Soyez imprudents les enfants

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem

Soyez imprudents les enfants
Véronique Ovaldé
Éditions Flammarion
Roman
352 p., 20 €
EAN : 9782081389441
Paru en août 2016

Où?
Le roman est principalement situé en Espagne dans la région de Bilbao, à Barales, Uburuk, Zumaburga, Izoriaty, Salvatierra, Puerto Carasco, Punte del Rey, Ayotzinapa, mais il va aussi nous entraîner en France, à Paris, Toulouse, Bordeaux, Brest, Saint-Jean-de-Luz ou en Lozère. L’Afrique y est présente, du Congo au Niger en passant par le Gabon, de Brazzaville à Tombouctou, à Birni n’Konni, Dankori, Fort Crampel ou encore Dakar et Alger. Les Amériques sont également présentes avec Barsonetta, «une île clapotant dans la mer des Caraïbes», Pie de la Cuesta sur la Côte Pacifique, mais aussi Miami, New York et Mexico. En Europe, on évoque aussi Berlin, Rome, Londres, Sheffield, Hanovre et Santa Colonna. L’Asie est présente avec Zolotoï en Mandchourie

Quand?
L’action se déroule de 1983 à 1990, mais l’auteur va remonter la généalogie familiale jusqu’au XVIIe siècle et retracer le parcours de ses ancêtres.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Soyez imprudents les enfants », c’est le curieux conseil qu’on a donné à tous les Bartolome lorsqu’ils n’étaient encore que de jeunes rêveurs – et qui explique peut-être qu’ils se soient aventurés à changer le monde.
« Soyez imprudents les enfants », c’est ce qu’aimerait entendre Atanasia, la dernière des Bartolome, qui du haut de ses 13 ans espère ardemment qu’un événement vienne bousculer sa trop tranquille adolescence.
Ce sera la peinture de Roberto Diaz Uribe, découverte un jour de juin au musée de Bilbao. Que veut lui dire ce peintre, qui a disparu un beau jour et que l’on dit retiré sur une île inconnue ? Atanasia va partir à sa recherche, abandonner son pays basque natal et se frotter au monde. Quitte à s’inventer en chemin.
Dans ce singulier roman de formation, Véronique Ovaldé est comme l’Espagne qui lui sert de décor : inspirée, affranchie et désireuse de mettre le monde en mouvement.

Ce que j’en pense
****
Voilà un roman comme je les aime! Une de ces histoires qui vous emmènent là où vous n’imaginiez pas aller, qui vous apprend des tas de choses et qui vous donne à réfléchir. Un roman riche qui prétend nous raconter la vie d’Atanasia Bartolome et va en fait nous faire faire le tour de monde tout en remontant le cours des siècles passés.
« Tout avait commencé quand j’avais treize ans. Avant mes treize ans il n’y avait rien. Seulement la longue attente de l’enfance. Le sommeil et l’ennui dévorés de mauvaises herbes. L’histoire d’Atanasia Bartolome pourrait donc avoir débuté, me disais-je, lors de la grand exposition de 1983 au musée d’Art et du Patrimoine de Bilbao. »
L’émotion que ressent la jeune fille devant un tableau du peintre Roberto Diaz Uribe va en effet conditionner toute sa vie. Comme de nombreux adolescents, elle entend désormais déployer ses ailes, s’affranchir du carcan familial ou des règles trop rigides de la société. Comme de nombreux adolescents, elle va se jeter à fond dans cette nouvelle passion. Comme de nombreux adolescents, elle va se sentir incomprise et faire de chaque remarque, de chaque indignation un moyen de renforcer sa détermination.
La disparition de sa grand-mère, suivie un an plus tard de celle de son père, va d’une part la priver d’une confidente et d’une autorité morale et d’autre part lui offrir une voie royale vers l’émancipation. « Elle avait lu quelque part que 15% des gens ne se remettaient jamais d’un deuil ou d’une rupture. Ce genre de considération permettait à Atanasia de justifier sa ferveur maniaque. Elle se disait qu’il était tout aussi possible que 15% des gens vouent l’entiereté de leur vie à une obsession. »
C’est alors que le roman de formation va se transformer en roman d’aventures. Elle part pour Paris où vit Vladimir Veledine «le plus éminent spécialiste de Roberto Diaz Uribe» et entend bien tout savoir de ce peintre aussi mystérieux que fascinant.
Avec un talent de conteuse qui avait déjà fait merveille dans Ce que je sais de Vera Candida et La grâce des brigands, Véronique Ovaldé va faire de cette quête une exploration de l’histoire familiale dont il serait bien dommage de révéler ici l’issue. Mais bien vite, on va voir se tisser des liens entre les ancêtres d’Atanasia et le parcours de Roberto Diaz Uribe. Entre le guérisseur qui n’hésite pas à rebrousser chemin pour tenter de sauver les malades de la peste, entre le compagnon d’expédition de Savorgnan de Brazza qui va tenter de lutter contre les exactions des colonisateurs, entre l’oncle et le père qui vont chercher à soulever la chape de plomb franquiste.
Une preuve supplémentaire qu’il n’y a pas de hasard, que l’on se construit aussi du parcours de ses ancêtres, qu’il n’y a aussi souvent qu’un pas entre la passion et le drame : « Je suis en train de me faire dévorer par mon obsession, je n’ai pas d’ami(e)s et je ne sais même pas si j’arriverais un jour à recoucher avec un homme après ma première et décevante expérience avec Rodrigo. Je pleurais et il pleuvait. Je dégoulinais. Tout allait mal. Je me laissais un peu aller. Je me suis redit que certaines plaies ouvertes sont comme des friandises. »
À la fois violent et lumineux, ce roman démontre avec brio que l’injonction de la tante de Brazza, la marquise d’Iranda «Soyez imprudents, les garçons» doit être suivie.

Autres critiques
Babelio
France Inter (Boomerang – Augustin Trapenard)
L’Express (Hubert Artus)
Télérama (Christine Ferniot)
Culturebox (Anne Brigaudeau)
RTL (Les livres ont la parole – Bernard Lehut)
Journal de Montréal (Karine Vilder)
Revue culturelle «délibéré» (Nathalie Peyrebonne)
Blog Cultur’Elle (Caroline Doudet)
Blog Dans la bibliothèque de Noukette 
Blog Lily lit 

Les premières lignes du roman
« Ce n’est qu’en rentrant hier soir de l’Institut de Barales, tandis que je conduisais lentement, le bras gauche à l’extérieur de la portière afin de goûter au vent chaud qui vient du sud et de l’Afrique, que j’ai pensé à ce qui m’avait amenée précisément ici, dans cette voiture qui remontait la colline. Tout avait commencé quand j’avais treize ans. Avant mes treize ans il n’y avait rien. Seulement la longue attente de l’enfance. Le sommeil et l’ennui dévorés de mauvaises herbes.
L’histoire d’Atanasia Bartolome pourrait donc avoir débuté, me disais-je, lors de la grande exposition de 1983 au musée d’Art et du Patrimoine de Bilbao. Je pourrais écrire que cette exposition avait marqué un tournant, mais ce ne serait pas assez fort puisque juste avant cette exposition tout était immobile et pétrifié, et pour marquer un tournant il eût déjà fallu être en marche. En fait, ma visite à la grande exposition de 1983 avait été la conséquence du désir d’émancipation de mademoiselle Fabregat, mon professeur d’histoire de l’art. J’aimerais pouvoir dire que c’est par elle que tout est arrivé. J’aimerais utiliser cette formule si satisfaisante et si catégorique. Mais c’est simplement que mademoiselle Fabregat, en plus d’avoir des accointances indépendantistes, rêvait d’un monde où personne n’aurait considéré que vous n’aviez plus qu’à rôtir dans les feux de l’enfer si vous aviez ressenti une bouffée de désir – de concupiscence – envers votre voisin de palier. »

A propos de l’auteur
Véronique Ovaldé est née en 1972. Elle a publié huit romans dont, aux éditions Actes Sud, Les hommes en général me plaisent beaucoup et Déloger l’animal (2003, 2005) et, aux éditions de l’Olivier, Et mon coeur transparent (prix France Culture-Télérama 2008), Ce que je sais de Vera Candida (prix Renaudot des lycéens 2009, prix France Télévisions 2009, Grand Prix des lectrices de Elle 2010) et, plus récemment, La Grâce des brigands (2013). (Source : Éditions Flammarion)

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