Le synopsis
Marguerite Gachet mène une vie stricte mais paisible, jusqu'à sa rencontre avec un homme bohème qui a vingt ans de plus, et dont la peinture la subjugue : Vincent Van Gogh. Désargenté, original, il souffre d'un manque de popularité, mais s'emploie à peindre sans relâche. Marguerite et Vincent nouent une relation amicale puis amoureuse, qui n'est pas pour plaire au père de la jeune fille, le célèbre docteur Gachet. Leur liaison connaîtra une issue terrible.
Mon avis
La valse des arbres et du ciel m'a offert un doux moment de lecture.
La narratrice est Marguerite, jeune fille à l'éducation très réglementée par son père, médecin célèbre pour avoir été un généreux mécène des peintres impressionnistes.
Ce qui frappe en premier, c'est la distance entre l'image que l'on peut se faire du docteur, et le portrait qui en est proposé à partir de la relation qu'il entretient avec sa fille.
Personnage central de l'intrigue, il brille par sa fatuité et son tempérament colérique et borné, n'inspirant pas la moindre sympathie, bien au contraire. Ses traits sont sans doute un peu excessifs, comme on peut s'imaginer que les perçoit une jeune fille de seize ans, mais ce que l'on peut dire, c'est que ce bon docteur ne bénéficie guère de circonstances atténuantes!
Par ailleurs, du fait du point de vue adopté, qui est donc celui d'une jeune fille très romantique et pleine d'imagination, le récit peut paraître par moment un peu mièvre. Rien que je reproche lourdement au roman, cela fait partie de son charme, et est très cohérent avec le personnage de Marguerite, mais c'est néanmoins un point qui mérite d'être souligné.
Vincent Van Gogh, pour sa part, est présent sans vraiment l'être, car s'il est au cœur des pensées de Marguerite, les scènes l'impliquant ne sont pas systématiques, et montrent une personnalité moins affirmée que celle du docteur Gachet, par exemple : le peintre est lunaire, insaisissable, un peu perdu, d'une certaine façon. Comme il est intéressant, pourtant, de le voir dans son quotidien, lui dont on ne sait que trop bien qu'il a vécu toute son existence durant sans la moindre reconnaissance, et que son oeuvre n'a été consacrée qu'à sa mort! Vincent subsiste grâce à son frère, il se caractérise par son acharnement à peindre, par cette préséance qu'il accorde dans sa vie à la peinture avec laquelle rien ni personne ne peut rivaliser.
En revanche, je préfère vous prévenir, la quatrième de couverture fait un teasing qui n'est pas tout à fait en phase avec le roman ; le mystère évoqué autour des faux à Orsay m'a semblé relativement secondaire, et le roman n'est pas construit comme un thriller!
C'est sans doute pour cela, d'ailleurs, qu'il m'a plu, pour finir. Mention spéciale aux articles de l'époque insérés dans le texte, et qui sont d'une richesse et d'une truculence sans pareilles ; je vous invite à en lire des extraits ci-dessous! L'idée aurait eu de quoi dérouter, mais le résultat est très réussi, car l'astuce facilite l'immersion dans la France de la fin du XIXe siècle plus que de longues descriptions verbeuses.
Comme quoi, la couverture ne ment jamais! (ou presque...)
Pour vous si...
- Vous aimez rencontrer dans les romans des figures connues, sans pour cela devoir passer par l'austérité de certains romans historiques
- Vous vous intéressez au contexte d'une intrigue, suffisamment pour ne pas trouver loufoque l'idée d'inclure dans le récit des articles de la presse de l'époque
Morceaux choisis
"Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la beauté intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l'art et de l'histoire française menacés, contre l'érection, en plein coeur de notre capitale, de l'inutile et monstrueuse tour Eiffel...
Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils, Emile Zola, Gounod, Charles Garnier figurent parmi les trois cents artistes signataires de cette pétition, d'autres comme Gauguin, Verlaine, les Goncourt, Alphonse Allais et bien d'autres, dénigrent la tour."
"Comment avais-je pu? Comment avais-je osé? C'était le plus grand peintre de notre époque, le plus novateur, et moi, petite prétentieuse, je lui donnais la leçon, comme un maître à un élève, moi qui suis incapable de dessiner une rose ou une pomme. Je me suis crue autorisée à lui dire cela parce qu'il n'était rien, un pauvre peintre obscur à qui personne n'avait jamais acheté le moindre tableau et à qui personne n'en achèterait jamais. S'il avait été connu, je ne me serais jamais permis de le juger. C'est ainsi qu'on agit en ce monde. Vous n'existez pas pour ce que vous faites, mais pour la place que vous occupez dans la société."
"Le tribunal de Nîmes vient d'élever un monument juridique qui est pour faire la joie des générations à venir. Deux époux, qui plaident en divorce, se disputent la propriété d'une bague de 2000 francs que le mari a donnée à la femme au cours du mariage... La bague reste la propriété du mari. Le tribunal a jugé que le mari avait donné la bague à sa femme pour qu'elle s'en parât dans l'intérêt et la gloire du ménage... Du moment que la femme s'en va, il faut qu'elle rende la bague, comme un domestique rend le tablier dont on lui permettait de se servir pour l'honneur de la maison."
"Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi à considérer l'homme de ma vie, à essayer de comprendre pour quelles raisons je m'étais entichée de ce peinturlureur. Comment avais-je pu tomber amoureuse d'un individu comme lui? Et abandonner tout orgueil et tout amour-propre pour quelqu'un qui me repoussait et m'ignorait, qui n'était ni beau ni prévenant, pauvre comme Job, et qui ne s'intéressait, ne parlait que de peinture, comme si c'était la seule chose sur cette terre qui méritait une conversation."
"Vincent n'était pas prêt à se laisser aimer. Il m'aimait à sa façon, je ne la comprenais pas ou ne l'admettais pas. Il aurait fallu qu'il m'aime plus que la peinture, et cela, c'était inimaginable."
Note finale2/5(mignon)