OCTOBRE, 2016
Je n’oublierai jamais ce jour-là. Le jour où la pluie s’est arrêtée de tomber. Et le vent et les nuages n’avaient rien à voir là-dedans. Les gouttes se sont interrompues par la loi du 4 mai 2053, juste avant les présidentielles. Une décision vouée à faire remonter la cote de popularité du président sortant. On maîtrisait la météo depuis une bonne quinzaine d’années. Et ce mois de mai pourri avait servi de prétexte au vote unanime de l’arrêt du mauvais temps. C’est sûr, depuis cette date, plus un jour de gros temps. Les parapluies au rebut, les K-Way recyclés. J’avais encore parfois le réflexe de scruter le ciel pour y lire les nimbus, interpréter leur noirceur et choisir ma veste en conséquence. Puis je me souvenais que les Français s’étaient prononcés pour un ciel uniforme. Un bleu céruléen, n° 452 sur le nuancier gouvernemental.
C’est la pluie qui me l’avait amenée. On gardait ce souvenir au cœur, comme un trésor. Le ciel avait décidé de laver Paris à grande eau. Ses bourrasques emportaient poussière, feuilles et passants. Elle s’était précipitée pour s’abriter sous l’auvent de la porte, juste à côté de moi. Rien de mieux que la pluie pour briser la glace. Marie m’avait lancé un sourire mouillé au travers de ses cheveux collés. Puis elle m’avait suivie. Par tous les vents, par tous les temps, accrochée à mon bras.
Les années n’avaient fait que nous rapprocher. Maintenant, les saisons se ressemblaient jusqu’à se confondre. Par référendum, les citoyens avaient choisi un printemps tirant sur la fin, ces heures douces qui précédent l’été, où le soleil réchauffe sans faire transpirer. Un chapelet de jours conformes à la réglementation, trois-cent-soixante-cinq perles du même éclat. Les infimes différences jouaient sur quelques degrés, en plus ou en moins, selon les dates des vacances scolaires et les exigences des secteurs touristiques. Et je soupirais. Et je m’ennuyais. Plus d’orage lourd de chaleur, charriant des parfums de macadam mouillé. Plus d’ondée en juillet pour danser l’été, trempées et riant comme des enfants. Plus de tonnerre déchirant pour rassurer Marie, se réfugier devant un chocolat fumant, ou sous une couverture épaisse. Plus de froid mordant pour couvrir ses épaules de ma veste chaude. Plus de pieds glacés dans le lit qu’elle réchauffait sur mes mollets. Plus de balades emmitouflées jusqu’au nez, de mains jointes dans la chaleur partagée d’une poche. Plus de joues rouges piquées de froid, plus de givre sur nos fenêtres toujours ouvertes… Il nous manquait le piment des gelées dans l’interminable persistance de l’été.
(C’est avec joie que nous accueillons cette nouvelle collaboratrice. A.G.)
L’auteure
Fille du nord, née à Arras en 1976, elle étudie d’abord les arts puis l’histoire moderne. A 25 ans elle devient professeur des écoles à Berck sur Mer, se spécialise dans l’enseignement du Français Langue Étrangère et passe trois ans à travailler avec les enfants en demande d’asile. En 2007, elle quitte tout pour vivre à Madrid où elle intègre le centre international de services d’IBM. C’est au cœur de la capitale espagnole que naît son envie d’écrire. Un projet d’écriture à long terme commence à se former. De retour en France, en région parisienne, elle s’inscrit aux ateliers d’écriture « En roue libre » qu’elle suit jusqu’en 2016. Elle participe également aux ateliers d’écriture du Prix du Jeune Écrivain sous la direction de Christiane Baroche. En 2017, elle publiera son premier roman: Shana, fille du ventaux éditions Phénix d’Azur.
Publications :
Le poids de la poussière accumulée (Recueil « Les femmes nous parlent »)
Éditions Phénix d’Azur – septembre 2016 – Recueil de nouvelles
Fers d’encre et de papier (Recueil « Le chant du monde »)
Éditions Rhubarbe – avril 2015 – Recueil de poèmes et de nouvelles
Jeux d’ombres et de lumière (Recueil « Derrière la porte… »)
Opéra Éditions – 14 novembre 2014 – Prix littéraire 2014