Volé · Annette Lapointe

Volé · Annette Lapointe
Le roman d’Annette Lapointe, le premier traduit en français, m’intéressait parce qu’il se déroule dans une contrée lointaine (eh oui) dont j’ignore à peu près tout: la Saskatchewan, l'une des dix provinces canadiennes, et sa plus grande ville, Saskatoon.Trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer, la ville est si plate qu’on peut s’asseoir sur son perron et regarder son chien se sauver pendant trois jours. À une demi-journée d’Edmonton, à une journée complète de Calgary, à une journée et demi de Winnipeg. À deux jours de la ville américaine la plus proche, qui est d’après lui dans le Montana ou le Dakota-du-Nord. Il faudrait être désespéré pour se rendre là-bas.

Rowan Friesen a vingt-six ans. Il vit seul dans la maison de son oncle, dans un petit patelin près de Saskatoon. Il vole. Pour gagner sa vie. De l’électronique, des décorations pour chevaux, des robes de pow-wow (les trucs d’Indiens, ça se revend bien et cher). Le tout vendu sur Ebay. Il trafique un peu de drogue aussi, même si lui ne touche plus au crystal meth depuis longtemps. Il s’est fait prendre pour ses mauvais coups, a payé pour : «Quatre arrestations, deux condamnations, cinq ans de sa vie, déjà, reclus dans diverses prisons de l’Ouest canadien.» Mais ça ne l’empêche pas de continuer. Parce que ça paie bien.

Entre la recherche d'un butin à voler, un cadavre à enterrer et les détours en institut psychiatrique pour visiter son copain Macon, Rowan poursuit sa route remplie de crevasses et de nids-de-poule.

Volé · Annette Lapointe

Roman du désoeuvrement et de la vie qui va. Le portrait social est sombre, mais combien réel. Il s'en passe des belles dans cette région semi-rurale. De l'inceste, un meurtre, de la drogue, de la petite criminalité, du sexe cru.Présent et passé s’entremêlent au fil des chapitres. Le passé de Rowan éclairant son présent. Sa vie défile et recule. Il est brinquebalé par sa mère, connaît la vie de cow-boy auprès de son grand-père et de son oncle, se lie d'amitié et découvre l'amour auprès d'un ado fucké. S'ennuie, beaucoup. La maladie mentale (psychose, schizophrénie) occupe une place importante entre ces pages. Du père de Rowan qui chantait avec les chevaux jusqu'à ce qu'il leur crève les yeux parce qu'ils n'arrêtaient pas de chanter. De Macon, son meilleur ami et premier amant, interné. 

Et on voyage à travers ces pages! Des coins paumés des Prairies canadiennes jusqu'à Detroit, pour aboutiren Alaska. Le paysage est grandiose, désolé et désolant.La traduction de Michel Vézina est exemplaire. Le mélange d’oralité, les pointes d’humour, les dialogues qui piquent comme des flèches sont très bien rendus.

Je m’attendais à l’histoire désespérante d’une jeunesse égocentrique et désabusée, le genre qui me tape sur les nerfs pour cause de trop grande complaisance. Je découvre une histoire de vie cabossée sans pathos ni atermoiement. Vibrante de vérité. J'ai bien quelques petits bémols, mais trop insignifiants pour être notés.


Dès qu’un nouvel auteur du Canada anglais est traduit, je suis curieuse. Mes incursions dans la littérature de la Saskatchewan n’ont pas été transcendantes jusqu’à maintenant. Déçue par Cool Water de Dianne Warren, assez charmée par Etta et Otto (et Russell et James) d’Emma Hooper, dans lequel la Saskatchewan était effleurée, j’attendais l'ébranlement. Ce roman me réconcilie! Volé frappe fort et secoue.

Maintenant, j'espère juste que les autres romans d'Annette Lapointe seront traduits. Sans quoi, je devrai apprendre l'anglais pour les lire. Parce que cette auteure, je veux à tout prix la suivre. Volé, Annette Lapointe, traduction de Michel Vézina, XYZ, 350 pages, 2016.


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