Celles et ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux savent que j'apprécie les livres qui parlent de musique. Je les bassine en partageant les morceaux de musique croisés dans mes lectures, ce qui peut aller de quelques posts à une avalanche. Notre billet du jour entre dans cette seconde catégorie, puisque la musique est au coeur du livre (comme le laisse entendre la citation placée en titre), au-delà du simple plaisir d'esthète. Elle y est mode de vie, philosophie, carburant, antidouleur, antidépresseur... Elle y est surtout universelle et puissante, mais pas invincible, hélas... En voyant le titre de notre livre du jour, "Libertango" (en grand format chez Actes Sud), on pense au tango, bien sûr. Mais son auteure, Frédérique Deghelt, élargit le champ des possibles : classique, le genre principal, vous allez comprendre pourquoi, tango, bien sûr, le jazz, quelques crochets vers le rock... Les goûts de Luis, personnage central de cette histoire, sont éclectiques et son parcours est émouvant et pas ordinaire.
A 80 ans, Luis est une célébrité mondiale, ce qui lui vaut la visite de Léa, jeune journaliste qui voudrait réaliser un documentaire sur le vieil homme. Elle voudrait retracer son existence peu ordinaire qui l'a vu devenir l'un des plus célèbres chefs d'orchestre de son temps, et bien plus encore. Un destin d'autant plus fort que Luis n'a pas grandi sous une bonne étoile.
Né dans une famille espagnole ayant fui le franquisme, Luis est victime d'une hémiplégie qui le prive de l'usage de tout son côté gauche. Un handicap qui lui vaut les moqueries des enfants de son âge, mais surtout, un rejet familial qui le blesse au plus profond : seule une de ses soeurs ne le considère pas comme une erreur de la nature...
Privé de l'amour de ses parents, terriblement gêné dans ses mouvements et dans son élocution, Luis peine à entrevoir un destin favorable. Son seul réconfort, il le trouve dans la musique. Son meilleur ami est le poste de radio qu'il écoute dès qu'il le peut et qui diffuse des sons qui l'enchantent et l'aident à tenir bon.
Luis doute de pouvoir un jour vivre une vie comme tout un chacun. De s'épanouir dans une existence tellement contrainte. Jusqu'à cette promenade dans les rues de Paris, au milieu des années 1950, quand un son va changer le sens de son existence. Que dis-je, un son ? Quelques notes de musique, sorti d'un instrument dont il ignorait l'existence : un bandonéon...
Celui qui joue s'appelle Astor Piazzolla, et Luis va se nouer d'amitié avec ce jeune argentin et son jeune compatriote, Lalo Schifrin. Ensemble, ils vont écumer les clubs de jazz de la capitale. Mieux encore, les deux Sud-Américains vont introduire Luis auprès de l'une des grandes figures du conservatoire : Nadia Boulanger.
C'est là, en tant qu'auditeur libre, si l'on peut dire, que va naître, doucement, la vocation de Luis : interdit par son hémiplégie de mener une carrière d'instrumentiste, doté d'une oreille absolue, il va petit à petit se diriger vers le rôle de chef, sans se faire d'illusion. Mais, à force de détermination, il va réussir et, malgré les difficultés, malgré un milieu très dur, il va imposer sa personnalités et ses méthodes...
Luis se livre à Léa au compte-gouttes, révélant son être intime et surtout, cette irréconciliable partition (pas au sens musical, je parle ici d'une division) qui est la sienne : d'un côté, l'homme, abîmé, , introverti, sans espoir ni illusion, de l'autre, le chef d'orchestre, imposant, inflexible, pédagogue et charismatique.
Tout le roman repose sur cette dichotomie que les questions de Léa et les souvenirs de Luis mettent en évidence. Luis, l'homme, est marqué par l'infortune depuis toujours, il reste un être amoindri qui peine à trouver sa place, et encore moins le bonheur. Et puis, il y a Luis, le chef, dont l'ascension a certes été lente et tardive, mais n'a ensuite jamais été démentie, surmontant quelques échecs et accumulant de nombreux succès.
La perception qu'on a de Luis suivra peut-être le même chemin, d'ailleurs. Luis, l'homme, émeut, forcément, par son parcours atypique, tellement semé d'embûches et de désamour qu'on en connaît beaucoup qui se seraient décourager. Luis, le chef, lui, pourra paraître plus impressionnant, allez, je le dis, moins sympathique, aussi, par son côté plus autoritaire.
Néanmoins, à mes yeux, ce serait une erreur de le voir ainsi. Lisez bien ce roman, regardez comment Luis, sujet aux moqueries, faible d'apparence, inquiet de sa légitimité, va progressivement gagner le respect et la confiance de musiciens chevronnés, talentueux, mais pas toujours très disciplinés (la description de la vie dans les orchestres m'a rappelé quelques souvenirs, c'est parfaitement décrit).
Ce personnage assez dur, forcément, il faut se protéger, échouer serait terrible pour Luis, va installer un style, des méthodes, une vision de la musique dans la société mais aussi une forme d'humanisme qui passe par l'expression musicale qui sont tout à fait passionnant. Il y a, qui plus est, dans ce roman des échos puissants avec l'actualité qui donnent une grandeur incroyable à Luis.
La musique... Comment ne pas la considérer comme l'un des personnages du livre ? Luis a dirigé certains des plus grands orchestres philharmoniques et symphoniques du monde. Mais, il ne s'est jamais enfermé dans une tour d'ivoire, comme tant de stars. La musique est un tout, qu'elle soit jouée par des virtuoses, ou de plus modestes artistes.
La musique, pour Luis, est une puissance considérable, capable de soulever des montagnes. Au cours du roman, on évoque l'une de ses initiatives majeures : la création d'un ensemble d'exception, baptisé l'Orchestre du Monde, et appelé à jouer là où personne ne joue jamais. Un projet magnifique, bouleversant, gonflé, improbable, mais une réussite.
J'ai songé à Daniel Barenboim et à ses nombreuses initiatives pour que la musique soit un moyen de rétablir la paix au Proche-Orient : le West-Eastern Divan Orchestra qui rassemble de jeunes musiciens originaires d'Israël et des pays arabes voisins au sein d'un même ensemble, donnant des concerts à travers le monde.
L'initiative est belle, couronnée d'un certain nombre de succès, mais sans doute par le principal aux yeux de son créateur, puisque la situation est toujours aussi tendue dans cette région du monde. Frédérique Deghelt, d'une certaine façon, va plus loin encore avec son Orchestre du Monde et son idée, enfin, celle de Luis, toute naïve qu'elle soit, est magnifique, forte.
"La musique répare et nous nous en servons si peu", dit Luis, phrase que j'ai reprise pour le titre. La musique l'a réparé lui, lui a offert la possibilité d'exister, lui à qui on déniait, jusque dans sa famille, ce droit élémentaire. Alors, pourquoi ne pas appliquer cette recette à un monde malade, violent, déchiré, en proie aux guerres, à la misère, au malheur sous bien des formes.
L'histoire même de cet Orchestre du Monde ferait un roman passionnant. On flirterait avec la science-fiction, du moins avec l'anticipation. On pourrait imaginer que cela réussisse, que la musique soit plus forte que tout, que la politique, les idéologies, les passions humaines... Après tout, José Carlos Somoza n'a-t-il pas, dans un de ses romans, fait de la poésie la plus terrible des armes de destruction massive ?
J'ai aimé l'utopie que représente l'Orchestre du Monde, son côté idéaliste et candide, la joie et le plaisir que procurent ces musiciens, voués à une cause universelle, celle du beau, de la musique devenue bien plus qu'un art. Frédérique Deghelt n'en fait pas le point névralgique de son roman, mais cette expérience est une forme d'accomplissement pour Luis, sa fierté.
Au fil des récits du Maestro, on comprend que la courbe s'est peut-être inversée : le dernier drame en date, évoqué, jamais décrit, a frappé le chef et non l'homme. Et, de ses échanges avec Léa, on découvre la sérénité de l'homme, meurtri, certes, mais pas abattu, philosophe, même. Au soir de sa vie, c'est un Luis en paix que rencontre Léa. Enfin, pour la première fois.
Le parcours de Luis est la trame principale de ce roman qui fait évidemment la part belle à la musique. Mais, il ne faudrait pas négliger l'importance de la relation qui se noue entre Luis et Léa, son intervieweuse. Documentariste est un travail de longue haleine, on ne fait pas que passer, on s'installe pour plusieurs semaines.
Et, lorsque le sujet est un homme, forcément, on noue une relation différente que celle qui s'établit lors d'un reportage classique. La confiance, qui permet la confidence, s'installe, si tout se passe bien, la parole, mais aussi l'écoute, se libèrent, et l'on peut arriver à une quintessence. Mais, doit-on limiter cette relation au niveau professionnel ?
Oh, je vous vois venir, bande de petits coquins, n'allez pas imaginer quelque chose qui n'aura pas lieu. Non, c'est plus fin que cela, et c'est surtout bien plus touchant, bien plus profond, également. Je n'entre pas dans les détails ici, non pas qu'il s'agisse d'un immense mystère, mais parce que cela donne à cette rencontre un supplément d'âme qui fait du bien.
"Libertango" a été une lecture enrichissante, pour moi. L'occasion de lire en musique, et c'est déjà énorme, de découvrir certains morceaux, comme ce formidable "Danzon n°2", d'Arturo Marquez. J'ai aussi renoué, à travers ce roman, avec le plaisir que j'ai longtemps eu quand je chantais, cette liberté qu'on y trouve, cet oubli du quotidien dans lequel on s'abîme, cette joie qui se diffuse.
La musique, et même les musiques. J'insiste, car cela me semble important : certes, Luis n'aime pas tous, les genres plus récents que sont le rap et la techno (même s'ils ne sont pas cités) ne l'intéressent pas (question de génération ?), mais il ne fait pas de hiérarchie entre classique, jazz, rock, tango et tant d'autres...
Là encore, il y a des enseignements à tirer, à un plus humble niveau. Mais si nous suivons les enseignements de Luis, alors, cessons de hiérarchiser aussi les genres littéraires, de cloisonner tout, de mettre des barrières infranchissables pour limiter la curiosité, le plaisir et la force de la lecture. Aïe, me voilà moralisateur ! Honte à moi, restons-en là, alors.
Un dernier mot, toutefois. Vous aurez compris que "Libertango" est aussi un roman sur l'humain. L'individu, à travers Luis, en premier lieu, mais aussi Léa. Et un roman sur l'humanité, cette entité si belle et pourtant autodestructrice... "La musique adoucit les moeurs", dit cet adage bien connu, hélas si souvent démenti par les faits. Frédérique Deghelt, au fil de ces 300 pages, nous laisse espérer qu'un jour, cela deviendra une réalité...
A 80 ans, Luis est une célébrité mondiale, ce qui lui vaut la visite de Léa, jeune journaliste qui voudrait réaliser un documentaire sur le vieil homme. Elle voudrait retracer son existence peu ordinaire qui l'a vu devenir l'un des plus célèbres chefs d'orchestre de son temps, et bien plus encore. Un destin d'autant plus fort que Luis n'a pas grandi sous une bonne étoile.
Né dans une famille espagnole ayant fui le franquisme, Luis est victime d'une hémiplégie qui le prive de l'usage de tout son côté gauche. Un handicap qui lui vaut les moqueries des enfants de son âge, mais surtout, un rejet familial qui le blesse au plus profond : seule une de ses soeurs ne le considère pas comme une erreur de la nature...
Privé de l'amour de ses parents, terriblement gêné dans ses mouvements et dans son élocution, Luis peine à entrevoir un destin favorable. Son seul réconfort, il le trouve dans la musique. Son meilleur ami est le poste de radio qu'il écoute dès qu'il le peut et qui diffuse des sons qui l'enchantent et l'aident à tenir bon.
Luis doute de pouvoir un jour vivre une vie comme tout un chacun. De s'épanouir dans une existence tellement contrainte. Jusqu'à cette promenade dans les rues de Paris, au milieu des années 1950, quand un son va changer le sens de son existence. Que dis-je, un son ? Quelques notes de musique, sorti d'un instrument dont il ignorait l'existence : un bandonéon...
Celui qui joue s'appelle Astor Piazzolla, et Luis va se nouer d'amitié avec ce jeune argentin et son jeune compatriote, Lalo Schifrin. Ensemble, ils vont écumer les clubs de jazz de la capitale. Mieux encore, les deux Sud-Américains vont introduire Luis auprès de l'une des grandes figures du conservatoire : Nadia Boulanger.
C'est là, en tant qu'auditeur libre, si l'on peut dire, que va naître, doucement, la vocation de Luis : interdit par son hémiplégie de mener une carrière d'instrumentiste, doté d'une oreille absolue, il va petit à petit se diriger vers le rôle de chef, sans se faire d'illusion. Mais, à force de détermination, il va réussir et, malgré les difficultés, malgré un milieu très dur, il va imposer sa personnalités et ses méthodes...
Luis se livre à Léa au compte-gouttes, révélant son être intime et surtout, cette irréconciliable partition (pas au sens musical, je parle ici d'une division) qui est la sienne : d'un côté, l'homme, abîmé, , introverti, sans espoir ni illusion, de l'autre, le chef d'orchestre, imposant, inflexible, pédagogue et charismatique.
Tout le roman repose sur cette dichotomie que les questions de Léa et les souvenirs de Luis mettent en évidence. Luis, l'homme, est marqué par l'infortune depuis toujours, il reste un être amoindri qui peine à trouver sa place, et encore moins le bonheur. Et puis, il y a Luis, le chef, dont l'ascension a certes été lente et tardive, mais n'a ensuite jamais été démentie, surmontant quelques échecs et accumulant de nombreux succès.
La perception qu'on a de Luis suivra peut-être le même chemin, d'ailleurs. Luis, l'homme, émeut, forcément, par son parcours atypique, tellement semé d'embûches et de désamour qu'on en connaît beaucoup qui se seraient décourager. Luis, le chef, lui, pourra paraître plus impressionnant, allez, je le dis, moins sympathique, aussi, par son côté plus autoritaire.
Néanmoins, à mes yeux, ce serait une erreur de le voir ainsi. Lisez bien ce roman, regardez comment Luis, sujet aux moqueries, faible d'apparence, inquiet de sa légitimité, va progressivement gagner le respect et la confiance de musiciens chevronnés, talentueux, mais pas toujours très disciplinés (la description de la vie dans les orchestres m'a rappelé quelques souvenirs, c'est parfaitement décrit).
Ce personnage assez dur, forcément, il faut se protéger, échouer serait terrible pour Luis, va installer un style, des méthodes, une vision de la musique dans la société mais aussi une forme d'humanisme qui passe par l'expression musicale qui sont tout à fait passionnant. Il y a, qui plus est, dans ce roman des échos puissants avec l'actualité qui donnent une grandeur incroyable à Luis.
La musique... Comment ne pas la considérer comme l'un des personnages du livre ? Luis a dirigé certains des plus grands orchestres philharmoniques et symphoniques du monde. Mais, il ne s'est jamais enfermé dans une tour d'ivoire, comme tant de stars. La musique est un tout, qu'elle soit jouée par des virtuoses, ou de plus modestes artistes.
La musique, pour Luis, est une puissance considérable, capable de soulever des montagnes. Au cours du roman, on évoque l'une de ses initiatives majeures : la création d'un ensemble d'exception, baptisé l'Orchestre du Monde, et appelé à jouer là où personne ne joue jamais. Un projet magnifique, bouleversant, gonflé, improbable, mais une réussite.
J'ai songé à Daniel Barenboim et à ses nombreuses initiatives pour que la musique soit un moyen de rétablir la paix au Proche-Orient : le West-Eastern Divan Orchestra qui rassemble de jeunes musiciens originaires d'Israël et des pays arabes voisins au sein d'un même ensemble, donnant des concerts à travers le monde.
L'initiative est belle, couronnée d'un certain nombre de succès, mais sans doute par le principal aux yeux de son créateur, puisque la situation est toujours aussi tendue dans cette région du monde. Frédérique Deghelt, d'une certaine façon, va plus loin encore avec son Orchestre du Monde et son idée, enfin, celle de Luis, toute naïve qu'elle soit, est magnifique, forte.
"La musique répare et nous nous en servons si peu", dit Luis, phrase que j'ai reprise pour le titre. La musique l'a réparé lui, lui a offert la possibilité d'exister, lui à qui on déniait, jusque dans sa famille, ce droit élémentaire. Alors, pourquoi ne pas appliquer cette recette à un monde malade, violent, déchiré, en proie aux guerres, à la misère, au malheur sous bien des formes.
L'histoire même de cet Orchestre du Monde ferait un roman passionnant. On flirterait avec la science-fiction, du moins avec l'anticipation. On pourrait imaginer que cela réussisse, que la musique soit plus forte que tout, que la politique, les idéologies, les passions humaines... Après tout, José Carlos Somoza n'a-t-il pas, dans un de ses romans, fait de la poésie la plus terrible des armes de destruction massive ?
J'ai aimé l'utopie que représente l'Orchestre du Monde, son côté idéaliste et candide, la joie et le plaisir que procurent ces musiciens, voués à une cause universelle, celle du beau, de la musique devenue bien plus qu'un art. Frédérique Deghelt n'en fait pas le point névralgique de son roman, mais cette expérience est une forme d'accomplissement pour Luis, sa fierté.
Au fil des récits du Maestro, on comprend que la courbe s'est peut-être inversée : le dernier drame en date, évoqué, jamais décrit, a frappé le chef et non l'homme. Et, de ses échanges avec Léa, on découvre la sérénité de l'homme, meurtri, certes, mais pas abattu, philosophe, même. Au soir de sa vie, c'est un Luis en paix que rencontre Léa. Enfin, pour la première fois.
Le parcours de Luis est la trame principale de ce roman qui fait évidemment la part belle à la musique. Mais, il ne faudrait pas négliger l'importance de la relation qui se noue entre Luis et Léa, son intervieweuse. Documentariste est un travail de longue haleine, on ne fait pas que passer, on s'installe pour plusieurs semaines.
Et, lorsque le sujet est un homme, forcément, on noue une relation différente que celle qui s'établit lors d'un reportage classique. La confiance, qui permet la confidence, s'installe, si tout se passe bien, la parole, mais aussi l'écoute, se libèrent, et l'on peut arriver à une quintessence. Mais, doit-on limiter cette relation au niveau professionnel ?
Oh, je vous vois venir, bande de petits coquins, n'allez pas imaginer quelque chose qui n'aura pas lieu. Non, c'est plus fin que cela, et c'est surtout bien plus touchant, bien plus profond, également. Je n'entre pas dans les détails ici, non pas qu'il s'agisse d'un immense mystère, mais parce que cela donne à cette rencontre un supplément d'âme qui fait du bien.
"Libertango" a été une lecture enrichissante, pour moi. L'occasion de lire en musique, et c'est déjà énorme, de découvrir certains morceaux, comme ce formidable "Danzon n°2", d'Arturo Marquez. J'ai aussi renoué, à travers ce roman, avec le plaisir que j'ai longtemps eu quand je chantais, cette liberté qu'on y trouve, cet oubli du quotidien dans lequel on s'abîme, cette joie qui se diffuse.
La musique, et même les musiques. J'insiste, car cela me semble important : certes, Luis n'aime pas tous, les genres plus récents que sont le rap et la techno (même s'ils ne sont pas cités) ne l'intéressent pas (question de génération ?), mais il ne fait pas de hiérarchie entre classique, jazz, rock, tango et tant d'autres...
Là encore, il y a des enseignements à tirer, à un plus humble niveau. Mais si nous suivons les enseignements de Luis, alors, cessons de hiérarchiser aussi les genres littéraires, de cloisonner tout, de mettre des barrières infranchissables pour limiter la curiosité, le plaisir et la force de la lecture. Aïe, me voilà moralisateur ! Honte à moi, restons-en là, alors.
Un dernier mot, toutefois. Vous aurez compris que "Libertango" est aussi un roman sur l'humain. L'individu, à travers Luis, en premier lieu, mais aussi Léa. Et un roman sur l'humanité, cette entité si belle et pourtant autodestructrice... "La musique adoucit les moeurs", dit cet adage bien connu, hélas si souvent démenti par les faits. Frédérique Deghelt, au fil de ces 300 pages, nous laisse espérer qu'un jour, cela deviendra une réalité...