grande vie. »
Ce texte est loin d’être le plus connu de Paul Morand mais si vous tombez dessus n’hésitez pas à y jeter un œil : il se lit très vite et vous serez très étonné/amusé par sa clairvoyance et son actualité.