Ceux et celles qui ont lu Le fils m'avaient prévenue. Grand roman à l'horizon. Eh ben, ils n'avaient pas tort. Je m’attendais à beaucoup, mais là... Je suis heureuse d'entamer 2017 avec un premier gros coup de coeur.Mon premier contact avec l’oeuvre de Philipp Meyer a eu lieu avec son premier roman, Un arrière-goût de rouille. J’avais été époustouflée par cette histoire, ébahie par la maîtrise de sa construction. Je retardais la lecture du Fils pour la simple raison que je me réserve la lecture de romans de plus de 500 pages aux vacances. Je voulais terminer 2016 en sa compagnie. Son tour était venu.
Inutile de raconter l’intrigue en détail. Les grandes lignes suffiront. Le fils s'étend de 1850 à nos jours. L'histoire du Texas se dévoile par le biais de trois voix du clan McCullough, issues de trois générations différentes.
La première voix à se faire entendre, ma préférée, est celle d’Eli. Au milieu du 19e siècle, dans la République du Texas, le ciel tombe sur la tête de ce gamin. Se retrouvant seul, avec son courage comme seule défense, Eli est adopté par les Comanches.
Il se retrouve le bec à l’eau plusieurs années plus tard, contraint de retourner parmi les Blancs. Devenu Colonel, il construit un empire et galope vers une fin tragique.La voix d’Eli laisse place à celle de Jeanne Anne, son arrière-petite-fille. À 86 ans, gisant sur le sol du salon de son imposant manoir, dans ses derniers instants de vie, elle retrace les grands événements qui ont jalonné son existence. Cette femme forte, qui n'avait aucune formation en affaires et qui devait subir la condescendance des hommes, est devenue une des femmes les plus riches des États-Unis, grâce à son exploitation de pétrole. Maintenant, qui héritera de son empire?
Sa fille junkie? Son fils homo gâté pourri? Ses petits-enfants plus intéressés par les jeux vidéo que par le ranch?Entre ces deux grandes figures emblématiques se faufile Peter, le fils misanthrope d'Eli et le grand-père de Jeanne Anne. Le mouton noir du clan. Le fils du titre. Au début du 20
esiècle, il noircit son journal intime d’amertume et de rancœur. Hanté par les images du massacre de leurs voisins Mexicains, Peter développera un amour inconditionnel pour la seule survivante du carnage.Avec ces trois personnages, la table est mise pour une grande saga familiale magistralement orchestrée.Philipp Meyer dresse un époustouflant panorama de l'histoire texane par le biais de personnages colorés, plus grands que nature. De la guerre de Sécession à la Première Guerre mondiale, de l'épuisement des terres par les magnats du pétrole à l’extermination des Indiens, de l'élevage du bétail aux premiers gisements de pétrole... tout un pan de l'histoire y passe. Une histoire faite de conquêtes sanglantes érigées sur des os blanchis.De l’ambition, de la détermination, des espoirs déçus, des amours malmenés. De la loyauté. De la solitude, aussi. Du sang, de la violence, des atrocités. Ici, rien n’est gratuit.
L'héritage à porter, puis à transmettre, est lourd...J’ai adoré la construction du roman. Les voix s’enchevêtrent sans accrocs ni fausses notes. Les transitions dans le temps coulent de source.
Les passages comiques côtoient les pires horreurs. La fin m'a agréablementétonnée, bouclant parfaitement la boucle.J'ai souvent tendance à tomber sur des romans de 600 pages qui étirent la sauce avec leurs 100, voire 200 pages de trop. Ici, chaque phrase est à sa place, aucune longueur. Le style, percutant, est d'une justesse saisissante. Chapeau bas à
Sarah Gurcel pour la qualité de sa traduction.Un roman vigoureux, dense et intense, où la violence et la cruauté côtoient l'ambition et la solitude.
Comme une flèche enflammée, Le fils m’a atteint en plein cœur. Magistral. Si ce n'est pas déjà fait, lisez-le!Le fils, Philipp Meyer, traduit par Sarah Gurcel, Albin Michel, 688 pages, 2014.★★★★★