Anima de Wajdi Mouawad

Anima de Wajdi Mouawad

Titre : Anima

Auteur : Wajdi Mouawad

Edité par Léméac et Actes sud en 2012

Sorti en poche (babel) en 2015.

Wajdi Mouawad est l’auteur de la pièce de théâtre Incendies, adapté à l’écran par Denis Villeneuve en 2010 et qui a laissé une empreinte profonde dans mon cœur.  C’est dire si cet auteur est important pour moi !

Quelle expérience étonnante et fascinante que la lecture de ce roman !

Après de multiples lectures du premier chapitre (je m’y suis bien reprise à trois ou quatre fois), je me demandais toujours qui était ce narrateur qui avait mangé le thon et bu l’eau des toilettes (je ne comprends pas vite !). Ce n’est qu’après le troisième chapitre que j’ai, enfin, compris que chaque chapitre était raconté par un animal, différent à chaque fois, témoin se trouvant sur le chemin de l’homme parti à la recherche de l’assassin de sa femme.

Cette narration originale m’a d’abord empêchée de me concentrer sur l’histoire car ma première mission était de découvrir quel était l’animal narrateur (mouche, moufette, chat ou boa…) et d’observer, d’analyser le procédé, de traquer les tentatives d’anthropomorphisme, de guetter ma proie-auteur dans l’exercice de son art.

Il m’a fallu donc une bonne centaine de pages pour lâcher prise et pour entrer pleinement dans le vif du sujet. Mais à partir de ce moment-là, tous mes sens ont été capturés par les mots. Je ressentais, je sentais, je souffrais avec le personnage principal. La puissance des odeurs, la violence des mots, les scènes à peine supportables, tout m’a happée, m’a fascinée, m’a retournée et vidée de ma propre substance. Parfois, j’ai été obligée de poser le livre, pour reprendre haleine, pour reprendre pied avec ma réalité, moins sauvage, moins bestiale mais tout aussi humaine.

Ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains… personnes sensibles s’abstenir !

Mais quelle construction, quelle puissance ! C’est une descente aux enfers, digne d’une tragédie grecque, une descente pour une possible rédemption et qui passe par des sacrifices obligatoires.

Cette histoire n’est pas seulement celle d’un homme qui part à la poursuite de l’assassin de sa femme, c’est aussi celle d’un homme qui va lever le voile sur ses origines, ce qui va l’emmener à entendre et comprendre ce qui s’est passé à Sabra et Chatila en septembre 1982, ce qui est arrivé à sa famille, comprendre qui il est, d’où il vient et pourquoi il est devenu cet homme-là, broyé par la mort horrible de sa femme, hanté par des images obsédantes.

Je n’arrive pas à mettre des mots sur le dixième de ce que j’ai ressenti à la lecture de ce terrible trésor. Je n’ai qu’une chose à dire : lisez-le… si vous le pouvez. Il est unique, il est d’une beauté effrayante, il est d’une puissance et d’une violence peu égalées en littérature contemporaine.

Voilà un roman que je n’oublierai pas de sitôt. Il est gravé, là, au plus profond de mon être. Je n’aurais pas lu ce livre sans les articles de Mior et Papillon… Merci à elles. En revanche, heureusement que je les avais oubliés, car j’ai apprécié d’être saisie par le procédé narratif.