Mille femmes blanches est paru en France en 2000. Ce roman m’est complètement passé sous le nez. Il faut dire qu’à l’époque, les Indiens et leur sort me laissaient plutôt indifférente. Les choses ont bien changé depuis! Leur histoire et leur culture me passionnent, de plus en plus d'ailleurs.
La récente parution de La vengeance des mères m'a amenée à lire d'abord Mille femmes blanches, le premier tome de cette fameuse saga de l’Ouest. Comme je n’en avais entendu que du bien, mes attentes étaient, disons, très élevées. Ont-elles été déçues? Que nenni! Ce roman m’est rentré dedans comme un couteau dans une livre de beurre.Vous êtes nombreux à avoir lu Mille femmes blanches, mais pour les autres, voici de quoi il en retourne.En septembre 1874, à Washington, un marché saugrenu (et odieux) est conclu entre le chef cheyenne Little Wolf et le président Ulysse S. Grant. En échange de mille chevaux, le président s’engage à «prêter» mille femmes blanches afin de les marier aux hommes de la tribu pour favoriser leur intégration parmi les Blancs et assurer la descendance du peuple. Ces femmes, recrutées sur une base volontaire, vivront deux ans parmi les Cheyennes, après quoi elles seront libres. Le premier convoi de femmes est recruté dans le Nebraska. Certaines sortent de l’asile, d’autres de prison, d’autres encore veulent changer de vie ou fuir un présent misérable.Parmi ces femmes se trouve May Dodd. Trop moderne, trop émancipée pour la bonne famille dont elle est issue, elle a été arrachée à ses deux enfants nés d’une union illégitime avec un homme d’un rang inférieur au sien, et envoyée de force à l’asile. Le marché avec les Cheyennes est pour elle un moyen d’échapper à son sort et de retrouver ses enfants. May rédige des carnets pour eux, au cas où elle ne les reverrait jamais. Elle y consigne ses impressions, ses rencontres, son quotidien, ses amitiés et ses amours.
Le rapprochement forcé entre les femmes blanches et les Cheyennes entraîne un attachement sincère et réciproque. Tout n’est pas rose pour autant… Les problèmes ne manquent pas: tensions entre les différentes tribus, disparition rapide des bisons, Grant qui ne remplit pas sa promesse... Sans compter l’Agence indienne qui impose à la tribu de se sédentariser.Tout tourne au vinaigre. L’extermination est en marche... Pas besoin d’ajouter que ça finit mal. D’ailleurs, n’était-ce pas perdu d’avance?Il me vient la curieuse impression que nos vies personnelles ne sont pas les chapitres d’un même livre, mais des volumes entiers, détachés et distincts. Et, pour cette raison, je commencerai demain un nouveau carnet, un nouveau volume donc, qui aura pour titre Ma vie de squaw.
Le premier roman de Jim Fergus a fait un malheur et je comprends très bien pourquoi. Inspiré en grande partie de faits réels, l'intrigue contient tous les ingrédients d’un bestseller: un rythme haletant, des personnages hauts en couleur, des bons et des méchants et un contexte historique «exotique» à souhait.J’ai pris un malin plaisir à faire le voyage avec ces femmes et à découvrir le mode de vie des Cheyennes du 19e siècle. L’idée de transmettre l'histoire de May par ses carnets s'avère un excellent choix narratif. L'adaptation au milieu, la dureté de la vie, la solidarité, les peines, doutes et joies... tout passe par les yeux de May, apportant au roman un côté intimiste.
La fin du roman est terrible… Au final, les plus «sauvages» ne sont pas ceux qu’on dit.Jim Harrison à écrit, à propos de Mille femmes blanches: un « livre splendide, puissant et exaltant». Je ne saurais mieux dire! Un roman inoubliable, peuplé de personnages plus grand que nature.Je compte plonger dans La vengeance des mèresdès que j’aurai terminé ma lecture obligatoire du moment (au demeurant excellente)!
Au fond, plus ça change, plus c’est pareil… Ce n'est pas d'hier que les Indiens sont traités comme des indésirables. Déjà, à la fin du 19e siècle, les Blancs voulaient les parquer dans des réserves afin d'avoir le champ libre pour exploiter leur territoire et le vider de ses ressources. On n’a qu’à lire l’actualité pour réaliser à quel point les choses n'évoluent pas. Pensons aux Sioux de Standing Rock ou aux Innus de la Côte-Nord... May Dodd aurait pu écrire ces mots aujourd’hui même: «Le contact de la civilisation blanche n’a réellement apporté à ces pauvres âmes que la ruine et le désespoir.» Est-ce mieux aujourd’hui? Sous le calme apparent, les tensions demeurent omniprésentes. Comme quoi, plus ça change, plus c’est pareil... Mille femmes blanches, Jim Fergus, trad. Jean-Luc Piningre, Pocket, 512 pages, 2011.
★★★★★© Steven Lang.