Quand un auteur se donne comme contrainte d’écrire dans une langue très simple, pour ne pas dire basique, qu’il fait s’exprimer son personnage dans un anglais (ou, dans sa traduction, un français) à la limite du p’tit nègre, la tâche peut sembler casse-gueule. J’ai peur que la pente n’ait été trop glissante pour Atticus Lish et qu’il ne se soit fixé un pari un peu risqué. Ah, il a du mérite, c’est sûr. Mais bon.
C’est donc une jeune chinoise clandestine à l’américain approximatif et au vocabulaire restreint qui arpente les rues de New York. Elle n’est pas seule. A ses côtés, un vétéran traumatisé de la guerre d’Irak. L’un et l’autre cherchent une place que les États-Unis n’ont pas vraiment prévue pour les gens comme eux, les inadaptés à une société en crise. Le pays n’est pas remis de ses attentats, les basses couches n’ont pas droit de cité. Leur déambulation dans ce décor est l’occasion d’en faire une description poussée et une analyse de l’intérieur.
Même s’il ne brille pas par son originalité, le fond est intéressant et bien traité. Et c’est probablement pour le portrait qu’Atticus Lish dresse de la société qu’il a été récompensé du Grand Prix de Littérature Américaine cette année. En effet, j’ai du mal à croire que ça puisse être pour sa forme qui est, à mon avis, la grosse lacune de ce roman. Comme je le disais, la plume est incolore, la langue agaçante et la contrainte stylistique m’a gêné d’un bout à l’autre. Je n’étais pourtant pas particulièrement d’humeur aux envolées lyriques ou à l’élan poétique. J’imagine que certains lecteurs y seront plus sensibles, à ça, au jargon fleuri et aux gros muscles qui brillent.