La vie de Jane Taylor a toujours été ordinaire.
Un travail sans histoire, une jolie maison, un mari attentionné, en somme tout ce dont elle pouvait rêver, ou presque.
Jusqu'au jour où une petite fille disparaît et que les médias désignent Glen, son époux, comme LE suspect principal de ce crime.
Depuis ce jour, plus rien n'a été pareil.
Jane devient la femme d'un monstre aux yeux de tous.
Les quatre années suivantes ressemblent à une descente aux enfers : accusée par la justice, assaillie par les médias, abandonnée par ses amis, elle ne connaît plus le bonheur ni la tranquilité, même après un acquittement.
Mais aujourd'hui, Glen est mort. Fauché par un bus.
Ne reste que Jane, celle qui a tout subi, qui pourtant n'est jamais partie. Traquée par un policier en quête de vérité et une journaliste sans scrupule, la veuve va-t-elle enfin délivrer sa version de l'histoire ?
La veuve est un livre difficile à classifier. Pas franchement un polar mais pas tout à fait un thriller, ce roman tiendrait plutôt du témoignage ou peut-être de l'enquête.
En définitive, peu m'importe la case dans laquelle il doit être " rangé ", c'est son contenu qui compte et je peux vous dire qu'il vaut le détour.
Dans les affaires traitées aux assises, seul le coupable et la victime semblent être " dignes " d'intérêts pour la presse et les romanciers mais qu'en est-il des très proches comme la femme par exemple.
Fiona Barton a fait l'excellent choix de baser son roman sur la femme d'un kidnappeur et meurtrier présumé. La structure du roman est construite d'une telle manière que l'étau se resserre page après page pour finir par livrer sa vérité crue.
Jane Taylor vit une vie calme et ordinaire avec son mari Glen dans une banlieue d'Angleterre . Bel homme, cultivé et attentionné, rien n'aurait pu laisser penser que derrière cette façade lisse et proprette pouvait se cacher autant de noirceur. Son décès accidentel est un soulagement pour Jane qui va enfin pouvoir vivre sans tout cet accablement sur ses frêles épaules et se défaire de l'emprise insidieuse de son mari.
La petite Bella, âgée de tout juste deux ans et demi a été enlevée alors qu'elle jouait dans le jardin familial. Les jours, les semaines, les mois puis les années vont passer sans que personnes ne retrouvent la trace de la petite fille.
L'enquête de la police va braquer les projecteurs sur Glen Taylor.
L'histoire est construite avec plusieurs voix et sur plusieurs périodes. Les points de vues de la veuve Taylor, du policier en charge de l'enquête, d'une journaliste en quête d''une interview exclusive, de la mère de la petite fille, vont se succéder et alterner passé et présent.
Chacun à leur manière, ils vont livrer leur histoire sur l'affaire Bella au moment des faits, sur toute la durée de l'enquête puis après le décès de Glen.
Fiona Barton décortique avec minutie la psychologie de ses personnages. On s'imprègne de leurs pensées, de leurs doutes, de leurs souffrances. La recherche de Bella est longue et fastidieuse mais comme les voix de l'histoire, on ne peut pas lâcher notre histoire sans avoir découvert la vérité.
L'auteure ne laisse personne pénétrer dans son roman hormis les protagonistes principaux. Eux seuls sont à même de parler/résoudre cette sordide histoire d'enlèvement. La simple lectrice que je suis a été condamnée à rester spectatrice. Je n'ai pu que lire au rythme que Fiona Barton m'a imposée l'avancée de l'histoire et découvrir en temps voulu qui et pourquoi a agit comme il l'a fait.
La veuve est un roman noir finement travaillé. Rien n'est laissé au hasard. Tous les mots sont pesés et mesurés. On a beau fouiner entre les mots, l'auteure a parfaitement calculé ses effets et le résultat est exceptionnel. On ne peut pas lire ce livre avec empressement comme on pourrait le faire avec d'autres. La juste mesure est de rigueur. Comme les acteurs de cette dramatique affaire, on subit la lenteur et l'infructuosité des recherches. Nos espoirs de retrouver la petite fille vivante s'amenuisent au fil des pages et des faits narrés. Nos agissements pour découvrir et accabler le bourreau sont vains.
La sentence du lecteur est lourde mais elle vaut le détour. La veuve est un livre qui impose son rythme et sa psychologie dans l'unique but de conquérir son lecteur. Et ça fonctionne admirablement bien.
" J'entends le gravier crisser sous ses pas tandis qu'elle remonte l'allée. Une démarche appuyée, des talons hauts qui claquent. Elle est presque à la porte, elle hésite, se lisse les cheveux. Jolie tenue. Une veste à gros boutons, une robe correcte en dessous et des lunettes remontées sur le sommet du crâne. Pas un témoin de Jéhovah ni une militante du parti travailliste. Une journaliste sûrement, mais pas du genre habituel. C'est la deuxième aujourd'hui - la quatrième de la semaine, et on n'est que mercredi. Je parie qu'elle va me sortir un : " Je suis navrée de vous déranger dans un moment aussi difficile. " C'est ce qu'ils disent tous, avec une expression contrite idiote. Comme s'ils s'en souciaient.
Je vais attendre de voir si elle sonne deux fois. L'homme de ce matin ne l'a pas fait. À l'évidence, se donner cette peine est d'un ennui mortel pour certains d'entre eux. Ils repartent sitôt le doigt retiré de la sonnette, redescendent l'allée d'un pas pressé, s'engouffrent dans leur voiture et filent. Ils pourront raconter à leur patron qu'ils ont toqué à la porte mais qu'il n'y avait personne. Pathétique.
Elle sonne deux fois. Puis elle frappe du poing : des coups forts et rapides. Comme la police. Elle me voit soulever le bord du voilage et me décoche un immense sourire, celui que ma mère appelle le sourire hollywoodien. Puis elle toque encore.
Lorsque j'ouvre la porte, elle me tend la bouteille de lait qui se trouvait sur le seuil et lance :
- Vous ne devriez pas laisser ça dehors, il va tourner. Puis-je entrer ? Vous faites chauffer de l'eau pour le thé ?
Je n'arrive pas à respirer, encore moins à parler. Elle me gratifie d'un nouveau sourire, la tête penchée sur le côté.
- Je m'appelle Kate. Kate Waters, je suis journaliste au Daily Post."