Mais que n'avais-je pas imaginé ? Parce que sous son allure "d'enquête un peu barrée avec une vieille sorcière, une petite artiste en herbe, une instit' qui met le feu avec ses yeux", j'avais osé supputer un fait divers simplet, une histoire rectiligne, qui ne demande à aucun de mes neurones de fonctionner (surtout en vacances). J'ai même pensé un temps, perfide : "eh, eh, ce personnage ne sert à rien" ou bien "cette scène n'est pas possible dans la vraie vie parce qu'on ne peut pas pas consulter les dossiers comme cela, surtout maintenant. Monsieur Bussi, vous vous plantez !" (oui, oui, je peux vraiment être mesquine) avant que la connection cérébrale (plutôt longue, en ce moment) perturbe mes railleries et me plonge dans un total désarroi : "non, Phili, c'est toi, Cocotte, qui commence à comprendre... Seulement, cinquante pages avant la fin !" Oui, ce n'est pas glorieux ! Bref, j'ai eu tort sur toute la ligne (comme cela m'arrive rarement : si, si je vous assure !) et j'en suis ravie (comme mes potes).
Sans trop en dire, et là clairement on peut me taxer de taiseuse, Nymphéas noirs est un policier grandiose. Si, si, j'emploie rarement cet adjectif mais là, il est totalement mérité et justifié. Je pense même, qu'à l'instar de Pierre Lemaitre, Michel Bussi possède une écriture et une ingéniosité qui le mèneront au prix Goncourt un jour (ce roman frise l'intelligence tout du long). Il y a un souffle épique dans ce texte, une référence aux mythes, une poésie dans la prose, la capacité à rompre continument mais sans fracture. Il y a une façon d'émouvoir sur cette "réparation" : Nymphéas noirs représente un lent mais juste cheminement d'une femme vers la liberté et le bonheur amoureux, aidée en cela par une vieille camarade qui a apprécié et remercié son honnêteté.
Éditions Pocket
autres avis : Valentyne, Aifelle, Alex, Galinette, Philippe Dester,
et un de plus pour les défis de Shel (parce que la peinture en devient une héroïne et que ses artisans historiques y prennent toute la place) et d'Aspho (prix des lecteurs du festival Polar de Cognac, 2011)