Quelques articles de la blogosphère ont récemment traité de la lecture en Version Originale. Cela m'a fait réfléchir à ma propre pratique de lecture, qui se fait principalement en anglais. J'ai donc songé à partager avec vous mon expérience de lecture dans une langue étrangère... en retournant aux sources, depuis mon intérêt précoce pour la lecture, en passant par mon apprentissage douloureux des langues étrangères.
Flash back: la primaire (ouais!).
C'est dans cette bibliothèque que j'ai découvert Thorgal (d'où ma fascination pour les Vikings - Ragnar si tu m'entends, j'te kiffe grave, mec!) et Papyrus, ainsi qu'un petit livre qui expliquait ce qu'étaient les règles. Des lectures qui ont eu une influence certaine sur ma vie!
Je m'en retournais, le sac alourdis de trois ou quatre volumes, marchant le nez dans une nouvelle histoire, au risque de me prendre un poteau ou de m'emmêler les pieds dans mes lacets défaits.
A la maison, je cachais un livre dans le tiroir de mon bureau et je lisais alors que j'étais censée faire mes devoirs. Des fois, je me couchais même à minuit pour finir un livre (quand on a neuf ans, minuit, c'est très, trèèèès tard!).
Au collège, les langues étrangères ont fait leur apparition. LV1 allemand, c'était horrible; je n'y comprenais rien. A quoi servent les cas? Accusatif, datif, déclinaisons (la fameuse casserole)... je suis une brêle. Ironiquement, je suis en LV1 renforcée, ce qui ne fait qu'ajouter à mon calvaire.
Vient la LV2 avec l'anglais. C'est un peu mieux, mais pas trop. Ca ne m'intéresse pas. Je préfère papoter avec mes copines. Quand on a 14 ans, c'est important.
Par contre en étymologie, 20/20, et en mythologie et civilisation grecque (mon dada après les vikings et les égyptiens), je décroche un beau 18/20, ce qui me donne pile la moyenne. Je crois que mon prof a eu pitié de moi.
En parallèle, je continue de dévorer toute littérature qui me tombe sous la main, mais je déteste les fiches de lecture - ironique, encore une fois, quand on voit celles que je ponds maintenant pour chaque livre que je lis!
Au lycée j'abandonne le grec, mais bizarrement je me retrouve inscrite en LV3 italien alors que je n'avais rien demandé. Oh joie! Enfin une langue latine, proche du français! Je suis super bonne en italien, ça me remonte le moral. Mais il y a toujours l'allemand et l'anglais que je traîne comme des boulets, et que je déteste de tout mon coeur.
Pour me rendre compte que c'est une langue vraiment, vraiment très difficile (deux alphabets, les caractères chinois en plus, et plein de niveaux de langues qui ont chacun leurs codes. Pour comparaison, en français, on en a trois: soutenu, familier, vulgaire. Les japonais en ont 50.000. Ok, j'exagère, mais à peine...), ce qui me dissuade de m'engager dans cette voie.
Arrive le temps de la fac. Comme je ne sais pas trop quoi faire, je me dis que je vais continuer en langues. La fac de langues de ma ville propose Langues étrangères appliquées (deux langues + introduction au monde des affaires), ce qui me parait un bon compromis. Je ne veux en aucun cas finir prof de langue, je veux pouvoir être sur le marché du travail avec un profil polyvalent.
On propose la combinaison Allemand-Italien, ce qui me parait bien, vu l'horreur que m'inspire l'anglais. Mais coup de malchance, cette combinaison cesse d'exister l'année où je m'inscris. Scrogneugneu. Je réfléchis et décide de me lancer avec le chinois, afin de satisfaire ma curiosité grandissante pour les cultures d'Asie extrême-orientale.
Mon raisonnement est le suivant: 1. le japonais a l'air vraiment trop difficile; 2. la Chine, c'est un peu l'équivalent de Rome et de la Grèce antique au niveau influence linguistique et culturelle pour l'Asie extrême-orientale. Donc autant revenir aux sources pour pouvoir comprendre cette partie du monde dans sa globalité (et après on peut affiner pays par pays: le Japon, la Corée, le Viet-Nam, etc...).
Je m'inscris donc en LEA anglais-chinois, en me disant que malgré ma répugnance pour l'anglais, c'est tout de même une langue bien pratique dans le monde d'aujourd'hui, et ça peut toujours servir. Le chinois me ravit, j'adore cette langue. Quant à l'anglais, je " supporte " parce que c'est un mal nécessaire, mais sans grande conviction.
Pendant les vacances d'été qui précédèrent mon départ en Chine, je me suis donc attelée à ma première lecture en anglais, avec Harry Potter. J'ai commencé de manière scolaire, en notant tous les nouveaux mots et en allant les cherche dans le dico... Mais cette manière de faire m'a très vite frustrée. Pour l'avide lectrice que je suis, qui engloutit les livres plutôt qu'elle ne les savoure, ça n'avançait pas assez vite. J'avais envie de connaître la suite de l'histoire!
Ca y est, je savais officiellement " lire en anglais "! Pas trop tôt pour une étudiante en langues😉
Toujours est-il que l'absence de littérature française et la prolifération de littérature en anglais m'a forcée à lire dans la langue de Shakespeare. Jusqu'au jour où j'ai découvert le Centre Culturel Français de Pékin, et je dois dire que j'étais tout de même bien contente de lire à nouveau en français. Je n'ai jamais autant apprécié la littérature française qu'après en avoir été privée pendant quatre mois. Une vraie bouffée d'air frais!
Du côté du chinois, forcément mon niveau a grimpé en flèche après mon arrivée dans le pays. J'ai autant appris en un an d'étude sur place qu'en quatre ans en France. Donc les loulous, si vous voulez vraiment apprendre une langue étrangère, ne perdez pas votre temps: allez directement dans le pays, même six mois. C'est beaucoup plus efficace!
Que ce soit pour l'anglais ou le chinois, les films et la TV m'ont énormément aidé. La TV chinoise est automatiquement sous-titrée, donc je pouvais lire ce que j'entendais, ce qui est d'une grande aide. A un moment, j'achetais même des films japonais et coréens avec seulement des sous-titres en chinois, car je comprenais tout. Pour l'anglais, de même: j'achetais pleins de DVDs de films en anglais et je mettais les sous-titres en anglais. J'ai fait des progrès de dingue de cette manière!
Je suis restée trois ans dans la capitale chinoise, qui est une ville très internationale. J'y ai étudié un an, et travaillé deux ans. Après mon Master, mon chinois s'est dégradé au profit de mon anglais. En effet, Pékin est une ville qui compte beaucoup d'expats, qui ont tendance à rester entre eux, et donc à parler anglais. Je n'y ai pas échappé. Mon niveau de chinois a donc baissé, bien que je vive en Chine! Mais mon niveau d'anglais s'est amélioré, surtout que j'ai rencontré un charmant jeune homme indien, dont la langue maternelle est l'anglais!
Au gré des opportunités professionnelles, nous sommes partis nous installer à Bruxelles, capitale de la Belgique et de l'Europe. Idem, c'est une ville très cosmopolite, et la bulle expat, dans laquelle seule l'anglais suffit, est bien présente. D'ailleurs la plupart de nos amis sont britanniques! Donc rebelotte, anglais à toutes les sauces, tous les jours.
Je travaille dans une boite chinoise, mais tout le monde parle anglais - et moi je suis fainéante, donc vous imaginez mon niveau de chinois ras les pâquerettes aujourd'hui, plus de six ans après mon retour sur le Vieux Continent!
Ma tendance à vouloir " sauver des livres " m'a permis d'acquérir une partie conséquente de la bibliothèque d'une amie journaliste indienne qui déménageait.... bien sur, tout était en anglais. Je " sauve " donc pas mal de bouquins de personnes qui déménagent, ce qui est très fréquent à Bruxelles - c'est une plaque tournante, on y reste quelques mois, quelques années.
J'adore lire en anglais. C'est tellement sympa d'avoir le texte tel qu'il a été pensé par l'auteur, et non pas une traduction! Attention, je suis moi-même traductrice, mais c'est peut-être la raison pour laquelle les traductions m'horripilent: la plupart du temps, on 'sent' la structure de phrase de la langue originelle, ça sonne un peu bizarre en français... ou quand on connaît bien la langue de rédaction, des fois la phrase d'origine est même complètement transparente!
Il y a UN livre que j'ai trouvé remarquablement traduit: j'ai été persuadée pendant les 3/4 du roman qu'il avait été écrit en anglais, jusqu'à ce que certaines références me mettent la puce à l'oreille et que je vérifie. Il s'agit de La Morsure de Lucius, une romance gay fantastique (oui rien que ça!).
J'ai lu récemment La Princesse des Glaces, un livre écrit en suédois et traduit en français , et certaines phrases sonnaient un peu bizarre. Je suis persuadée que la phrase d'origine, en suédois, offre des éléments linguistiques impossibles à traduire correctement en français, d'où la phrase bancale.
La littérature anglophone me permet aussi de mettre en perspective la littérature française. J'aime les beaux mots, dans n'importe quelle langue, et un roman pauvre en beaux mots m'attirera moins qu'un roman dans lequel une recherche stylistique et lexicale a été faite. Dernièrement, c'est Barjavel qui m'a transportée avec son style lyrique et ses envolées poétiques dans.
Lire dans la langue dans laquelle a été écrit l'oeuvre est pour moi une évidence. Il faudrait peut-être que je dérouille un peu mon allemand et mon italien, car je pense avoir des séquelles assez conséquentes de toutes ces années d'apprentissage. Il n'y a plus qu'à réactiver tout ça!
Pour résumer: une relation je t'aime moi non plus avec les langues étrangères, réconciliée grâce à la littérature et au cinéma en version originale🙂