La vengeance des mères · Jim Fergus

Par Marie-Claude Rioux

Les Blancs, c'est comme une invasion de sauterelles, ils vont vous infester ce pays en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Vous savez pourquoi ils massacrent les bisons? Vous le savez bien, hein? Ils leur tirent dessus depuis les trains et ils les laissent pourrir sur place. [...] Achever ce qui reste des tribus, leur prendre leur gagne-pain, le bison, puisque c'est tout pour eux, qu'il suffit à tous leurs besoins. Qu'est-ce qu'il va leur rester? Rien. Ils ne pourront plus se nourrir.

J'ai lu La vengeance des mères très peu de temps après avoir dévoré . Forcément, je craignais la Mille femmes blanches redite . Mais non! Jim Fergus a su se renouveler.

Le deuxième tome de la trilogie débute là où s'arrête Mille femmes blanches. En mars 1876, le massacre vient d'avoir lieu: le village cheyenne de Little Wolf a été démantelé et ses habitants sauvagement tués. Le grand chef a amené les quelques survivants au village de Crazy Horse, un chef Lakotas. Parmi la petite poignée de survivants se trouvent les jumelles Margaret et Susan Kelly, les deux irlandaises présentes dans le premier tome. Leurs maris ayant été tué pendant l'assaut et leurs bébés morts de froid, elles n'aspirent qu'à se venger. Pas question pour elles de rejoindre la "civilisation".

Un nouveau contingent de femmes blanches débarque au camp de Crazy Horse . Les nouvelles recrues viennent de partout. Molly McGill, une ancienne enseignante condamnée pour meurtre, une aristocrate anglaise et sa domestique, une jeune Française, une Norvégienne et une Mexicaine. Ensemble, ces femmes s'unissent à leur peuple d'adoption pour faire face à l'armée américaine qui, chaque jour, gagne du terrain. La guerre, imminente, se prépare. Les soldats menés par Crook et Custer sont en route. L'affront entre les Cheyennes et les Blancs est inévitable et l'issue... malheureusement trop prévisible.

Pourquoi changer une recette gagnante? Jim Fergus utilise les mêmes ingrédients que dans Mille femmes blanches: les carnets, une constellation de personnages forts et pittoresques, de l'action et de l'émotion. Les carnets de Meggie Kelly et de Molly McGill forment la trame du roman. Leurs voix, distinctes et bien perchées, alternent pour raconter leur périple.

La prose de Jim Fergus m'est apparue plus vibrante que dans Mille femmes blanches. Sans doute est-ce dû aux langues bien pendues de la jumelle Kelly et de la nouvelle recrue. Faut dire qu'elles n'ont pas la langue dans leur poche! Si un seul point de vue, celui de May Dodd, était présent dans le premier tome, le fait qu'il y en ait deux ici décuple la richesse du propos. L'intégration au sein d'une tribu cheyenne était au cœur de Mille femmes blanches. Ici, l a dimension sociologique s'efface pour laisser place à la guerre et aux affrontements, avec tout ce qui se dissimule derrière (ressentiment, chagrin, colère, vengeance, deuil).

J'avoue ne pas avoir éprouvé le même enthousiasme envers ce deuxième tome. Si Mille femmes blanches déployait une palette de couleurs chatoyantes, celle de La vengeance des mères m'apparaît un peu plus délavée, moins vibrante. Outre quelques ficelles qui dépassent et quelques longueurs, le roman m'a tout de même tenue en haleine du début à la fin. Impossible de se lasser ni de rester de marbre devant ces destins marqués au fer rouge. Ce qui me fascine le plus, dans ces deux romans, c'est d e découvrir à quel point des femmes mises au ban de la société se retrouvent, au milieu des "sauvages", l ibres, épanouies et fières .

Ne reste plus qu'à patienter pour voir ce que donnera le troisième et dernier tome, celui qui viendra clore cette fascinante épopée.

La vengeance des mères, Jim Fergus, traduit par Jean-Luc Piningre, Cherche-midi, 396 pages, 2016.