Si vous vous dites que ça fait plusieurs jours que vous n'avez pas vu passer le petit monstre, ce n'est pas qu'une impression, c'est normal. Mimine sort à peine d'une petite grippe qui a apparemment copulé avec un rhume au bout de deux jours [Edit : c'est devenu officiellement une bronchite]. Tout ça parce que le premier fournisseur d'électricité de France n'a pas fait son BOULOT. Pas de chauffage depuis plusieurs semaines, Mimine est à deux doigts de découper la table du salon en petites bûchettes et de faire un feu de camp dans l'appart. La Drama Queen que je suis, qui tombe malade dès que la température chute (en même temps il fait 12°c chez moi), ne survivrait pas une seconde dans un milieu hostile. Oh bah dis donc, ça tombe bien, je voulais justement vous parler d'un bouquin post-apo. Le hasard de la vie fait bien les choses quand même.
L'écriture des transitions, c'est un métier. N'en doutez plus.Oui messieurs dames, ça va parler de la petite nouveauté post-apocalypse de la rentrée, mais alors d'un très bon livre du genre. Pour tout vous dire, Mimine est tombée littéralement sous le charme et n'a plus voulu quitter le bouquin. Elle a essayé, mais physiquement c'est difficile à gérer. Socialement aussi.
Quand le célèbre acteur Arthur Leander s'écroule suite à une crise cardiaque sur scène alors qu'il joue le Roi Lear, c'est comme qui dirait le début de la fin : le soir même, le monde est terrassé par une épidémie fulgurante de grippe. 99% de la population mondiale disparaît en quelques semaines. Vingt ans plus tard, une troupe itinérante jouant du Shakespeare se déplace à travers les Etats-Unis, à la rencontre des communautés de survivants et des maigres restes du " monde d'hier ", jusqu'à ce qu'un jour, elle arrive dans une ville tombée sous la coupe d'un étrange individu se faisant appeler le prophète, à la tête d'une petite armée de fidèles.
S'il est difficile de faire dans l'originalité avec le genre du post-apo, Station Eleven réussi à se démarquer par une construction narrative absolument remarquable. En alternant les périodes de l'avant/après, le roman offre une palette de récits, tous plus ou moins liés à une personne : Arthur Leander, l'acteur mort avant la fin du monde, devenant la figure principale, le pivot de l'intrigue.
Un ancien paparazzi devenu aide-soignant, une ex-femme dessinatrice, un meilleur ami british, une bande-dessinée, un presse papier, une enfant actrice, une maîtresse... Objets ayant appartenus à Arthur ou personnes qui l'ont connus, autant de fragments de vie éparpillés par l'épidémie. En remontant le temps, on se retrouve à lire les moments les plus marquants d'Arthur, de ses déboires sentimentaux à ses succès fulgurants à Hollywood. Kirsten, elle, membre de la troupe itinérante, était une jeune enfant actrice, sur scène le jour où Arthur mourut, et à qui il ne reste pas grand chose de l'ancien monde. Si ce n'est une mystérieuse bande-dessinée de science-fiction, Dr Eleven.
Bouleversant, émouvant, effrayant... Station Eleven est tout ça à la fois et bien plus encore. Comme je le disais plus haut, il a été très difficile de quitter le bouquin tellement on s'attache aux personnages, à leur histoire personnelle et à leur espoir, un intérêt entretenu par un certain suspens (qui est cette punaise de prophète ?). L'auteur nous décrit sa vision à elle de ce que pourrait devenir le monde après un cataclysme monumental. On y croit sans difficulté.
Entre les coups durs des décès, le quotidien de la troupe soudée par la survie, les dangers de la route et des communautés sectaires, et le désir de certains survivants de récupérer des objets de l'ancien monde comme si c'était des reliques, on suit avec une certaine fascination la façon dont les gens se sont adaptés et dont le monde a disparu en un claquement de doigt.
Parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, que tous les toits s'effondrent et que bientôt ces vieilles constructions ne seront plus sûres. Parce que nous cherchons en permanence l'ancien monde, avant que toute trace en ait disparu.
Je suis toujours fascinée par les univers post-apocalypse. Déjà parce que c'est un véritable miroir inversé de notre société qui nous fait prendre conscience de nos travers, de notre dépendance à toutes les petites choses du quotidien que nous ne voyons même plus. Et puis je me suis toujours posée la question (qui vient juste après " Serais-je capable de survivre ? ") si on devait tenter de se souvenir de l'ancien monde ou plutôt s'efforcer de l'oublier. Car se souvenir de ce qu'on a perdu, n'est-il pas plus cruel ? Vaste question très jouasse vous noterez.
Statio Eleven va rejoindre sans plus attendre les deux romans post-apo #coupdecoeur qui ont fait chavirer Mimine (et qu'elle conseille du coup) : La route de Cormac McCarthy et Celle qui a tous les dons de M.R. Carey. Parce que des petites merveilles comme ça d'humanité, j'aimerais bien en avoir un peu plus souvent.