De nouveau, un premier roman, au titre intriguant, dans un cadre dépaysant qui n'est pas pour déplaire à nos cœurs transis par un hiver trop rude. C'en est fini de la grisaille et du froid polaire, direction Hanoï et ses ruelles chaudes et animées!
Le synopsis
A Hanoï, un homme noue une relation passionnelle avec Juliet, fille du consul australien, avec laquelle il parcourt les rues de la ville, sous l'ombre du spectre d'un amour perdu, ayant pour nom Laura.
Mon avis
Sur la toile, certains évoquent en parlant de L'éveil l'influence de Marguerite Duras, et ce n'est pas complètement incongru : on retrouve une atmosphère presque à huit clos, où la complexité des sentiments affleure et où l'on suffoque sous une certaine pesanteur.
Les personnages voudraient être libres, ils se leurrent en croyant l'être. Si Juliet sort peu à peu du tendre cocon où elle a été élevée dans un souci de préservation total, et découvre aux côtés de son amant le visage véritable de Hanoï, lui qui croit être affranchi de tout carcan social se retrouve aux prises avec les souvenirs de Laura, et l'emprise amoureuse qu'elle a encore sur lui, alors que, comme on dit, all is said and done (neither you nor I'm to blaaame...).
Il ne m'a pas été naturel de "rentrer" dans le livre (j'ai toujours l'impression d'emboutir la voiture de devant quand j'utilise cette expression, c'est charmant), aussi faut-il se montrer persévérant, mais le jeu en vaut la chandelle : dès lors que le cadre est dressé, que l'on est parvenu à identifier les protagonistes, on assiste à l'intrigue comme un spectateur au spectacle, en proie à l'illusion, et les émotions déferlent. On partage ainsi l'excitation et la passion, l'exotisme, la solitude parfois, une étrange mélancolie, un mal-être aussi, des contradictions irréconciliables.
La structure du récit échappe à mon sens à tout académisme, dans la mesure où il est parfois difficile de bien saisir la temporalité. Pour un premier roman, on peut parler d'audace, l'auteur n'a vraisemblablement pas choisi de se ranger aux conseils largement dispensés de toutes parts pour mener l'exercice à bien, et qui consistent principalement à se montrer modeste et fort conventionnel.
La prose, quant à elle, est étonnante de maîtrise et de subtilité. Le malaise se répand peu à peu, à mesure que se dessinent les nœuds qui emprisonnent l'homme, et que s'enlise son histoire d'amour avec Juliet, hantée par la figure de Laura qui ne le quitte jamais vraiment. On referme le livre avec un drôle de sentiment, celui de rester un peu sur sa faim, il n'était pourtant guère d'autre issue possible, et c'est heureux en un sens, car on en soupe, des happy ends qui nous martyrisent.
Une auteur à suivre, indéniablement!
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Personne n'a su. Ils ont cru que j'avais passé la nuit chez Monsieur X à parler, à rire, à écouter. Personne n'a su que je l'avais suivi dans ces ruelles, sans parler, sans rire, sans écouter, sans voir même, aveuglément suivi, hypnotisée. Ils n'ont pas compris que j'étais rentrée avec cet éveil soudain en moi, sans que rien se soit produit pourtant, cet éveil provoqué par l'absence de son contact, à lui, lui.."
"Elle riait toujours. Ce rire, je ne l'oublierai pas. Je n'en ai jamais entendu de si strident, de si drôle, de si vif, de si désespéré. Quand je l'entends, j'ai envie de rire à mon tour, de la serrer dans mes bras, de l'aimer, de la faire taire et de la consoler. Je ris et j'ai peur et je l'adore. C'est une petite folle ; elle a dû se tordre quelque chose, à l'intérieur, qui ne se répare pas. Elle a l'air folle, oui, d'une folie cinglante, agressive, qui produit de la joie et le bruit mat d'une pierre cognée contre une autre."
Note finale3/5(cool)
Le synopsis
A Hanoï, un homme noue une relation passionnelle avec Juliet, fille du consul australien, avec laquelle il parcourt les rues de la ville, sous l'ombre du spectre d'un amour perdu, ayant pour nom Laura.
Mon avis
Sur la toile, certains évoquent en parlant de L'éveil l'influence de Marguerite Duras, et ce n'est pas complètement incongru : on retrouve une atmosphère presque à huit clos, où la complexité des sentiments affleure et où l'on suffoque sous une certaine pesanteur.
Les personnages voudraient être libres, ils se leurrent en croyant l'être. Si Juliet sort peu à peu du tendre cocon où elle a été élevée dans un souci de préservation total, et découvre aux côtés de son amant le visage véritable de Hanoï, lui qui croit être affranchi de tout carcan social se retrouve aux prises avec les souvenirs de Laura, et l'emprise amoureuse qu'elle a encore sur lui, alors que, comme on dit, all is said and done (neither you nor I'm to blaaame...).
Il ne m'a pas été naturel de "rentrer" dans le livre (j'ai toujours l'impression d'emboutir la voiture de devant quand j'utilise cette expression, c'est charmant), aussi faut-il se montrer persévérant, mais le jeu en vaut la chandelle : dès lors que le cadre est dressé, que l'on est parvenu à identifier les protagonistes, on assiste à l'intrigue comme un spectateur au spectacle, en proie à l'illusion, et les émotions déferlent. On partage ainsi l'excitation et la passion, l'exotisme, la solitude parfois, une étrange mélancolie, un mal-être aussi, des contradictions irréconciliables.
La structure du récit échappe à mon sens à tout académisme, dans la mesure où il est parfois difficile de bien saisir la temporalité. Pour un premier roman, on peut parler d'audace, l'auteur n'a vraisemblablement pas choisi de se ranger aux conseils largement dispensés de toutes parts pour mener l'exercice à bien, et qui consistent principalement à se montrer modeste et fort conventionnel.
La prose, quant à elle, est étonnante de maîtrise et de subtilité. Le malaise se répand peu à peu, à mesure que se dessinent les nœuds qui emprisonnent l'homme, et que s'enlise son histoire d'amour avec Juliet, hantée par la figure de Laura qui ne le quitte jamais vraiment. On referme le livre avec un drôle de sentiment, celui de rester un peu sur sa faim, il n'était pourtant guère d'autre issue possible, et c'est heureux en un sens, car on en soupe, des happy ends qui nous martyrisent.
Une auteur à suivre, indéniablement!
Pour vous si...
- Vous raffolez de triangles amoureux tragiques (un peu dans le style d'Andromaque). Je rectifie : adeptes de Twilight, passez votre chemin.
- Vous avez des envies de coup de soleil (de coup d'amour, de coup de je t'aime, j'sais pas comment...Mais tu n'es paaaas làààà!!! T'es où? Pas là! T'es où? Mais t'es pas là! Oh mon Dieu mais ça peut durer cette cacophonie...)
Morceaux choisis
"Personne n'a su. Ils ont cru que j'avais passé la nuit chez Monsieur X à parler, à rire, à écouter. Personne n'a su que je l'avais suivi dans ces ruelles, sans parler, sans rire, sans écouter, sans voir même, aveuglément suivi, hypnotisée. Ils n'ont pas compris que j'étais rentrée avec cet éveil soudain en moi, sans que rien se soit produit pourtant, cet éveil provoqué par l'absence de son contact, à lui, lui.."
"Elle riait toujours. Ce rire, je ne l'oublierai pas. Je n'en ai jamais entendu de si strident, de si drôle, de si vif, de si désespéré. Quand je l'entends, j'ai envie de rire à mon tour, de la serrer dans mes bras, de l'aimer, de la faire taire et de la consoler. Je ris et j'ai peur et je l'adore. C'est une petite folle ; elle a dû se tordre quelque chose, à l'intérieur, qui ne se répare pas. Elle a l'air folle, oui, d'une folie cinglante, agressive, qui produit de la joie et le bruit mat d'une pierre cognée contre une autre."
Note finale3/5(cool)