La succession, Jean-Paul Dubois

Un roman à l'étrange couverture, mais j'ai entrepris de tordre le cou à mes préjugés (une tâche d'envergure, croyez-moi) et me suis frottée à La succession. Il ne sera pas dit que, chez Romanthé, on se contente de faire dans la facilité. Ah ah.
La succession, Jean-Paul Dubois
Le synopsis
Paul Katrakilis entiché de pelote basque, vit à Miami. Lorsqu'il apprend la mort de son père, il se perd dans la mélancolie et les souvenirs de sa singulière famille.
Mon avis
Drôle de roman que La succession!
J'ai conçu à son endroit toutes sortes de sentiments différents, sans parvenir aisément à me faire un avis à son sujet.
La passion qui anime le narrateur pour la pelote basque est un choix audacieux de l'auteur, auquel un lecteur peut rester hermétique, ce qui a été mon cas, et ce en dépit de l'attachement profond qui est le mien pour le pays basque, ses us et coutumes.
Néanmoins, dès lors que l'annonce de la mort parvient au narrateur et qu'il se replonge dans sa mémoire et dans l'histoire familiale, le récit prend un autre tour, qui m'a paru bien plus intéressant. Le parcours des membres de la famille ne manque pas de sel, mais c'est sans doute la relation entre le fils et le père qui m'a le plus captivée. Le père était médecin, le fils l'est devenu lui aussi, sans que son père ne le prenne véritablement au sérieux, ne voyant en lui qu'un joueur de pelote basque, ainsi que le suppute le narrateur lui-même. Pourtant, alors même qu'il est mort, le fils découvre peu à peu quel genre de médecin, et d'homme, était son père, et un lien se forme dans ces conditions insolites.
Parce qu'il y a toute une partie du roman à laquelle je n'ai pas été sensible, je ne vais pas m'étendre en banalités ; la lecture m'a laissé un sentiment mitigé, mais j'ai apprécié de belles pages qui m'ont récompensé de ma peine. 
Pour vous si...
  • Comme le narrateur, vous aimez la pelote basque et l'océan. Mais pas que. 

Morceaux choisis
"Cela faisait trois ans et demi que j'appartenais à la troupe des professionnels de cesta punta de Miami, et en aussi peu de temps j'avais vu le monde changer, le nôtre en particulier. L'innocence - si tant est que ce concept ait jamais existé dans le monde réel - avait laissé la place à des impératifs de gestion rigoureux au milieu desquels le jeu n'était plus qu'un facteur parmi tant d'autres. Des rapports hiérarchiques autoritaires s'étaient établis, avec des règles et des conditions de travail plus strictes grâce auxquelles l'actionnaire était toujours privilégié. L'argent des paris n'entrait plus poussé par l'allégresse du jeu comme autrefois, mais circulait encadré par une petite armée de kapos et de comptables zélés, chargés de surveiller la tension de son flux."
"Il ne fallait plus que je vienne ici. Il ne fallait plus que je travaille au restaurant. Il ne fallait plus que je la voie. Il ne fallait plus que je l'aime, que je la désire, que je la touche, que je pense à elle. Il ne fallait plus que je me déshabille devant elle. C'était ainsi et il n'y avait rien à dire de plus. Rien à explique. Muss es sein? Es muss sein. Cela doit-il être? Cela est.
Devant mon désarroi, elle me prit dans ses bras, exactement comme ma mère l'avait fait quelquefois durant notre vie commune, avec cette maladresse, cet embarras que l'on éprouve lorsque l'on tient contre soi un animal dont on ne sait plus quoi faire."
Note finale2/5(pas mal)