Lucasfilm et Disney sortent un premier spin-off au cinéma de Star Wars. Il s'agit d'un phénomène bien connu par nous les fans de comics qui avons vu l'univers créé par George Lucas s'étoffer à travers les bandes dessinées. Mais, Rogue One: A Star Wars Story est une première pour le cinéma et un pari qui aurait pu être risqué... Voici, notre critique du film garantie sans spoilers.
Rogue One: A Star Wars Story
Par Gareth Edwards * Avec Felicity Jones, Diego Luna, Ben Mendelsohn, Mads Mikkelsen, Alan Tudyk, Donnie Yen, Riz Ahmed, Jiang Wen, Forest Whitaker...
Situé entre les épisodes III et IV de la saga Star Wars, le film nous entraîne aux côtés d'individus ordinaires qui, pour rester fidèles à leurs valeurs, vont tenter l'impossible au péril de leur vie. Ils n'avaient pas prévu de devenir des héros, mais dans une époque de plus en plus sombre, ils vont devoir dérober les plans de l'Étoile de la Mort, l'arme de destruction ultime de l'Empire.
Je n'aime pas l'idée de raconter une histoire évoquée dans une oeuvre afin de plaire à une horde de fans - qui, finalement n'a pas réclamé ce film à cors et à cris. Lorsque La Menace Fantôme est sorti en 1999 - puisqu'on parle Star Wars ici, je me suis rendu compte que je n'avais ni le besoin ni l'envie de découvrir ce qu'il s'était passé avant la trilogie originale. Tout d'abord, parce que ça pouvait casser un mythe en apportant trop de détails. Ensuite, parce qu'il y a aussi les choses qu'on a imaginées à travers les informations distillées par les premiers films sur la vie d'Anakin Skywalker ou sur la chute de la République. Au final, j'ai eu plus de peur que de mal même si je n'aime pas la préquelle. Mais, toutes les histoires que nous nous sommes écrites dans notre inconscient s'effondrent et laissent place à autre chose qui, forcément, n'y ressemble pas. Et puis, si ces films basés sur les événements évoqués dans d'autres ne racontent finalement pas grand-chose ou n'apportent rien de nouveau, à quoi servent-ils réellement ? Parce qu'il est là le risque : connaissant la finalité, ils pourraient seulement alimenter la pompe à fric des producteurs et nous décevoir en tant que fans.
Pourtant, Star Wars nous a montrés via l'univers étendu qu'il était possible de raconter des histoires annexes à la saga principale, celle des films de George Lucas, en apportant de nouveaux éléments sans pour autant modifier le mytho que s'est créé le spectateur. C'est d'ailleurs sur ce principe que Disney a créé la série télé Star Wars Rebels qui montre une bande de renégats sans attache voyageant dans l'univers de la saga. On y croise certains visages connus mais, on y découvre surtout un pan de l'univers annexe aux films. Cela reste léger puisque la série TV a pour principe de jouer sur la marque Star Wars plus que d'étoffer pleinement l'univers.
Rogue One est un peu le mélange de ses deux principes. L'escouade Rogue One est évoquée dans l' Episode IV puisqu'elle est celle qui récupère les plans de l'Etoile Noire. Pis encore, nous connaissons même la fin avant d'avoir vu le film. Mais, Lucasfilm, Disney et Garreth Edwards partent sur le principe de se devoir raconter quelque chose de différent, d'apporter une véritable valeur ajoutée à la saga principale. Et, dans ce sens, c'est une réussite.
Le film s'intéresse à Jyn Erso ( Felicity Jones) qui a grandi élevée par Saw Gerrera ( Forrest Whitaker), loin de sa famille. Grâce à ces individus nous découvrons au cinéma deux cas de figure qui ne sont pas évoqués dans les épisode 1 à 7. D'un côté, une fille dont la famille fuit l'Empire, de l'autre un homme seul qui ne croit pas en la Rébellion mais qui veut voir chuter l'Empire. Dans toute la première partie du film, lorsque les protagonistes sont présentés un à un, nous allons ainsi découvrir des gens aux profils très différents et qui sont menés à ce combat contre l'Empire pour des raisons différentes : il y a l'agent secret de la Rébellion qui fait le sale boulot - qu'on n'aurait pas soupçonné dans les films originaux, il y a le pilote de l'Empire qui trahit son camp, il y a les croyants qui pensent que la Force va rétablir l'ordre dans la galaxie, et puis il y a ceux qui ne croient en rien, qui n'essaient pas de lutter contre l'Empire et qui n'en ont rien à faire de la Rébellion.
Le film peut paraître assez dense. A vrai dire, malgré sa richesse il évite d'être complexe. Par contre, il aurait tendance à se perdre par moments en effleurant certains sujets qu'il n'estime pas plus importants. Si ce n'est pas gênant en soi, ça attise la curiosité comme à s'intéresser au livre Star Wars: Catalyst dans lequel est introduit le personnage de Galen Erson ( Mads Mikklesen). Il y est détaillé sa relation avec Orson Krennic ( Ben Mendelsohn) ainsi que celle avec Saw Gerrera. D'ailleurs, ce dernier est également apparu dans The Clone Wars. Et, justement, le film arrive à faire référence à ces deux autres œuvres sans que ça ne manque au spectateur. Les scénaristes, Chris Weitz et Tony Gilroy, arrivent à nous distiller les informations importantes afin que nous comprenions mieux comment ces trois personnages en sont arrivés là à ce stade de l'histoire. D'ailleurs, le flashback qui unit les trois histoires est assez court mais rudement efficace.
L'autre prouesse du film est d'arriver à donner un instant de gloire à chacun des personnages en nous présentant un casting assez large pourtant. Pis encore, ces protagonistes ne sont pas forcément des mecs "cool" qu'on a envie de découvrir au premier abord. Par exemple, Cassian Andor ( Diego Luna) est plutôt détestable pendant une bonne partie du film. Ce n'est pas son interprétation mais le personnage qui se veut ainsi. Et, lorsqu'il ouvre son cœur, il devient alors un héros aux yeux du public et nous comprenons mieux ce qui le motivait jusque-là. L'autre exemple flagrant est K-2SO ( Alan Tudik), le droïde impérial reprogrammé qui dit tout ce qu'il lui passe par les circuits. Il peut s'avérer odieux mais il s'avère touchant et attachant. Et, justement, chacun a son moment. Chacun devient attachant d'une manière ou d'une autre.
Forcément, certains ont plus d'espace dans le film comme Jyn et Cassian, mais aussi Krennic, le méchant de l'histoire. Dans son cas, l'acteur fait ce que le scénario ne fait pas. Sincèrement, le personnage est écrit de manière plutôt basique. Il a de bonnes répliques et, vous le verrez, il est foireux comme grand méchant mais c'est l'acteur, Mendelsohn, qui fait tout. Son interprétation est incroyable. Il a un charisme qui transperce l'écran. Il n'en fait pas des tonnes pour faire apparaître les sentiments de son personnage. Il s'agit de mon coup de cœur du film, indéniablement.
Les autres acteurs sont plutôt bons. Je parlais de Tudik incarnant la voix du droïde. Mais aussi les autres. Donnie Yen (Chirrut) est un poseur né. Jiang Wen (Baze) arrive à porter une scène sur ses épaules à lui tout seul. D'ailleurs, si on s'attache à ses personnages c'est aussi grâce à ces acteurs qui portent leur rôle à cœur. D'ailleurs, je trouve ça étonnant d'arriver à s'attacher autant à ses personnages (oui j'insiste) alors que j'ai du mal à retenir leur nom. Par exemple, pour connaître celui de Baze, il m'a fallu aller voir la page Wikipédia.
Je mentirai en disant que le film est parfait. Il a ses défauts. Je pense que certaines scènes s'avèrent être inutiles telles qu'elles nous le sommes présentées. Et puis, les premières scènes dans le présent sont assez brouillonnes, nous passons d'une planète à une autre en quelques secondes, nous découvrons des personnages sans trop savoir qui ils sont et l'intrigue ne semble pas se tisser à ce moment-là. Des noms tombent sans arriver à mettre un nom dessus. Bref, c'est un peu brouillon. Surtout que l'histoire est finalement assez simple à raconter. Elle va dans une seule direction et s'y tient. Surtout qu'elle utilise le schéma classique des Star Wars.
Bien évidemment le fait que l'histoire de certains protagonistes soit détaillée dans d'autres médias est aussi gênant dans la pratique. Mais le film arrive à s'autosuffire et les personnages importants sont bel et bien présentés et définis dans et avec le cadre du film. Finalement, je suis sorti moins enjoué qu'après Le Réveil de la Force mais Rogue One reste un très bon film dont les défauts ne sont pas pénalisants.
La grande réussite est la prestation de Garreth Edwards, le réalisateur du film, qui arrive à allier le fond et la forme. Je critique régulièrement Zack Snyder qui va rajouter des scènes dans ses films seulement pour la forme, Edwards, lui, va plutôt profiter des scènes du film pour réaliser ses délires visuels. Il joue avec les ombres dans l'espace d'une manière très old school mais cela donne des effets très classes. Il donne de l'importance à la galaxie et à l'Etoile Noire de cette manière. Sur les scènes d'action, il va abuser de la caméra à l'épaule mais, à l'instar de ce qu'il avait fait sur Godzilla, cela ne devient jamais gerbant. La caméra flotte rythmant l'action mais jamais au détriment de l'action. Il y a de véritables scènes marquantes - malheureusement que je ne peux détailler sans dévoiler des intrigues du film - et il apporte vraiment une touche visuelle très personnelle au film.
La musique est aussi plutôt réussie. La réorchestration des thèmes mythiques de la saga par Michael Giacchino (entendu sur les films Pixar et sur Doctor Strange) est plutôt réussie. Il y a un parti pris, il ne fait pas que reprendre la mélodie de John Williams, il en fait quelque chose de plus personnel. De plus sombre, de plus désespéré, collant à l'ambiance globale de Rogue One.
Finalement, d'un côté technique, je ne critiquerai que la 3D stéréoscopique qui ne sert à rien et la typographie du logo Rogue One au début du film.
Rogue One est donc une réussite. Malgré toutes les craintes qu'on pouvait penser de voir une telle histoire portée au cinéma, elle apporte vraiment beaucoup à l'univers Star Wars plus qu'à l'histoire de la saga. Le film est plutôt sombre et désespéré mais pourtant le mot "espoir" résonne à plusieurs moments donnant enfin du sens au sous-titre de l'Episode IV, Un Nouvel Espoir. Je pense ne pas mentir en écrivant que Lucasfilm et Disney réussi leur pari de pouvoir raconter ce genre d'histoires au cinéma, n'en déplaisent aux détracteurs.
Enfin, le film casse une convention. Ce n'est pas un terme que je jette en l'air pour faire bien. Je vous invite à aller voir ce film - y passer du bon temps - et découvrir cela par vous-mêmes. En tout cas, nous - avec Aurélien Vives rédacteur en chef du magazine Star Wars Insider, nous étions surpris par ce parti pris. Et, c'est très bien parce que ça change !