Rentrée littéraire · hiver 2017 · repérage
Par Marie-Claude Rioux
Pas de billet Des poches dans la poche ce mois-ci (il n'y a pas assez de parutions pour en faire un billet). Alors... je commence à lorgner du côté de la rentrée d’hiver. Oui, je sais... Autant la rentrée d’automne a été riche en tentations, autant celle d’hiver s'enligne pour être plus raisonnable. Ce qui est une bonne chose! Je pourrai aller piocher dans ma PAL et en extraire plusieurs romans que je veux lire depuis longtemps, dont Dalva de Jim Harrison et les quelques romans de la rentrée d'automne qu'il me reste à lire, notamment Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo et Aquarium de David Vann. Je compte donc être sage. Outre les retrouvailles avec des auteurs que j'affectionne tout particulièrement, je compte bien faire quelques découvertes.
VIVE LES RETROUVAILLES…
BÉNIS SOIENT LES ENFANTS ET LES BÊTES – GLENDON SWARTHOUT – GALLMEISTER
Depuis que j'ai lu Homesman et Le tireur, je suis à l'affût des nouvelles parutions de Glendon Swarthout. D'autant plus qu'elles sont très rares. Aussi, une belle surprise que cette nouvelle traduction.
Ils sont six adolescents à s’être rencontrés dans ce camp de vacances en plein cœur de l’Arizona. Leurs riches parents ne savaient pas quoi faire d’eux cet été-là, et ils ont décidé d’endurcir leurs rejetons en les envoyant au grand air pour qu’ils deviennent de «vrais cow-boys». Au sein du camp, ces enfants se sont trouvés, unis par le fait que personne ne voulait rien avoir à faire avec eux. Cette nuit-là, alors que tout le monde est endormi, ils ont une mission à accomplir, un acte de bravoure qui prouvera au monde entier qu’ils valent quelque chose. Et ils iront jusqu’au bout de leur projet, quel que soit le prix à payer.
FAY – LARRY BROWN – GALLMEISTER
Père et fils, lu récemment, a été une lecture marquante.... Une grosse claque. Je compte poursuivre ma découverte de l'oeuvre de Larry Brown, Fay rejoindra donc ma PAL.
Fay, dix-sept ans, fuit une vie de misère. Elle s’élance sur les routes du Mississippi, pour gagner la mer et un autre avenir. Elle n’a pas mis les pieds à l’école depuis longtemps, ignore beaucoup des règles de la vie en société, ne sait pas vraiment ce que les hommes attendent des femmes. Belle, lumineuse et parfois inconsciente, elle suit sa route portée par le hasard des rencontres, s’abandonnant aussi facilement qu’elle prend la fuite. Mais cette femme-enfant ne réalise qu’à demi l’emprise qu’elle peut avoir sur ceux qui croisent son chemin, et laisse sur son sillage une traînée de cendre et de sang.
UNE ANNÉE DANS LA VIE DE JOHNSEY CUNLIFFE – DONAL RYAN – ALBIN MICHEL
J'ai découvert l'Irlandais Donal Ryan avec Le coeur qui tourne. Je suis curieuse de voir si son deuxième roman sera du même calibre que son premier. Je l'espère, du moins.
Jeune paysan naïf et solitaire, Johnsey vit à l’écart du monde. Il travaille à la coopérative du village, sans autre lien que sa famille. À la mort de ses parents, il hérite de leur ferme, éveillant aussitôt la jalousie de la communauté. Et lorsqu’il refuse de vendre ses terres à un consortium qui promet la prospérité à tout village, Johnsey devient un ennemi aux yeux des autres… Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe raconte le combat d’un homme seul pour donner un sens à sa vie dans un monde qui en est dénué. Donal Ryan livre au passage une formidable critique de la société moderne et du matérialisme qui vient à bout de toutes les valeurs et de tous les idéaux.
CE QUE TIENT TA MAIN DROITE T’APPARTIENT – PASCAL MANOUKIAN – DON QUICHOTTE
Pascal Manoukian aborde une fois de plus un sujet brûlant, voir explosif... Après l'éprouvant Les échoués, je suis tentée.
Si ce soir-là Charlotte n’était pas sortie dîner entre filles, elle promènerait Isis dans les allées d’un square. Il lui achèterait des livres qu’elle laisserait traîner sur la table de nuit. Chaque jour, elle serait plus belle. Chaque jour, il serait plus amoureux. Ils boiraient du Sancerre au bonheur de leurs 30 ans, danseraient sur Christine and the Queens. La vie ne tient parfois qu’à un bas filé… Le miracle n’arrivera pas: cette nuit-là, Karim perd tout. Son désir de vengeance va le mener jusqu’aux ruines d’Alep, au cœur de la machine à embrigader de Daech. Là où se cachent les monstres, mais aussi les centaines d’égarés qui ont fait le mauvais choix pour de mauvaises raisons. Là où il faudra lutter pour ne pas ressembler aux bourreaux. Un voyage réaliste au pays mal connu de l’embrigadement et de toutes les violences.
PLACE AUX DÉCOUVERTES…
LES ANIMAUX – CHRISTIAN KIEFER – ALBIN MICHEL
Niché au fin fond de l’Idaho, au cœur d’une nature sauvage, le refuge de Bill Reed recueille les animaux blessés. Ce dernier y vit parmi les rapaces, les loups, les pumas et même un ours. Connu en ville comme le «sauveur» des bêtes, Bill est un homme à l’existence paisible, qui va bientôt épouser une vétérinaire de la région. Mais le retour inattendu d’un ami d’enfance fraîchement sorti de prison pourrait ternir sa réputation. Rick est le seul à connaître le sombre passé de Bill, que ce dernier s’est acharné à cacher pendant toutes ces années. Pour préserver son secret et la vie qu’il a bâtie sur un mensonge, Bill est prêt à tout. Au fur et à mesure que la confrontation entre les deux hommes approche, l’épaisse forêt qui entoure le refuge se fait de plus en plus menaçante… Un roman noir qui est aussi une superbe histoire de rédemption qui marque la naissance d’une nouvelle voix de la littérature américaine.
AVEU DE FAIBLESSES – FRÉDÉRIC VIGUIER – ALBIN MICHEL
«Je suis laid, depuis le début. On me dit que je ressemble à ma mère, qu’on a le même nez. Mais ma mère, je la trouve belle.» Ressources inhumaines, critique implacable de notre société, a imposé le ton froid et cruel de Frédéric Viguier dont le premier roman se faisait l’écho d’une «humanité déshumanisée». On retrouve son univers glaçant et sombre, qui emprunte tout à la fois au cinéma radical de Bruno Dumont et au roman social. Mais au drame d’un bourg désindustrialisé du nord de la France, Frédéric Viguier ajoute le suspense d’un roman noir. Dès lors, l’histoire d’Yvan, un adolescent moqué pour sa laideur et sa différence, accusé du meurtre de son petit voisin, prend une tournure inattendue.
DANS LES FORÊTS – JEAN HEGLAND – GALLMEISTER
Rien n’est plus comme avant: le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses. Considéré comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, ce roman sensuel et puissant met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.
CEUX DU FUTUR – JORGE CARRION – SEUIL2048. La Troisième Guerre mondiale a décimé la planète, une dizaine d’hommes et de femmes de différentes nationalités sont enfermés dans un des bunkers construits par Mao Tsé-toung, baigné en permanence d’une lumière jaune qui leur fait perdre la notion du jour et de la nuit. Pour ne pas sombrer dans la folie, Marcelo l’Argentin surfe sur les rares sites internet encore accessibles mais pétrifiés, vestiges d’un univers révolu, et étudie le dictionnaire en espérant être encore vivant et lucide lorsqu’il parviendra à la lettre «z». Il se remémore le phénomène de «réanimation historique», cet engouement pour les traumatismes du passé qui a conduit à la catastrophe. Certains de ses compagnons d’enfermement sont déjà morts, d’autres se raccrochent à des manies, tous gravitent autour de Chang, qui gère leur microsociété, et de sa fille Thei, née en captivité, déesse adolescente souterraine et troublante. Ceux du Futur est une analyse fascinante sur la survie au quotidien, une fable humaniste sur les périls du «devoir de mémoire» et le pouvoir des mots.
GÉNÉRATION – PAULA MCGRATH – TABLE RONDE
Il y a une ferme au cœur de l’Illinois – de ces grandes fermes bio où se croisent travailleurs mexicains à peine régularisés et jeunes «wwoofeurs» venus d’Écosse ou de Norvège prêter leurs bras contre le gîte et le couvert. Là, se trouve Joe Martello, ours trentenaire au roman familial épique, ancien pianiste prodige devenu agriculteur sans raison apparente. Joe est une énigme qu’Áine cherche à percer. Ils se sont rencontrés sur Internet, et, après un premier séjour seule, Áine y retourne pour six semaines avec sa petite Daisy. Mais, sur place, rien ne se passe comme prévu. Joe et la ferme sont remplis d’ombres – et pas seulement celles des chauves-souris qui pullulent au grenier : une mère prof de piano obèse qui a noyé dans les kilos le souvenir des cris nazis, son petit élève germano-japonais, caniche savant de sa mère perfectionniste, une ancienne camarade de fac qui hésite à changer de trottoir quand Joe approche... Le jour où elle met la main sur un ordinateur caché, Aíne comprend qu’elles doivent rentrer au plus vite en Irlande. Des années plus tard, sa fille, partie à Chicago sur les traces de son grand-père, fera de nouveau tourner ce kaléidoscope de trajectoires brisées… Construit comme un film choral, Génération appartient à ces romans qu’on lit d’une traite, constamment prêt à sursauter. Avec une plume moderne et un redoutable sens du détail, Paula McGrath parle des valises que chaque génération lègue à la suivante, et partant de ce drame – les traumatismes et les tabous en héritage – elle bâtit un hymne à la jeunesse et au renouveau.GABACHO – AURA XILONEN – LIANA LEVI
Liborio a seize ans et rien à perdre. Il est maigre comme un clou, parle comme un charretier et balance de sacrées droites. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Quand il arrive aux États-Unis, ce n’est pas une existence de tout repos qui l’y attend. Clandestin en galère, il croise sur sa route des gens qui lui ressemblent, d’autres qui veulent sa peau, se trouve un petit boulot dans une librairie, lit tout ce qui lui tombe sous la main, rencontre l’amour, et finit par devenir champion de boxe. Son récit, tissé de flashbacks, est mené tambour battant et porté par une écriture brillante mêlant argot, spanglish et mots inventés.Aura Xilonen a seulement 19 ans lorsque le jury du prix Mauricio Achar sélectionne son premier roman, Campeón Gabacho. Aussitôt acheté par de nombreux éditeurs , il devient un succès éditorial avant même sa parution.
PASSER L’HIVER – MÉLANIE WALLACE – GRASSET
Lorsque June débarque dans le motel de Mabel, quelque part sur la côte Atlantique des États-Unis, cette dernière saisit immédiatement la fragilité de la situation. June semble trop jeune pour être mère, son compagnon affiche un comportement hostile et, quand il disparaît au bout de quelques jours, laissant June et son bébé Luke sans la moindre ressource, Mabel décide de leur venir en aide. Elle-même est veuve, et toujours en butte à un deuil qui ne veut pas passer. Lorsque l’hiver arrive, elle doit faire appel à son amie Iris, car les bungalows de son motel ne possèdent pas de chauffage. June et Luke sont alors relogés dans un pavillon au fond du jardin d’Iris, à la seule condition de ne pas rompre l’isolement absolu dans lequel vit cette dernière. June ne sait donc presque rien de la mort violente de son mari Matthew, ni de la rupture avec sa fille Claire, devenue photographe, et ne peut pas encore comprendre la décision d’Iris de passer sa vie retirée de la société. Mais elle sera guidée par Duncan, l’avocat et homme de confiance de sa bienfaitrice, et Oldman, un ancien reporter-photo dont le visage a été déchiqueté par un singe, qui se prend d’affection pour elle et son bébé. Quand Claire revient dans sa ville natale, après de longues années d’absence, accompagnée de Sam – une gueule cassée de la guerre de Vietnam – la vie de June prend une nouvelle tournure. Des destins entrecroisés de personnages cabossés, abandonnés, en deuil ou en colère: rares sont les écrivains capables de dire avec autant de délicatesse que Melanie Wallace la solitude des êtres humains malmenés par la vie.
CET ÉTÉ-LÀ – LEE MARTIN – SONATINE
Tout ce qu'on a su de cette soirée-là, c'est que Katie Mackey, 9 ans, était partie à la bibliothèque pour rendre des livres et qu'elle n'était pas rentrée chez elle. Puis peu à peu cette disparition a bouleversé la vie bien tranquille de cette petite ville de l'Indiana, elle a fait la une des journaux nationaux, la police a mené l'enquête, recueilli des dizaines de témoignages, mais personne n'a jamais su ce qui était arrivé à Kathy. Que s'est-il réellement passé cet été là? Trente ans après, quelques-uns des protagonistes se souviennent. Le frère de Katie, son professeur, la veuve d'un homme soupçonné du kidnapping, quelques voisins, tous prennent la parole, évoquent leurs souvenirs. Des secrets émergent, les langues se délient. Avec ce magnifique roman polyphonique, Lee Martin nous entraîne dans la résolution d'un crime à travers une exploration profonde et déchirante de la nature humaine.
UNE ACTIVITÉ RESPECTABLE – JULIA KERNINON – ROUERGUE
Dans ce court récit, Julia Kerninon, pas encore trente ans, façonne sa propre légende. Née de parents fous de lecture et de l’Amérique, elle tapait à la machine à écrire à cinq ans et a toujours voulu être écrivain. Dans une langue vive et imagée, un salut revigorant à la littérature comme « activité respectable ». À dévorer!Il me restera à éplucher les nouvelles parutions de la rentrée québécoise, qui sort généralement à la toute fin de l'année. Je compte bien aller y piocher quelques titres...
Et vous, vous êtes déjà tentés par quelques titres?