Des
hordes de mendiants affamés se traînent sur les chemins, à la recherche d'un bout de pain. D'autres se meurent du typhus. De village en village, entre une auberge et une grange, Marja et ses enfants éprouvent la bonté des uns, l’aigreur et la cruauté des autres. La brève amitié qui lie Marja à Ruuni, un jeune orphelin, lui apporte enfin un peu de réconfort et d’espoir.Plus les jours passent, plus le point d'arrivée semble incertain. Comme s'approcher d'un but qui ne cesse de s'éloigner à mesure qu'on avance. Dans la neige, les traces laissées par les pas sont de moins en moins nombreuses… Et cette maudite faim qui tord le ventre.Pendant que Marja et ses enfants sillonnent les routes enneigées, de plus en plus affaiblis, les notables d’Helsinki (médecin, fonctionnaire, sénateur), eux, sont assis bien au chaud, à parloter sur l’état des finances en buvant du punsch et en jouant aux échecs...La construction du roman met en parallèle le quotidien des notables de la ville et celui des paysans qui tentent de gagner Saint-Pétersbourg. Le contraste entre ces deux mondes est révoltant. Si, au début, j'ai eu une peu de mal à passer d'un monde à l'autre, saisissant mal comment pouvait s'arrimer ces deux univers, j'ai vite réalisé le pourquoi de son comment.
Pendant que Marja et ses enfants se démènent pour survivre, Raakel, la femme d'un fonctionnaire, s'inquiète que son hibiscus rose de Chine ne fleurisse pas de l'hiver. Deux mondes, je vous le dis! Et puis, vers la fin, ces deux mondes se rejoignent, apportant une minuscule lueur d'espoir, somme toute bienvenue. Aki Ollikainen décrit le froid et la faim de façon viscérale, épidermique. Surtout la faim: le ventre vide, les crampes, la bouche sèche, les hallucinations. La faim est «un chat en colère grattant, grattant, enfonçant ses dents dans le creux de [l’]estomac». Le style ciselé, riche en nuances, crée une atmosphère ténébreuse dont j'ai eu un mal fou à m'extirper. Un roman sombre, d'une justesse bouleversante. Une lecture éprouvante, dont on ne sort pas indemne.La faim blanche est le premier titre de la collection Fictions du Nord des éditions de La Peuplade. Ça promet pour la suite!La faim blanche, Aki Ollikainen, traduit par Claire Saint-Germain, La Peuplade, 180 pages, 2016. (Publié en France chez Héloïse d'Ormesson)★★★★★