Robert T. Trépanier et le Vieux Hull, un texte de Pierre Raphaël Pelletier…

Par Chatquilouche @chatquilouche

Été 1976

Le soleil exulte…
« Elle était toute radieuse dans sa belle robe. Elle m’a souri », me raconte-t-il.
« Y’a tant de choses cachées que tu vois que je ne vois pas. »
Silencieux, Robert accélère le pas.
Quelques mois plus tard, je le revois à son atelier. Il me montre des toiles de grandes dimensions. D’autres de plus petits formats. Il en a peint une
pour moi.
À la fine pointe d’un bout de terrain triangulaire, les bras tendus vers le ciel, un funambulesque personnage s’élance au-dessus du vide dans une ultime tentative d’attraper au vol un oiseau rouge.
C’est tout à fait lui. C’est le poète Icare qui, comme on le sait, connaît une chute tragique.

Pour Robert T. Trépanier, les décennies qui suivront seront très productives. Par la grâce de son regard d’enfant, il peindra inlassablement des centaines de scènes urbaines. Le Vanier de son enfance, les maisons autour de la rue St-Patrick, le marché, le centre-ville, le pont interprovincial (pont Alexandra complètement détruit lors du grand incendie de la ville de Hull en 1899).
L’année 1979 marque une étape importante dans la vie de Robert T. Trépanier.

Pour une petite somme d’argent provenant de la vente des toiles de ses dernières expositions, il achète une cabane à proximité du lac Blue Sea au Québec, à 90 kilomètres au nord de la ville d’Ottawa.

Il viendra souvent me voir au cours des années 80 et 90. Il me parlait pendant plus d’une heure à la fois. C’était essoufflant. La dernière fois que je l’ai vu, il était incohérent. Il souffrait beaucoup.
J’ai ensuite perdu sa trace pendant plusieurs années avant d’apprendre, par hasard, qu’il était revenu dans la région. Il avait loué un modique appartement dans le Vieux-Hull.

Extraits de : Pierre Raphaël Pelletier, Entre l’étreinte de la rue et la fièvre des cafés, Éditions David, 2012.

L’auteur

À la fois poète, romancier, essayiste et artiste visuel,Pierre Raphaël Pelletier a publié une vingtaine de livres touchant différents genres et réalisé plus d’une trentaine d’expositions (solos ou en groupe) de sculptures, de peintures ou de dessins. Il s’est aussi fait connaître par son implication dans un éventail d’organismes artistiques et culturels de la Francophonie canadienne comme l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français, dont il est l’un des membres fondateurs.

Vers la fin des années 1970, Pierre Raphaël, après une maîtrise en philosophie, tient diverses chroniques sur les arts visuels à la radio de Radio-Canada et pour le journal Le Droit. Entre 1977 et 1982, il est responsable des secteurs de l’animation culturelle et du Centre des femmes et Étudiant-e-s étrangers-ères de l’Université d’Ottawa. C’est à partir de cette époque qu’il réalise plusieurs études et recherches sur la situation des arts et de la culture en Ontario, notamment Étude sur les arts visuels en Ontario français (1976) et Étude des centres culturels en Ontario (1979). Jusqu’à la fin des années 1990, il aura aussi écrit des articles parus dans des revues, comme Le Sabord, Éducation et francophonie et Liaison.

Parmi ses publications, notons le recueil de poésie L’œil de la lumière(L’Interligne, 2007) pour lequel il remporte, en 2008, le Prix Trillium, le roman Il faut crier l’injure (Le Nordir, 1998), qui lui permet de gagner le Prix Christine-Dumitriu-Van-Saanen et le Prix du livre d’Ottawa-Carleton en 1999. Il est également l’auteur du récit Entre l’étreinte de la rue et la fièvre des cafés (David, 2012) et de l’essaiPour une culture de l’injure (Le Nordir, 1999) écrit en collaboration avec Herménégilde Chiasson. (Éd. David)