La machine à assassiner • Gaston Leroux

Par Bénédicte

Éditions du Rocher, 2008 (316 pages)

Ma note : 17/20

Quatrième de couverture …

Après les aventures décrites dans La Poupée sanglante, la peur s’abat à nouveau sur Paris. Alors que le relieur d’art Bénédict Masson a été guillotiné pour avoir tué de nombreuses femmes, les mystères continuent. Bénédict Masson avait toujours clamé son innocence, qu’en est-il maintenant après sa mort ?
La Machine à assassiner est la suite directe de La Poupée sanglante de Gaston Leroux. On y retrouve le même mélange d’aventures, d’intrigue policière, de fantastique que dans la première partie. Et le tout écrit avec la même poésie noire. Un chef-d’œuvre injustement oublié.

La première phrase

« Voici une petite rue paisible, endormie depuis deux siècles, où le plus gros évènement de la journée, pour certains fossiles qui achèvent de sécher derrière la porte de leur boutique ou les rideaux de leur fenêtre, est un couple de touristes égarés qui passe, une visite inattendue chez le voisin, la sortie inopinée d’une jeune personne qui a mis une toilette neuve, les stations répétées de la demoiselle de l’horloger chez le relieur d’art, et, tout à coup, ce quartier apprend que le relieur d’art est arrêté pour avoir chauffé son poêle avec une demi-douzaine de pauvres femmes qui s’en sont ainsi allées en fumée et qu’il a été surpris dans sa besogne d’enfer par cette même demoiselle de l’horloger qui n’a dû qu’à un miracle d’échapper au sort qui l’attendait ! »

Mon avis …

Après m’être plongée dans les aventures de Bénédict Masson (La poupée sanglante) au mois de juin, il me tardait de poursuivre avec le deuxième et dernier tome de la saga. Si j’avais peur d’être déçue (ceci m’arrive très souvent lorsque je lis des romans qui présentent une suite), ça n’a pas du tout été le cas cette fois-ci. Avec La machine à assassiner, nous retrouvons en effet la même noirceur, la même atmosphère prenante et fantastique que dans La poupée sanglante. La plume de Gaston Leroux possède un petit côté suranné, mais c’est justement ce qui me plaît énormément. J’ai maintenant très envie de découvrir Le fantôme de l’opéra ou encore le personnage de Rouletabille. En bref, ce roman à ambiance est à nouveau une réussite. Je remercie mon amie Rose Prune de m’avoir accompagnée dans cette lecture.

Avec ce second tome, j’ai pris plaisir à retrouver les personnages de La poupée sanglante. Norbert, l’horloger. Sa fille, la jolie Christine. Jacques Cotentin, le savant amoureux fou de la jeune femme. Mais aussi… le terrible et malheureux Bénédict Masson ! Je ne pense pas vous spoiler en ayant dévoilé la quatrième de couverture du roman. Si nous y apprenons effectivement que le relieur d’art a été accusé de meurtre, et même davantage… nous le retrouvons ici sous une forme on ne peut plus inattendue… Après avoir revisité le mythe du vampirisme, Gaston Leroux lève ici le voile sur un questionnement plutôt intéressant : la dichotomie entre le corps et l’esprit. Ce simple thème pose ici toute l’intrigue sentimentale fortement reliée au personnage de Christine. J’ai particulièrement apprécié cet aspect, tout comme j’ai adoré l’écriture de Gaston Leroux qui mêle à nouveau avec brio registre fantastique, intrigue policière et histoire d’amour (dans une certaine mesure).

Dès le départ, le lecteur retrouve ainsi Christine en proie à l’horreur. La jeune femme a été sauvagement enlevé par Gabriel, sorte de monstre automate (en référence à Frankenstein) crée par Jacques Cotentin. Le fiancé effaré et Norbert, père de Christine, se lancent alors aux trousses de notre kidnappeur. Alors même qu’à Paris, le pire se produit : une série de meurtres (commençant par de simples sensations de piqûre !) semble frapper toutes les couches de la population. Dès lors, les langues se délient. Et si Bénédict Masson, accusé d’avoir commis de nombreux meurtres, était finalement innocent ? Et si tout simplement notre relieur était revenu hanter l’île Saint-Louis ? Des papiers écrits de sa main ont en effet été retrouvés il y a peu…

Au risque de me répéter, j’ai une nouvelle fois été happée par l’intrigue. Je trouve que Gaston Leroux a tout simplement réussi à créer toute une galerie de personnages absolument inoubliables. Mais ce roman est bien plus que ça… L’ambiance y est en effet si particulière. Nous frissonnons, nous réfléchissons (car le mythe Frankenstein, un monstre entièrement crée par une main humaine, offre finalement tout un support de réflexion). Mais nous nous attachons aussi aux personnages. Si j’avais beaucoup aimé suivre la relation Christine-Bénédicte Masson dans le premier tome, je vous avoue avoir ressenti davantage d’empathie pour le personnage de Jacques Cotentin cette fois-ci. Si entre les deux tomes, je pense tout de même avoir préféré de peu La poupée sanglante, ce roman est également un très bon cru. Il me tarde de poursuivre ma rencontre avec la plume de Gaston Leroux.

Extraits …

« – Non ! mais Christine est vivante !… souffla Jacques.
– Vivante ! Vivante ! qu’en sais-tu ?
– Il ne venait à cette auberge que pour y chercher la nourriture qu’il lui portait !… puisque la nourriture disparaissait… qu’en eût-il fait ?… Ça n’était pas pour lui, bien sûr !
– C’est vrai !… mais c’est vrai !… râla l’horloger… mais où l’avait-il mise, Christine ?
– Là où elle est peut être encore !
Le vieux Norbert comprit. Tous deux s’enfoncèrent à nouveau sous bois et redescendirent le coteau au bas duquel se dressait le pavillon funèbre, clos comme une tombe, au bord de l’étang, le pavillon désormais célèbre dans les annales du crime, le repaire que les plus curieux n’osaient regarder que de loin, où le satyre de Corbillères-les-Eaux brûlait ses victimes, après en avoir fait des morceaux dans sa cave… Un suprême espoir et une suprême terreur hâtaient leur pas… »

Roman lu dans le cadre d’une lecture commune avec Rose Prune, son avis prochainement