Auteur : Natasha Appanah
Éditeur : Gallimard
Date de parution : 25 août 2016
178 pages
Encore un roman que j’ai fermé dix pages avant la fin, pour ralentir la cadence. Cette fois-ci, ce n’était pas parce que je le quittais à regret mais plutôt parce que tout avait été trop vite. Il ne m’avait pas assez longtemps imprégnée.
A la fin du premier chapitre, j’ai eu le sentiment de passer à côté de quelque chose, la vie de Marie avait été balayée en quelques mots et je restais sur ma faim. C’était bien sûr, parce que l’histoire n’était pas centrée sur elle mais sur son fils adoptif. Il faut dire que cette voix d’outre-tombe (quoi qu’elle n’était pas sous la tombe mais dans cet entre-deux fantomatique) me gênait aussi un peu.
Et puis l’auteur m’a emmenée ensuite dans la vie trépidante de deux personnages liés par des rapports de dominant et dominé, et c’est à partir de là que le roman s’est fait pressant, jouant sur la corde sensible des émotions, décrivant des actes violents insupportables, et c’est à partir de là que j’ai enchaîné les pages, ne pouvant m’arrêter pour souffler, recevant tous ces mots à toute vitesse sans pouvoir lâcher prise.
Alors, émotionnellement, ce roman est fort mais je suis un peu déçue. Il manque de densité, de profondeur, les personnages sont esquissés, sont caricaturés mais ils n’ont pas de vie intérieure, de corps, de puissance. En fait, j’aurais aimé que ce livre ait une bonne centaine de pages de plus, de celles qui décrivent vraiment, qui prennent le temps de camper un décor, de décrire des vies aussi désolées soient-elles. J’ai l’impression d’avoir esquissé des histoires sans les avoir creusées.
Ce roman a le mérite d’exister parce qu’il dénonce la réalité de ces adolescents Mahorais (et même ces enfants) qui vivent, survivent dans les rues de Mayotte, livrés à eux-mêmes et donc, qu’ils soient fragiles ou qu’ils jouent les gros durs, toujours à la merci de plus forts qu’eux, à la merci de la drogue, de l’alcool et de la déchéance. Elle est belle la France à Mayotte !
Il y a de très beaux passages que j’ai pris plaisir à relire plusieurs fois.
Et puis ce livre m’a touchée personnellement parce que je connais un jeune adolescent Mahorais reparti à Mayotte et qui, probablement, fait partie de ceux qui traînent aujourd’hui dans les rues et sûrement en mauvaise compagnie parce que son handicap mental ne lui permet pas de prendre du recul (un Bruce en puissance) et de comprendre mais de comprendre quoi ? Que lire, regarder des films, et faire des jeux de société, peuvent stopper la violence, comme Stéphane, le personnage qui arrive de métropole, le pense, innocemment, à son arrivée sur l’île ? Comprendre que la misère génère inévitablement des comportements déviants ? Et ce livre m’a renvoyé mon inefficacité en pleine figure. Comme on se sent inutile et impuissant à la lecture d’un tel livre !