Les Romanov 1613-1918

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem

Les Romanov 1613 – 1918
Simon Sebag Montefiore
Éditions Calmann-Lévy
Récit historique
traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Tilman Chazal, Prune Le Bourdon-Brécourt et Caroline Lee
660 p., 27,90 €
EAN : 9782702157091
Paru en octobre 2016

Ce qu’en dit l’éditeur
Voici l’histoire de la dynastie des Romanov, avec ses tsars et tsarines, personnages tonitruants, autocrates-nés touchés par le génie ou la folie.
Cette captivante épopée, foisonnante d’anecdotes, raconte comment les Romanov ont construit leur empire de manière impitoyable, au gré de conspirations, de rivalités familiales et d’extravagances sexuelles. De Pierre le Grand, fêtard despotique, bâtisseur de l’autocratie russe qui exigeait l’ivresse permanente de sa cour, à Nicolas II, dernier empereur de Russie au destin tragique, dépeint comme un tsar réactionnaire et médiocre ayant précipité la chute de l’Empire, en passant par Catherine II, la plus grande des tsarines, qui multiplia les amants, ce livre dévoile leur monde secret et leur destinée hors du commun.
La plume vivante et inimitable de Simon Sebag Montefiore entremêle petite et grande histoire, et nous fait revivre avec une intensité remarquable les grands moments qui ont ponctué la légende des Romanov, pour qui gouverner la Russie fut à la fois une mission sacrée et un cadeau empoisonné.

Ce que j’en pense
****
Sur mon blog, il m’arrive très rarement de parler d’autres livres que des romans. Si je fais aujourd’hui une exception, c’est pour deux – bonnes – raisons. D’une part parce que Les Romanov se lit comme un roman, tant l’histoire mouvementée de cette famille est riche de rebondissements et les personnages hauts-en-couleur et d’autre part parce que ce gros volume servira également de guide pratique à tous ceux qui s’intéressent à la littérature russe. Ajoutons-y le fait que 2017 marquera les 100 ans de la fin des Romanov ou au choix de l’avènement de la Révolution et on aura une raison supplémentaire de se plonger dans ce fort volume.
La dynastie des Romanov prend naissance en 1613 avec Michel I et prend fin en 1762 avec la mort de Elisabeth I la Clémente. Si Simon Sebag Montefiore, comme de nombreux historiens, choisit de poursuivre jusqu’en 1917, c’est parce que la branche de Holstein-Gottorp qui prend la relève de 1762 à 1917 a choisi de perpétuer le nom de Romanov. Une branche qui par parenthèse n’est pas éteinte de nos jours, laissant deux prétendants au trône, Dimitri Romanov et la grande-duchesse Maria de Russie.
Mais revenons à Michel I. Le premier tsar à accéder au trône n’est guère représentatif de la dynastie. Il est plutôt effacé, vit au couvent dans les jupes de sa mère et sait à peine lire et écrire quand on vient le chercher pour le couronner. De fait, il va laisser le pouvoir au conseil qui l’a désigné, puis à son père de retour de captivité en Pologne et s’intéresser davantage à l’horlogerie ou à trouver une épouse qu’à régler des conflits nombreux qui minent le pays, notamment avec la Suède et la Pologne.
Son fils Alexis I, dit Le Paisible, ne fera guère mieux, ajoutant aux conflits internes une révolte intérieure qui faillit lui coûter sa place, les émeutiers étant parvenus à envahir le Kremlin. À sa suite viendront Fédor III puis Ivan V et Pierre Ier qui seront nommés conjointement, avant que le dernier nommé ne dirige seul pour devenir Pierre le Grand.
Voici venu le temps de l’âge d’or. Après l’ascension et avant le déclin, voici l’apogée. Une période qui n’en est pas moins que les autres marquée par des rivalités, du sang, des larmes et les principes autocratiques qui ne seront jamais battus en brèche. Entre le génie des uns et la folie des autres, la limite est ténue. Pierre fera indubitablement partie des génies, lui qui sera un grand bâtisseur, mettra fin à quelques conflits avant d’ouvrir son pays à l’Europe et de «construire» Saint-Pétersbourg. Comme nombre de ses prédécesseurs et successeurs, il n’en conservera pas moins un côté sombre, comme lorsqu’il n’hésite pas à torturer son fils, par exemple. Il faudra toutefois attendre très longtemps avant de retrouver une telle figure de proue avec Catherine II qui arrive en 1762 au pouvoir en renversant son mari. Digne représentante du siècle des Lumières, protectrice des arts et de la culture, elle va aussi défrayer la chronique par son appétit sexuel.
Si l’ouvrage de Simon Sebag Montefiore est aussi vivant, c’est qu’il regorge d’anecdotes et nous prouve une fois de plus que la petite histoire est souvent le moteur de la grande Histoire, que certaines alliances se sont nouées sur l’oreiller, que certaines décisions stratégiques sont plus le résultat de jalousies ou de désir de vengeance envers un cousin plus que de la haute stratégie, quitte à ce que des centaines de soldats soient sacrifiés sur le front de cette politique des émotions.
On en trouvera un bel exemple avec Alexandre II. Si le «Libérateur» a affranchi les serfs, il aura aussi joué un jeu dangereux avec Napoléon III, Bismarck ou Victoria. Après avoir échappé à plusieurs attentats, il finira assassiné, comme du reste la plupart de ses successeurs jusqu’à Nicolas II.
De la romance, on bascule alors dans le drame. Des maîtresses que l’on installe dans les appartements qui jouxtent ceux de son épouse, on en arrive aux conseillers occultes et aux intrigues de Palais, admirablement détaillées par un spécialiste de la Russie. Grâce à ses bonnes relations avec le Prince Charles, l’auteur a notamment eu accès à quelques documents inédits, comme des correspondances qui éclairent avec davantage de netteté, voire de cruauté, quelques (mes)alliances.
C’est passionnant de bout en bout !

Autres critiques
Babelio
L’Express (Benoît Yvert)
Noblesse & Royautés
Libération (D.K.)

Les premières pages du livre (comprenant l’arbre généalogique)

Extrait
« Les courtisans se déployèrent dans le royaume pour sélectionner des vierges adolescentes, principalement issues de familles de la petite noblesse, qui étaient ensuite envoyées à Moscou pour y vivre avec des membres de leur famille ou dans un manoir aménagé à cet effet. Au terme d’un long processus qui pouvait impliquer jusqu’à cinq cents candidates, six filles pomponnées et apprêtées par leurs familles étaient retenues.
Toutes les concurrentes paraissaient d’abord devant un jury de courtisans et de médecins qui éliminaient les plus faibles. L’on faisait ensuite parvenir au tsar et à ses conseillers des descriptions détaillant la beauté et la santé mais surtout les liens éventuels avec les clans du Kremlin. Pendant qu’elles attendaient nerveusement, leurs arbres généalogiques étaient abondamment épluchés.
Cette ancienne tradition suscitait la fascination des visiteurs étrangers, pour lesquels il s’agissait de la coutume moscovite la plus exotique. Expression d’une majesté mystérieuse, elle était en réalité surtout la réponse pratique à la difficulté que rencontraient les tsars pour attirer des femmes d’autres pays dans leur cour isolée et lointaine. »

A propos de l’auteur
Né en Angleterre en 1965, Simon Sebag Montefiore est diplômé d’histoire de l’université de Cambridge. Spécialiste de l’Histoire de la Russie, romancier et présentateur de télévision, il est membre de la Royal Society of Literature.
Il a reçu le prix Bruno Kreisky du livre politique, le Costa Biography Award et le prix de la Biographie du Los Angeles Times pour Le Jeune Staline (Calmann-Lévy, 2008). Ses ouvrages sont traduits dans plus de quarante langues. (Source : Éditions Calmann-Lévy)

Site internet de l’auteur (en anglais)

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