Pour Karim et Charlotte, le bonheur semblait parfait. L’amour les unit malgré les différences, un enfant doit agrandir prochainement leur famille. Mais un soir, leurs vies basculent pour toujours dans l’horreur. Charlotte, accompagnée de ses amies, se trouve au Zébu Blanc, un bar parisien théâtre d’un attentat sanglant. Elle n’y survivra pas. Mû par un puissant désir de vengeance, Karim met tout en œuvre pour infiltrer un réseau de terroristes, au cœur même de l’État islamique. Commence alors pour lui un enfer qui le mènera jusqu’en Syrie, sur les traces du responsable de l’embrigadement d’Aurélien, celui qui a assassiné sa femme et son enfant. Sur son chemin, il rencontre des hommes et des femmes, crédules, qui ont tout abandonné de leur vie occidentale pour la (fausse) promesse d’un bonheur ultime en terre musulmane…
Dans ce roman, la fiction vient servir avec justesse et précision une vérité très en prise avec notre société contemporaine. On découvre comment des personnes comme vous et moi, que l’on croise à chaque coin de rue, décident de tout quitter au nom de croyances injectées insidieusement dans leur esprit par des « recruteurs », via Internet, depuis la Syrie. Le terrain semble malheureusement déjà propice, et habilement repéré par ces recruteurs, qui exercent une manipulation sur des esprits déjà formatés par les médias, les émissions abrutissantes, comme le dénonce subtilement mais fermement Pascal Manoukian tout au long de son roman.
Rien n’est épargné au lecteur. L’omniscience du narrateur nous plonge au cœur des motivations qui ont poussé Aurélien, mais aussi Anthony, Sarah et leur fils Adam, sans oublier Lila, une adolescente en rupture avec sa famille, à tout quitter pour aller en Syrie. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le lecteur parcourt avec stupeur les lignes décrivant méthodiquement les stratégies de recrutement et de formation (ô combien sournoises et cruelles) des futurs combattants, mais aussi la réalité du quotidien des habitants syriens. Le contraste entre promesses et réalité est plus que percutant…
Comme dans son précédent roman, certaines scènes sont glaçantes de réalité, décrites froidement, avec tant de méticulosité dans les mots choisis que le lecteur ne peut être qu’instantanément saisi d’effroi. On en oublierait presque qu’on est ici dans une fiction, tant la problématique du terrorisme est tristement d’actualité dans notre monde moderne… Quand on sait que Pascal Manoukian est reporter de guerre, on comprend mieux d’où l’auteur tient toutes ces informations et ce récit qui nous apparaît alors si documenté.
C’est donc un récit détaillé, comme dans un reportage, savamment mis en scène par le biais de personnages plus vrais que nature, que vous trouverez ici. Ce livre est riche, dense, complexe, désarmant. Les pages s’enchaînent à un rythme haletant, et pris dans ce tourbillon infernal, à l’image de Karim, il vous sera difficile de vous défaire de ce roman, même une fois refermé… Il y a des livres qui marquent votre existence, grâce au talent d’un auteur, mais pas seulement. Le nouveau roman de Pascal Manoukian, est, selon moi, indéniablement de ceux-là…