Nostalgie, ma douce…
Moi (devant la télé, cherchant un film à regarder): Chéri, tu te souviens des films pour ados/jeunes adultes sortis dans les années 90 ?
Chéri (s’asseyant à côté de moi et riant): Oh que oui ! Certains étaient bien nazes, avec toujours une histoire de romance. D’ailleurs, c’était plus pour les filles.
Moi (lui donnant un léger coup d’épaule): N’importe quoi ! Il y’en avait des bons comme… Hum… « The Breakfast Club » !
Chéri (levant les yeux au plafond): On n’avait même pas 5 ans quand c’est sorti ! Tu n’as pas mieux comme exemple ?
Moi (puisant dans mes souvenirs): Hum… « Bienvenue dans l’âge ingrat« , « Scream« , « Trainspotting« , « Ghost World« …
Chéri (me coupant la parole): Ok ! Si tu sors les grosses références, je ne peux pas te contredire… Bon ! On regarde quoi ce soir ?
Moi (en souriant): « Wayne’s World » !
Chéri (hochant la tête en souriant): Ok… Attachez-votre ceinture ma chère ! On va voyager dans le passé…
AUTEUR: Daniel Clowes
TITRE: GHOST WORLD
ÉDITEUR, ANNÉE: Vertige Graphic, 2004
NOMBRE DE PAGES: 96 pages
Bien que nous venions de fêter l’arrivée d’une nouvelle année, j’ai décidé, pour ma part, de faire un voyage dans le passé. Plus précisément, je voulais faire un petit tour dans les années 90 pour vous présenter deux personnages féminins qui sont devenues des icônes de cette décennie.
Attachez vos ceintures, et direction « Ghost World » de Daniel Clowes !
Résumé:
« Une petite ville, aux États-Unis. Décor banal, distractions rares, morne quotidien. Deux filles, deux copines à la vie à la mort : Enid et Rebecca. Elles se racontent tout, passent leurs journées ensemble, partagent les mêmes obsessions. Pêle-mêle : les garçons, les derniers trucs à la mode, les programmes de télé idiots, les autres filles qu’elles débinent à longueur de journée. Et puis, aussi, l’envie de partir. De changer de monde, de changer de vie. De se séparer, peut-être. Mais c’est difficile. Difficile de grandir, de renoncer à sa part d’enfance et d’insouciance pour affronter l’âge adulte, cet inconnu. Ghost World est une bande dessinée émouvante et vraie, au graphisme lisible et expressif. Un récit juste, sensible, qui atteste de la capacité de la bd à rendre compte des tourments de l’âme humaine, à la manière des meilleurs romans. »
Nous avons eu droit, durant toute cette décennie jusqu’au début des années 2000, toute une ribambelle de « Teen Movies » . Édulcorée, avec des personnages stéréotypés et souvent avec la même trame d’histoire, une grande partie de ses films était loin des véritables préoccupations des adolescents ( exemple: « Clueless » , « Elle est trop bien » , « 10 bonnes raisons de te larguer » etc…). Mais heureusement nous avons eu droit à quelques pépites qui sont devenus cultes. Et ce fut le cas de « Ghost World » .
Avant son adaptation au cinéma en 2001, avec dans les rôles principaux Thora Birch et Scarlett Johansson, c’était, avant tout, une B.D underground. Elle a su traiter avec un ton juste et sans aucune contrainte, le passage de l’adolescence à l’âge adulte, à travers les personnages d’Enid et de Rebecca qui viennent de finir le lycée.
Le temps d’un été, nous allons les accompagner à travers leur ville natale, entendre leurs commentaires cyniques et moqueurs sur leurs entourages, voir leur attention se porter sur les personnes en décalage avec la société… Bref ! Mille et une façons de tromper l’ennui.
A première vue, on pourrait avoir du mal à s’accrocher à ces deux jeunes filles avec leurs attitudes assez effrontées par moments (Hum… A y réfléchir c’est assez souvent) leurs cynismes et quelques fois, leurs vulgarités. Mais entre nous, ados ou même adultes, qui n’a jamais critiqué la société dans laquelle nous vivons, remis en cause certaines règles établies et de ne pas vouloir se fondre dans « le moule » ?
Mais au fil des chapitres, on découvre ce qui cache derrière ces remarques et leurs plaisanteries. Leur mélancolie devient de plus en plus palpable, car elles savent qu’elles devront faire des choix pour leurs avenirs. Enid et Rebecca s’accrochent, tant bien que mal, à leurs souvenirs d’enfance et à leur amitié fusionnelle.
Mais la crainte d’un avenir loin défini est toujours présente en elles. Tiraillées par ses sentiments diverses, elles semblent être coincées dans un « No man’s land » (Ghost World ?). D’ailleurs, le peu de couleurs utilisées par Daniel Clowes et la vision des différents habitants de leur ville, renforcent ce sentiment d’être confinées dans un espace restreint, sans possible échappatoire.
Moi-même, j’ai connu un tel « lieu ». Passé les 18 ans, je commençais à me poser des questions sur mon avenir. Je ne savais pas quelles études suivre et je voyais bien plus les contraintes de la vie d’adulte que les côtés positifs. Je me demandais si j’avais une chance de quitter la banlieue… Je me suis même dit si je pouvais encore regarder des dessins animés, lire des manga, voire même continuer à jouer aux jeux vidéo, sans paraître « gamine » (oui, je me suis posée cette question). J’étais tiraillée entre les plaisirs simples de ma jeunesse et l’excitation mêlée à la peur de devenir une adulte. Et je commençais à devenir nostalgique de quelques souvenirs d’enfance avec ma maman et mes sœurs et frères.
En parlant de nostalgie, elle est présente dans chaque page. Non seulement pour les héroïnes mais aussi pour les habitants de la ville : les restaurants aux styles des années 50/60, les vinyles rétro, de renouer avec un ex en se rappelant que des bons souvenirs etc…
Aujourd’hui, on parle des années 90 avec affection, toujours accompagné de la petite phrase « c’était mieux avant ». Je ne le cache pas, je suis nostalgique de cette décennie… mais sur certains points ! Ces années-là, ce n’était pas « paillettes et arc-en-ciel » H-24 et je ne voudrais pas revivre certains événements, privés comme mondiaux. Bref ! La nostalgie est une « bulle de douceur » qu’on adore s’y pelotonner quand notre quotidien et notre futur proche nous minent le moral.
Je vais terminer sur l’élément essentiel de cette histoire: Enid !
Enid... L’anti-héroïne qui a su trouver écho chez de nombreux adolescent(e)s en illustrant les craintes de ce passage important de notre vie: on le voit à travers ses différentes tenues, son désir de rester telle qu’elle sans pour autant être en marge de la société, ses contradictions sur la question de ses études, son approche sur sa sexualité, son amitié avec Rebecca et enfin… Prendre ou non le risque de tout quitter pour aller de l’avant, de définir par elle-même son futur. Ce dernier choix sera immortalisé d’ailleurs par une conclusion très symbolique.
Conclusion:
Peu de séries, films ou animés, nous proposaient une héroïne qui soit une vraie adolescente !
Lorsque je l’ai lu pour la première fois cette B.D, j’étais une adolescente. Je comprenais parfaitement Enid car je vivais, avec appréhension, cette transition.
Ce fut tout de même une lecture assez étrange. On aurait dit que je me retrouvais face à mes craintes et mes désirs. Et rien que pour cela, Enid fut l’un des personnages qui marquèrent la fin de mon adolescence.
Que vous soyez adolescents ou même adultes, je vous invite vraiment à découvrir cette oeuvre de Daniel Clowes et voire si elle trouve écho en vous. Certes il y’a peu d’actions et le style graphique peut déplaire certains. Mais cette oeuvre mérite d’être lue au moins une fois, car elle sait nous mettre face aux choix que nous prenons tout au long de notre vie, notre individualité et à notre place dans la société. Et cela en seulement 96 pages…
Bien avant Enid, d’autres personnages d’adolescentes avaient laissé leur marque dans la culture pop des années 90:
– Pour exemple « Angela, 15 ans » (My So-Called Life) avec les débuts de Claire Danes et Jared Leto et… la série « Daria » . Bon sang ! Ce personnage est juste… Culte ! Mais bon, on verra cela dans la prochaine chronique de « Nostalgia 90’s » !
(Image à la une de nastynoser )