Le prince charmant n’existe pas

Le prince charmant n’existe pas

Idéal standard (Aude Picault – Editions Dargaud)

Recherche mari et père désespérément. Voilà à quoi se résume le grand drame de la vie de Claire, une jeune femme qui ne parvient absolument pas à trouver l’homme idéal… ce qui a tendance à lui miner sérieusement le moral. A seulement 32 ans, cette infirmière en néonatologie se voit déjà comme « moche et périmée ». Elle y met pourtant du sien pour trouver le futur père de ses enfants. Tous les jours, elle se fait belle en espérant attirer l’oeil du prince charmant. Et régulièrement, elle paie de sa personne pour appâter le chaland, n’hésitant pas à multiplier les coups d’un soir. Du coup, elle voit défiler ses relations amoureuses, en imaginant à chaque fois que l’homme qu’elle vient de rencontrer est celui avec qui elle fondera enfin une famille. Régulièrement, elle se voit déjà en train de préparer une compote pour son bébé, au milieu d’un petit nuage rose. Et puis brusquement, elle revient à la réalité quand l’homme avec qui elle vient de passer la nuit lui dit: « Tu peux partir s’il te plaît? J’ai des trucs à faire ». Ca se passe toujours comme ça avec Claire. A chaque fois, elle idéalise. Et à chaque fois, elle déchante. Sauf que, cette fois-ci, c’est différent. Lorsqu’elle rencontre Franck, elle se dit que son heure de gloire est arrivée. Avec lui, sa longue attente va enfin être récompensée. Bon d’accord, Franck est un peu beauf, pas très drôle et la phrase qu’il dit le plus souvent est « on mange quoi ce soir? », mais en attendant, il est quand même prêt à partager la vie de la jeune femme. C’est mieux que rien, non? D’autant plus qu’il a un bel appart. Mais sera-ce suffisant pour atteindre ce fameux idéal standard auquel rêve Claire?

ideal-standard-extrait

Aude Picault est une fine observatrice. Dans « Idéal standard », cette auteure trentenaire (tiens, tiens) dresse un portrait particulièrement juste et touchant d’une femme obsédée par la recherche du prince charmant. Une quête forcément vaine, puisque le prince charmant n’existe pas, ce qui donne lieu à des scènes souvent drôles et parfois tristes… comme dans la vraie vie. Sans avoir l’air d’y toucher, Aude Picault aborde avec beaucoup d’habileté la difficulté de fonder un couple et, plus encore, une famille lorsqu’on est une femme absorbée par un boulot prenant et qu’on prend conscience un beau jour que les années ont passé trop rapidement. « Je fais le portrait de femmes qui travaillent, ont des enfants tard, et qui sont finalement assez dépassées », explique-t-elle. Mais faut-il pour autant se jeter aveuglément dans les bras du premier homme qui dit oui à la vie de couple, comme le fait Claire avec Franck? C’est l’une des questions essentielles que pose Aude Picault dans ce roman graphique certes très parisien mais particulièrement réussi, car il est à la fois léger et touchant et on y croise des personnages secondaires souvent délicieux. La réussite de la BD « Idéal standard » est aussi liée en grande partie au dessin doux et épuré de l’auteure française, bien mis en valeur par la maquette très réussie de l’album. Cela dit, il ne faut pas se fier aux apparences: si le dessin fait parfois penser à du Sempé, on est loin d’être dans une histoire du « Petit Nicolas ». Car Aude Picault n’hésite pas à être parfois très crue dans son récit. Mieux vaut le savoir avant de confier cette BD à la couverture très colorée à son petit neveu ou sa petite nièce.