C'est en écrivant le Throwback Thursday n°5 que je me suis donnée envie de relire le gros pavé jeunesse que voici. Sachez que lorsque vous arrivez à vous donner envie à vous-même, c'est que vous avez atteint le level Ninja Foudrayant. Lu il y a quelques années, certainement en partie, la relecture a été une redécouverte folle.
Mimine se s'en remet toujours pas.
Miss Charity raconte l'histoire d' une petite fille qui s'ennuie un peu beaucoup. Née dans une famille de la bonne société anglaise du XIXe siècle où les règles d'éducation sont strictes et où les parents ne s'occupent absolument pas de leurs enfants, Charity n'a pas grand monde à qui parler ni avec qui jouer. Alors pour tromper l'ennui, la jeune enfant, avec sa bonne irlandaise un brin timbrée et sa gouvernante française, s'invente des petits jeux, se fait dompteuse de souris un jour, dresseuse de lapin un autre, lis Shakespeare qu'elle adore et dessine beaucoup.
Puis, Charity grandit au fur et à mesure que le récit avance dans le temps et devient une jeune femme extrêmement attachante, à l'instar d'une autre héroïne bien aimée, Ophélie de la saga de La Passe Miroir, tant leur tempérament, leur marginalité et leur intelligence se rejoignent. Comme Ophélie, Charity est vue par son entourage comme une simple d'esprit car silencieuse et timide, elle a une certaine incapacité à avoir une conversation banale avec des êtres humains, ayant plus l'habitude de la compagnie de ses animaux. Les froufrous, les minauderies et les petits flirts avec les garçons... ces petites choses sans intérêt, elle les laisse volontiers à ses irritantes cousines. Sa singularité, tirée de sa force de caractère, de son désir d'indépendance et de son refus à se plier aux règles dictées par une société où les femmes doivent seulement se marier et se taire, fait de Charity une héroïne moderne à qui je me suis beaucoup identifiée. Dans ce petit monde qu'elle s'est créée pour ne pas devenir folle par tant de solitude infantile, elle cultive l'art de l'imaginaire en dessinant et s'inventant des petites histoires qui l'amènera à gagner son émancipation.
Marie-Aude Murail a cet incroyable talent de conteuse qui fait que ses romans oscillent toujours entre un enchantement délicieux et une profonde gravité. Elle est ainsi capable d'aborder maints sujets aussi bien douloureux et difficiles tels que la mort, la folie et l'abandon que de parler d'amour, de liberté et de tolérance. Poussée par une écriture sublime et de très jolies illustrations qui de temps à autre viennent égayer les pages, l'histoire de Charity est aussi bouleversante que charmante, provoquant autant de rires que de larmes. Mimine en a eu quelques une, j'aime autant vous le dire, et a eu son comptant de fou rire, parfois même les deux en même temps (émue et hilare devant une singulière demande en mariage, par exemple). Quant aux personnages entourant notre héroïne, ils ne souffrent pas d'un manichéisme facile, mais bénéficient plutôt de traits de caractère nuancés qui leur donnent d'autant plus de profondeur.
Finir ce roman, ou plutôt quitter Charity et son petit monde, a été un véritable crève-coeur et j'ai eu besoin d'une couverture de survie et d'un grand chocolat chaud (au moins) pour m'aider à vivre la rupture. Miss Charity tient désormais une place importante dans mes livres de chevet et il est certain que je relirai des passages de temps en temps, si ce n'est le bouquin en entier.