Maya Angelou.
Comme elle nous manque, Maya Angelou, l'immense poétesse américaine aimée par Barack Obama, décédée le 28 mai 2014 à l'âge de 86 ans, chez elle, à Winston-Salem (Caroline du Nord). Née dans le Missouri le 4 avril 1928 mais ayant passé son enfance et sa jeunesse entre l'Arkansas et la Californie, l'écrivaine, de son vrai nom Marguerite Johnson, était aussi une importante figure de la cause noire, en Amérique comme en Afrique. Elle a milité avec Malcolm X et avec Martin Luther King. Qu'aurait-elle dit aujourd'hui devant la marche du monde?
2013, Literarian award.
Mais l'oiseau s'est envolé et nous devons nous contenter de réécouter sa voix, de plonger dans ses livres, de nous nourrir ainsi de son énergie sans faille et de sa force communicative. N'a-t-elle pas reçu en 2013, en tant que militante des droits civiques américains, le prestigieux Literarian Award, décerné par le National Book Award pour "services exceptionnels rendus à la communauté littéraire américaine" (lire ici)?2011, Médaille de la liberté.
Jusqu'à la fin de sa vie, Maya Angelou aura parcouru le monde pour monter sur scène, lire, parler, chanter et enseigner. Toute sa vie, elle a écrit aussi, de la poésie, du théâtre, des scénarios, des livres pour la jeunesse, des essais, des autobiographies - qui nous parviennent peu à peu en traduction française. Elle était devenue une institution nationale aux U.S.A. Ses livres figurent au programme des écoles américaines, au grand dam des conservateurs. Du temps où Barack Obama nous informait de ses lectures, elle y figurait en bonne place. Comme le président avait raison! Le 15 février 2011, il lui avait remis la prestigieuse médaille de la Liberté! Se souvient-on par ailleurs que Bill Clinton l'avait invitée à lire un de ses poèmes, "On the pulse of morning", lors de son investiture en janvier 1993?Il est préfacé par Dinaw Mengestu, écrivain américain d'origine éthiopienne, né un-demi-siècle après Maya Angelou. Il nous livre un beau témoignage de jeune qui a grandi dans "la banlieue racialement divisée de Chicago dans les années 1980" et qui, bien avant de la lire, avait perçu "le rôle complexe et diffus qu'elle jouait dans la vie culturelle et littéraire américaine, jusque dans le paysage moral et politique du pays".
Il poursuit: "Avec le recul, on comprend mieux comment l'œuvre de Maya Angelou, qui n'a jamais cédé sur son engagement militant, sans rien cacher des traumatismes physiques et psychologiques subis par la femme afro-américaine, compte parmi les plus importantes sur la scène littéraire aujourd'hui élargie".
Avec ses courts billets, "Lettre à ma fille" montre combien Maya Angelou a eu besoin de persévérance pour tenir et avancer. La "Lettre" elle-même qui ouvre le livre, est particulièrement touchante. Une dame âgée choisit de raconter ce qu'elle a osé tenter, en tremblant parfois. On verra donc une enfant grandir. On lira des histoires drôles et des histoires graves. On découvrira quelqu'un qui endosse ses responsabilités, qui déploie à l'autre le chemin des possibles. La "Lettre" se termine ainsi:
"J'ai donné naissance à un seul enfant, un garçon, mais j'ai des milliers de filles. Des Noires, Blanches, juives, musulmanes, Asiatiques, latinas, Indiennes d'Amérique, Aléoutes. Qu'elles soient obèses, maigres, jolies, ordinaires, homos, hétéros, éduquées, illettrées, je m'adresse à elles toutes. Ceci est mon legs."Maya Angelou raconte alors des éléments de sa vie, à la première personne. Son enfance, ses difficultés, ses drames, ses joies, tout cela d'un ton léger qui ne s'appesantit pas sur les nombreux malheurs qui lui sont arrivés. En même temps, toujours cette confiance que lui a manifestée son entourage et qu'elle a transmise elle-même à ses proches. Et cette force de caractère qui transpire dans tout ce que cette femme respectueuse des autres entreprend. Une merveille que ce livre. Un cadeau.
Pour lire le début de "Lettre à ma fille", c'est ici.
Pour encore mieux connaître Maya Angelou et encore plus l'aimer, on plongera dans les quatre volumes disponibles en français de son autobiographie en six volumes plus un, publiés aux Etats-Unis entre 1969 et 2013.
- "I know why the caged bird sings" (1969), de sa naissance à 1944 - "Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage" (traduit de l’américain par Christiane Besse, Les Allusifs, 2008, Le Livre de Poche, 2009)
- "Gather together in my name" (1974), de 1944 à 1948
- "Singin' and swingin' and gettin' Merry like Christmas" (1976), de 1949 à 1955
- "The heart of a woman" (1981), 1957-62 - "Tant que je serai noire" (traduit de l'américain par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Les Allusifs, 2008, Le Livre de Poche, 2009)
- "All God's children need traveling shoes" (1986), de 1962 à 1965 - "Un billet d'avion pour l'Afrique" (traduit de l'américain par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Les Allusifs, 2011, Le Livre de Poche, 2012)
- "A song flung up to heaven" (2002), de 1965 à 1968
- "Mom & Me & Mom" (2013), panorama de sa relation à sa mère - "Lady B" (traduit de l'américain par Claire Chabalier et Louise Chabalier, Buchet-Chastel, 2014, Le Livre de Poche, 2016)