Si un jour vous avez la malchance de croiser la route de l'agent Graves, il est fort possible qu'il vous fasse une proposition tentatrice, qui risque de changer à jamais le cours de votre vie : il va déposer devant vous une mallette, contenant des photos, apportant la preuve irréfutable pour identifier le ou les responsables d'une tragédie qui a marqué votre existence. Mais ce n'est pas tout; vous allez trouver aussi une arme à feu, et cent balles (les 100 bullets du titre) totalement impossibles à identifier, qui font que si vous vous en servez pour abattre froidement la où le criminel qui a brisé votre vie, personne ne pourra vous retrouver et vous condamner. Vous voilà au-dessus des lois, Archange de la vengeance, devant juste décider du bon choix à accomplir. Céder à cette injonction de tuer, ou refuser, quitte à connaître un destin tragique. Isabelle Cordova alias Dizzy, une jeune latino des quartiers chauds de Chicago, est la première à rencontrer notre terrible agent. Elle est à peine sortie de prison qu'il lui propose le nécessaire pour se débarrasser de l'assassin de son mari et son enfant. Dizzy n'a aucunement envie de retrouver la détention, et elle aimerait en finir avec le cercle de violence qui l'étouffe, et s'appuyer sur la foi pour renaître, mais de trahisons en déceptions, le quotidien finit par la rattraper, et la mallette et son contenu pourraient bien devenir très utiles. Le même dilemme se reproduit avec Lee Dolan, barman dans un établissement miteux, et qui est privé de sa famille depuis qu'il a été condamné pour détention et trafic d'images pédophiles sur Internet. Il s'agissait en fait d'une machination ourdie par une riche désœuvrée, qui l'a piégé sans même le connaître. Grâce au contenu de la mallette, Lee va pouvoir décider si la vengeance est un plat qui se mange froid ou qui ne se mange pas du tout. Même topo pour Chucky, un joueur invétéré qui est désormais grillé dans toute la ville, car sacré tricheur aux dés. Son ami d'enfance a racheté sa dette et tente de le convaincre de faire profil bas, mais dans le même temps il lui vole une partie de sa vie et est le responsable de sa déchéance (un accident de voiture) quelques années auparavant. L'agent Graves passe dans le coin, mallette à la main...
La misère humaine dans sa splendeur la plus crade. Des dialogues au couteau, des insultes, du slang, des putes et de la drogue, des délits arme au poing et des bars où grouillent les cafards. Oui, chez Brian Azzarello le quotidien semble tout de même un peu sordide. C'est dans cette humanité qui stationne sur le ban ce touche que le scénariste façonne patiemment son histoire, proposant tout d'abord des récits qui ne semblent pas connectés entre eux (hormis la présence de l'agent Graves) avant que le lecteur comprenne que l'ensemble appartient à une tapisserie vaste et à tiroirs. Dizzy et Dolan reviennent par exemple, en contrepoint à Graves apparaît un certain Sheperd, une conspiration semble se dessiner, avec des enjeux aux ramifications inattendues et profondes... Le puzzle est géant et demande une patience infinie, d'aller bien plus loin que ce premier tome. 100 bullets, c'est un polar dont chaque fil appartient à une trame floue et insaisissable, mais qui existe, qui est là, qui n'attend que le moment où le premier fil sera tiré, pour être dévidé, sans possibilité de revenir en arrière. Honnêtement, si sur le moment ça déroute voire ça rebute, en fin de parcours, on se dit que c'est fort, et superbement bien agencé. Le dessin de la série est l'oeuvre de Eduardo Risso. Alors là, ça ne peut pas plaire à tout le monde. Le trait est très tranché, une violence presque caricaturale qui fourmille et prospère dans les jeux d'ombre, une immédiateté qui emprunte aussi bien à Frank Miller qu'à Mignola, une économie (apparente) dans le travail qui mise ses billes avant tout sur l'éclairage, les silhouettes, l'expressionnisme, rejetant l'idée de réalisme photographique. Clairement pas la came de tout le monde, clairement pas accessible au premier venu, par erreur. Mais furieusement adapté pour mettre en images les intentions d'Azzarello : les deux artistes signent là un des comic-book les plus poisseux et prenants de l'histoire du genre, qu'Urban Comics fait bien de nous offrir dans sa magnifique collection Essentiels, à un prix somme toute fort raisonnable. Collection en cinq tomes, vivement les quatre autres.
A lire aussi : Une autre intégrale chez Urban (Vertigo) : DMZ
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La misère humaine dans sa splendeur la plus crade. Des dialogues au couteau, des insultes, du slang, des putes et de la drogue, des délits arme au poing et des bars où grouillent les cafards. Oui, chez Brian Azzarello le quotidien semble tout de même un peu sordide. C'est dans cette humanité qui stationne sur le ban ce touche que le scénariste façonne patiemment son histoire, proposant tout d'abord des récits qui ne semblent pas connectés entre eux (hormis la présence de l'agent Graves) avant que le lecteur comprenne que l'ensemble appartient à une tapisserie vaste et à tiroirs. Dizzy et Dolan reviennent par exemple, en contrepoint à Graves apparaît un certain Sheperd, une conspiration semble se dessiner, avec des enjeux aux ramifications inattendues et profondes... Le puzzle est géant et demande une patience infinie, d'aller bien plus loin que ce premier tome. 100 bullets, c'est un polar dont chaque fil appartient à une trame floue et insaisissable, mais qui existe, qui est là, qui n'attend que le moment où le premier fil sera tiré, pour être dévidé, sans possibilité de revenir en arrière. Honnêtement, si sur le moment ça déroute voire ça rebute, en fin de parcours, on se dit que c'est fort, et superbement bien agencé. Le dessin de la série est l'oeuvre de Eduardo Risso. Alors là, ça ne peut pas plaire à tout le monde. Le trait est très tranché, une violence presque caricaturale qui fourmille et prospère dans les jeux d'ombre, une immédiateté qui emprunte aussi bien à Frank Miller qu'à Mignola, une économie (apparente) dans le travail qui mise ses billes avant tout sur l'éclairage, les silhouettes, l'expressionnisme, rejetant l'idée de réalisme photographique. Clairement pas la came de tout le monde, clairement pas accessible au premier venu, par erreur. Mais furieusement adapté pour mettre en images les intentions d'Azzarello : les deux artistes signent là un des comic-book les plus poisseux et prenants de l'histoire du genre, qu'Urban Comics fait bien de nous offrir dans sa magnifique collection Essentiels, à un prix somme toute fort raisonnable. Collection en cinq tomes, vivement les quatre autres.
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