Révolutions animales (collectif)

Révolutions animales (collectif)

D’abord, mes excuses à l’éditeur pour le retard pris dans la rédaction de cette chronique. Ce n’était pas par manque d’intérêt, bien au contraire. On n’avale pas un peu plus de 550 pages d’un tel bouquin comme on lit une bd, c’est certain. J’ai appris certaines choses, redécouvert certains faits et événements et surtout énormément réfléchi à la portée de ces écrits, à ce qu’ils pouvaient impliquer dans ma vie.
Ce retard tombe à point nommé, car deux nouvelles toutes fraiches ont achevé de me convaincre du bien-fondé d’un tel ouvrage : la création en france du premier parti animaliste et un manifeste politique rassemblant 30 mesures en faveur de la cause animale a été présenté à la presse par les 26 associations qui sont à l’origine de sa création. La société est en train de changer (en témoigne la montée en puissance du véganisme) et je ne peux que m’en réjouir.

Mais revenons à ce livre, porté par Karine Lou Matignon et qui rassemble des textes fondateurs de personnalités aussi diverses que Jane Goodall, Fabrice Nicolino, Mathieu Ricard, Boris Cyrulnik ou encore Peter Singer pour ne citer que les plus connus (par le grand public en tout cas). Des auteurs issus de disciplines très différentes, aux cursus variés mais qui ont en commun la volonté de bousculer les idées reçues, de rappeler notre évidente filiation avec les animaux, d’apporter un autre éclairage à nos relations avec ces êtres dits inférieurs, et surtout de susciter interrogations, réflexions et remises en question.
Ce sont des textes qui ne dépassent pas dix pages pour la plupart, mais dont la richesse et la profondeur méritent une lecture lente et appliquée. C’est qu’on y aborde la condition animale dans tous ses aspects : historique, avec le rappel de l’utilisation des animaux notamment au cours des guerres, éthique, scientifique, morale, juridique.

Les animaux possèdent une intelligence et une sensibilité que personne ne peut plus nier (il faut s’attarder sur le texte consacré aux sèches et pieuvres, passionnant !) mais qu’il nous faut intégrer et admettre dans tous les actes de la vie quotidienne. Du cochon d’élevage à l’abeille en passant par les grands singes, la chèvre ou l’éléphant, chaque animal mérite que l’on respecte son intégrité. Qu’on le traite avec dignité. Rien que d’y songer, d’en faire accepter l’idée, c’est déjà un exploit !

Or, la grande force de cet ouvrage c’est d’abord de ne pas être hermétique, d’être accessible à un lecteur même peu familiarisé avec ces données scientifiques, c’est aussi d’avoir réussi ce beau mélange entre des disciplines différentes, et de retracer l’histoire de nos relations avec les animaux, dans le temps bien sûr, mais aussi par le prisme des religions, et à travers d’autres cultures. On nous rappelle l’origine des premiers zoos, des jeux du cirque, on comprend mieux comment la négation de la sensibilité de l’animal a pu conduire à l’élevage intensif, aux expérimentations scientifiques et médicales, la chasse et le braconnage, etc. Si la plupart des textes constituent des sources d’informations scientifiques, des bases de réflexion (parfois percutantes dans leur brutale révélation), d’autres rappellent à notre mauvaise conscience l’ampleur de ce « génocide » animal, qui sacrifie des milliards d’être vivants.

Alors, pour échapper à cette vérité cauchemardesque, on se raccroche à ces mots, ces nouvelles idées qui nous dévoilent un autre monde, forcément meilleur, où, sur le fondement des principes moraux, éthiques, scientifiques et philosophiques, nous traiterions les animaux comme ils le méritent, comme des créatures intelligentes et sensibles, et guère différentes de nous dans le fond. Et ça, c’est un bouleversement culturel complet, une révolution comme, peut-être, cela a dû être la cas, il y a bien longtemps, lorsque l’esclavage a été aboli et que les femmes ont eu le droit de vote.

Pour souligner, et j’en terminerai sur ce constat, ce qui me parait une évidence, je partage totalement les conclusions de deux contributeurs en particulier : Mathieu Ricard et Shelby Elaine McDonald : nous ne pourrons jamais espérer devenir meilleurs, cesser les guerres et les injustices, si nous ne sommes pas capables de faire preuve de compassion pour les animaux. De l’animal domestique à l’animal sauvage, tous sont nos compagnons et nos partenaires, depuis le début de l’histoire de l’humanité. Et il n’est plus possible de poursuivre cette exploitation insensée du monde animal. Si cela pouvait cesser, d’autres perspectives se dessineraient, et parmi elles, un changement dans nos comportements entre êtres humains. J’espère sincèrement que ce bel ouvrage agrémenté de magnifiques photos, permettra une prise de conscience durable.

PS : Je reprends ici ce petit texte de Luce lapin qui résume admirablement ce que nous faisons des bêtes…

Exploités, maltraités, gavés, broyés, harponnés, consommés, expérimentés, toréés, chassés, pêchés, piégés, électrocutés pour leur fourrure, emprisonnés dans les cirques, enfermés dans les zoos, les delphinariums, abandonnés, humiliés, méprisés… NIÉS. À poil, à plume ou à écaille.

Les animaux. La dernière des minorités.