Voici un roman qui traîne sur mon étagère depuis un moment! Un choix un peu aléatoire, c'est important de donner une chance de temps en temps aux romans dont on n'a pas entendu parler, toute jolie découverte nous gonfle alors d'une fierté incomparable. Un peu comme de découvrir par hasard le tube de l'été avant tout le monde, ou d'aller au spectacle d'un humoriste débutant qui sera une révélation d'ici dix ans. Il faut parier, il faut être joueur!
Le synopsis
Pete Snow est assistant social dans le Montana (chacun sa croix...). Séparé de sa femme qui élève leur fille Rachel, Pete se dévoue aux enfants maltraités, paumés, souffrant de l'indigence dans laquelle est plongée leur famille, dans un milieu relativement rural où les structures d'aide sont peu présentes. Il s'occupe ainsi du cas de Cecil, jeune garçon violent qui ne supporte plus sa mère droguée, et de celui de Benjamin, appartenant à une large fratrie, et dont le père, Jeremiah Pearl, applique à la lettre des principes religieux qui le portent à se croire observé par le FBI tandis qu'une apocalypse menacerait le monde, et qui refuse d'élever ses enfants à l'aide des commodités modernes.
Pete tâche de faire au mieux pour préserver les enfants, jusqu'au jour où sa propre fille, Rachel, disparaît sans laisser de trace.
Mon avis
Yaak Valley, Montana, s'inscrit dans une tradition de romans américains à portée quasiment sociologique, qui se centrent sur un milieu pour en décrire les affres, les non-dits, la violence. Je pense à Jim Harrison, à TC Boyle, d'autant plus que le cadre ici, le Montana, est copieusement évoqué, de sorte que le récit est ancré dans cet environnement particulier (en même temps, le titre n'était pas trompeur là-dessus).
On croise dans le roman des personnages très incarnés, aux personnalités fortes et dérangeantes, à l'instar de Jeremiah Pearl, illuminé en qui l'on voudrait voir un danger évident, mais qui aime sincèrement ses enfants. Pete, quant à lui, est plus complexe qu'il ne pourrait sembler au premier abord, du fait de ses manquements en tant que père que l'on appréhende à travers les chapitres dans lesquels s'exprime Rachel, où elle décrit sa situation familiale, nous permettant de découvrir Pete sous un autre angle.
J'ai apprécié que le récit ne verse pas dans le thriller purement et simplement à la disparition de Rachel, car je ne voulais pas que l'action brute prenne le pas sur le récit jusque-là riche en interactions nombreuses et ne servant pas forcément une finalité précise. Dans les policiers, j'ai souvent le sentiment que chaque dialogue sert un but, et doit apporter un élément qui permettra de percer le mystère à résoudre. Cela est stimulant, bien sûr, néanmoins, je préfère en ce moment les livres où il n'y a pas de but, et où l'on trouve une matière qui est en cela plus proche de la vie, plus réaliste. Les déboires de Cecil ne sont pas la pièce d'un puzzle, et s'ils sont difficiles à lire du fait de la sinistre situation de l'adolescent, ils invitent à réfléchir sur la violence qui l'agite et dont nul ne semble pouvoir venir à bout.
L'histoire de Rachel, comme celle de Cecil ou de Benjamin, bien que différente, est très dure elle aussi, l'auteur ne nous épargne pas les épisodes de prostitution et autres joyeusetés ; on est loin de la légèreté des romans que les gens semblent plébisciter (je parle bien de JP Didierlaurent ou Raphaëlle Giordano), qui donnent envie de voir le monde en couleurs (de synthèse) mais pas de regarder véritablement le malheur que l'on côtoie au quotidien et dont on se détourne (parce que le malheur, c'est pénible). Les Cecil et les Benjamin sont bien plus nombreux qu'on ne veut bien l'imaginer, je crois.
Il y a bien quelques longueurs, mais l'on pardonne aisément à l'auteur, après tout, c'est un premier roman, et qui ne manque pas d'ambition, une bonne raison de ne pas se montrer trop abrupt dans son jugement. En prime, le style est vif et évite les lieux communs, ce que je récompense généreusement.
Un roman, donc, qui taraude son lecteur bien après la fin de la lecture, l'auteur est à suivre!
Pour vous si...
Morceaux choisis
"_Est-ce que t'as daigné mettre le nez hors de ta misérable baraque? Est-ce que t'es sorti voir ta fille, Pete?
Il leva les yeux vers elle.
_Tu me fais l'effet d'un accident, dit-il. J'ai l'impression d'avoir été percuté par un camion.
_Ben dis donc.
_C'est pas une personne que j'ai devant moi. Juste une mauvaise expérience qui m'est tombée dessus."
Note finale3/5(cool)
Le synopsis
Pete Snow est assistant social dans le Montana (chacun sa croix...). Séparé de sa femme qui élève leur fille Rachel, Pete se dévoue aux enfants maltraités, paumés, souffrant de l'indigence dans laquelle est plongée leur famille, dans un milieu relativement rural où les structures d'aide sont peu présentes. Il s'occupe ainsi du cas de Cecil, jeune garçon violent qui ne supporte plus sa mère droguée, et de celui de Benjamin, appartenant à une large fratrie, et dont le père, Jeremiah Pearl, applique à la lettre des principes religieux qui le portent à se croire observé par le FBI tandis qu'une apocalypse menacerait le monde, et qui refuse d'élever ses enfants à l'aide des commodités modernes.
Pete tâche de faire au mieux pour préserver les enfants, jusqu'au jour où sa propre fille, Rachel, disparaît sans laisser de trace.
Mon avis
Yaak Valley, Montana, s'inscrit dans une tradition de romans américains à portée quasiment sociologique, qui se centrent sur un milieu pour en décrire les affres, les non-dits, la violence. Je pense à Jim Harrison, à TC Boyle, d'autant plus que le cadre ici, le Montana, est copieusement évoqué, de sorte que le récit est ancré dans cet environnement particulier (en même temps, le titre n'était pas trompeur là-dessus).
On croise dans le roman des personnages très incarnés, aux personnalités fortes et dérangeantes, à l'instar de Jeremiah Pearl, illuminé en qui l'on voudrait voir un danger évident, mais qui aime sincèrement ses enfants. Pete, quant à lui, est plus complexe qu'il ne pourrait sembler au premier abord, du fait de ses manquements en tant que père que l'on appréhende à travers les chapitres dans lesquels s'exprime Rachel, où elle décrit sa situation familiale, nous permettant de découvrir Pete sous un autre angle.
J'ai apprécié que le récit ne verse pas dans le thriller purement et simplement à la disparition de Rachel, car je ne voulais pas que l'action brute prenne le pas sur le récit jusque-là riche en interactions nombreuses et ne servant pas forcément une finalité précise. Dans les policiers, j'ai souvent le sentiment que chaque dialogue sert un but, et doit apporter un élément qui permettra de percer le mystère à résoudre. Cela est stimulant, bien sûr, néanmoins, je préfère en ce moment les livres où il n'y a pas de but, et où l'on trouve une matière qui est en cela plus proche de la vie, plus réaliste. Les déboires de Cecil ne sont pas la pièce d'un puzzle, et s'ils sont difficiles à lire du fait de la sinistre situation de l'adolescent, ils invitent à réfléchir sur la violence qui l'agite et dont nul ne semble pouvoir venir à bout.
L'histoire de Rachel, comme celle de Cecil ou de Benjamin, bien que différente, est très dure elle aussi, l'auteur ne nous épargne pas les épisodes de prostitution et autres joyeusetés ; on est loin de la légèreté des romans que les gens semblent plébisciter (je parle bien de JP Didierlaurent ou Raphaëlle Giordano), qui donnent envie de voir le monde en couleurs (de synthèse) mais pas de regarder véritablement le malheur que l'on côtoie au quotidien et dont on se détourne (parce que le malheur, c'est pénible). Les Cecil et les Benjamin sont bien plus nombreux qu'on ne veut bien l'imaginer, je crois.
Il y a bien quelques longueurs, mais l'on pardonne aisément à l'auteur, après tout, c'est un premier roman, et qui ne manque pas d'ambition, une bonne raison de ne pas se montrer trop abrupt dans son jugement. En prime, le style est vif et évite les lieux communs, ce que je récompense généreusement.
Un roman, donc, qui taraude son lecteur bien après la fin de la lecture, l'auteur est à suivre!
Pour vous si...
- Vous aimez les romans-fleuves qui racontent l'Amérique profonde
- Vous vous délectez du malheur des personnages de roman (chacun sa perversité, après tout)
Morceaux choisis
"_Est-ce que t'as daigné mettre le nez hors de ta misérable baraque? Est-ce que t'es sorti voir ta fille, Pete?
Il leva les yeux vers elle.
_Tu me fais l'effet d'un accident, dit-il. J'ai l'impression d'avoir été percuté par un camion.
_Ben dis donc.
_C'est pas une personne que j'ai devant moi. Juste une mauvaise expérience qui m'est tombée dessus."
Note finale3/5(cool)