Après la Sibérie, la Laponie, direction l'Alaska pour clore ce voyage en territoires glacés. Ici, d'ailleurs, ce n'est pas le climat qui nous intéressera, le roman ne se déroulant pas en hiver, mais d'autres sujets qui donneront certainement le frisson. Avec des personnages tous (gentils ou méchants, pour conserver ce clivage qui a le mérite d'être clair) abîmés, blessés, et qui réagissent chacun à leur façon à ces traumatismes. Après "la compassion du diable", qui avait été un vrai choc dans le domaine du thriller, Fabio M. Mitchelli revient avec "Une forêt obscure" (paru dans la collection "la Bête Noire", aux éditions Robert Laffont). Une nouvelle fois, un jeu bien glauque, dans lequel on croise non pas un, mais deux tueurs en série (des vrais, je veux dire, ou, en tout cas, inspiré de véritables assassins) mais aussi des policiers dans la tourmente, professionnelles comme personnelles. Et un sujet qui s'impose au lecteur comme étant le thème central de tout cela : la résilience...
Carrie Callan est lieutenant dans la police de Juneau, capitale de l'Alaska. se retrouve en charge d'une adolescente, Samantha, qui arrive traumatisée au commissariat. Manifestement, elle a été agressée, mais difficile de savoir quelle est l'ampleur exacte des actes dont elle a été victime. Il faudrait pour cela qu'elle parle, ce qu'elle ne fait pas.
Impuissante, Carrie essaye d'obtenir des renseignements de la jeune victime mais elle-même est bouleversée par les événements : Samantha Caldwell n'est pas une inconnue pour elle ; cinq ans plus tôt, elle avait été violée par son père. Geste totalement incompréhensible de la part d'un homme qui n'avait aucun antécédent mais n'était plus vraiment le même depuis la mort de sa femme...
L'affaire avait éclaté après la confession d'Emma Nelson, fille du supérieur de Carrie et meilleure amie de Samantha. De quoi mettre Carrie dans une position bien inconfortable face à la jeune fille, complètement prostrée... Une situation d'autant plus douloureuse pour la policière, mère célibataire, en charge d'une enfant gravement malade.
Mais, rapidement, la situation va échapper à Carrie, quand Samantha se mutile en plein commissariat... De nouvelles blessures qui mettent clairement sa vie en danger. Et qui interdisent un peu plus aux enquêteurs d'obtenir de sa part les premiers renseignements pouvant permettre de comprendre qui l'a agressée et de quelle manière...
Louise Beaulieu est également policière, mais pas à Juneau. C'est à Montréal qu'elle exerce sa profession. Elle ronge son frein et surtout, elle souffre d'une sévère addiction au jeu, en particulier le poker en ligne, dans lequel elle essaye de noyer son mal-être. Derrière l'addiction, un désespoir profond qui s'accompagne de pulsions pas loin d'être suicidaires...
Son supérieur sent bien que l'un de ses meilleurs éléments est au bord du gouffre et qu'elle ne serait pas forcément contre faire un pas en avant. Alors, il la surveille, la sermonne, un peu maladroitement, essaye de trouver les mots pour l'apaiser... En vain... Jusqu'à ce que surgisse une affaire loin d'être ordinaire dont Louise va s'emparer avec passion et colère.
Au départ, il y a une vidéo, téléchargée sur internet, comme il y en a tant. Mais ce film-là n'a rien à voir avec un clip, un film de vacances, un montage diapo amélioré ou un challenge ridicule comme il en apparaît régulièrement sur la toile. Non, c'est un meurtre que l'on voit à l'image. Et un meurtre des plus sadiques et violents.
Insoutenable, ce film ! Un meurtre au pic à glace. Un homme qui en tue un autre, sans doute son amant, puisque cela se passe sur un lit, sans réelle ambiguïté. Des scènes de nécrophilie et de cannibalisme... De quoi écoeurer l'enquêteur le plus solide. Et la sensation que le tueur a mis en ligne ce film pour se vanter de ses actes et narguer la police...
Louise n'a plus qu'une idée en tête : découvrir qui est cet assassin sordide, qui pourrait recommencer à tout moment, et surtout, éviter que son acte devienne viral et que d'autres malades ne célèbre la gloire de ce meurtrier assez mégalo pour utiliser internet pour revendiquer ses gestes de malade. Une tâche à la hauteur, et une urgence pour oublier le poker et les envies d'en finir...
Carrie et Louise, Louise et Carrie, deux enquêtes apparemment sans rapport et qui, pourtant, vont finir par se rencontrer. On suit évidemment les investigations des deux jeunes femmes, mais aussi l'incroyable parcours de Luka, le tueur de la toile, enfermé dans sa folie, sa soif de reconnaissance et une quête très personnelle... Un projet de vengeance...
Luka. Ce prénom vous dit peut-être quelque chose. Fabio M. Mitchelli s'est inspiré de la cavale démente de Luka Rocco Magnotta qui a défrayé la chronique dans le monde entier après avoir massacré son amant et posté le résultat sur internet, en 2012. Un personnage morbide et déroutant, entre glam, rêve de gloire, pornographie et perversions sordides...
Du Canada, il avait filé en Europe, traqué par les polices des différents pays qu'il traversa, dont la France. Même si le Luka d' "Une forêt obscure" n'est pas Luka Rocco Magnotta, mais un personnage qui s'en inspire fortement, on suit ce parcours comme une espèce de course en avant sans retour possible. Mais le romancier l'intègre aussi à son intrigue avec quelques éléments fictionnels qui vont prendre leur sens au fil des chapitres.
Mais un autre tueur apparaît aussi, dans ce thriller, sous les traits de Daniel Singleton. Cette fois, Fabio M. Mitchelli s'éloigne délibérément du modèle en changeant complètement son identité. Mais, ce qu'on va apprendre de lui le relie à un sinistre meurtrier : Robert Christian Hansen, serial killer à la carrière bien trop prolifique et au mode opératoire glaçant...
Je n'entre pas trop dans les détails, pour qui ne connaîtrait pas ce tueur (qui n'a pas inspiré que Fabio M. Mitchelli, ses meurtres ayant marqué profondément les esprits aux Etats-Unis). Juste dire qu'il va être le point de rencontre de Carrie et de Louise, malgré lui. Il impose sa présence effrayante et oppressante dans le roman, par quelques apparitions marquantes...
Evidemment, tout de suite, une idée vient à la lecture d' "Une forêt obscure" : à quel point le serial killer est devenu un personnage incrusté dans notre inconscient collectif. Au point de devenir un sujet de fascination. De célébrité. On revient au fantasme de Luka, qui recherche la célébrité y compris dans le meurtre et le sadisme le plus cru.
Mais, allons encore plus loin : lorsqu'il s'embarque pour l'Europe, Luka prend une fausse identité, dont le patronyme est Tramell. Le même que celui du personnage incarné au cinéma par Sharon Stone dans "Basic insitnct"... Un film sulfureux dans lequel cette femme assassine des hommes à coup de pic à glace...
La boucle est bouclée, le tueur s'inspire de la fiction qui s'inspire du tueur... De quoi nourrir d'intéressants sujets de réflexion, non ? Un dernier point dans ce domaine : Daniel Singleton lui aussi a son avatar littéraire et cinématographique. Et pas n'importe lequel : Fabio M. Mitchelli le met en scène dans des circonstances qui rappellent indubitablement certaines des scènes-clés du "Silence des agneaux"...
Un mot sur le titre. La forêt obscure, on la découvre rapidement dans le livre avant de mieux comprendre qu'elle est le décor central de toute cette affaire. Mais, ce n'est pas tout. Il y a une autre raison, découverte dès l'exergue du livre, et qui plante le décor. Ami lecteur, toi qui ouvres ce livre, abandonne toute espérance, a-t-on envie de dire, en paraphrasant une célèbre sentence...
L'espérance... Ah, voilà un sujet bien délicat, quand on évoque "Une forêt obscure"... Car, là où on devrait en trouver, on se retrouve le plus souvent face à des situations très dures. Tous les personnages, quasiment (à part Singleton, je pense), sont concernés. Tous ont été confrontés à un drame qu'ils traînent comme des boulets.
Peu à peu, et pas simplement par génération spontanée, apparaît une thématique qui va sous-tendre tout, ou presque : la résilience. "Renaître de sa souffrance", pour faire vite, et en utilisant les mots de celui qui est le chantre de cette théorie en France, Boris Cyrulnik. Vous vous doutez bien que Fabio M. Mitchelli l'utilise à sa manière, pas tout à fait orthodoxe...
Je vais être franc, je n'ai pas été mis autant sous tension que lors de la lecture de "la compassion du diable". Mais cela tient d'abord aux choix narratifs de l'auteur pour nous emmener au coeur d' "Une forêt obscure" et à la mécanique qu'il instaure. Finalement, les enquêtes en elles-mêmes ne sont pas forcément le plus important.
On a des personnages en souffrance, sans solution pour se sortir des affres dans lesquelles ils se trouvent tous. Tous les maux ont-ils des remèdes ? Sommes-nous tous accessibles à la résilience ? Et si oui, de quelle façon ? Et là, oui, j'ai apprécié ma lecture, tant Mitchelli parvient à distordre le concept pour bousculer le lecteur, le mettre franchement mal à l'aise.
Il y a ce que l'on sait, il y a ce qu'on subodore et il y a ce que l'on découvre, dans ce roman. Ne vous attendez pas forcément à une enquête traditionnelle, c'est autre chose que nous offre le romancier. On n'est pas dans un essai philosophique ou psychologique, bien sûr, mais il ne faut pas laisser de côté les questionnements que fait naître cette histoire.
Ah, un dernier mot, j'allais oublier... Et qui rejoins la question de la résilience, d'une certaine façon. L'essentiel du récit se déroule en Alaska. Un peu à Anchorage, mais principalement à Juneau. Une ville très particulière, située sur le détroit de Gastineau : on ne peut pas la rejoindre par la route, mais par la mer ou les airs...
En 1989, le pétrolier Exxon Valdez est à l'origine d'une des plus importantes marées noires de l'histoire après s'être échoué sur un récif, le Bligh Reef. Plus de 800 kilomètres de côtes sont souillées dans le sud de l'Alaska. Cette catastrophe est présente dans "Une forêt obscure". C'est un arrière-plan, c'est vrai, même si elle vient parfaitement s'intégrer dans le récit.
L'action se déroule en 2012, près de 25 ans après le naufrage et pourtant, le souvenir reste présent dans l'esprit des habitants de Juneau. Un traumatisme, je ne crois pas le mot trop fort, qui persiste. Et qui devient un élément contextuel loin d'être anodin. Et également un élément de plus lié à la résilience ; peut-elle s'appliquer à toute une région, et de quelle manière ?
Allez, j'en termine là. Fabio M. Mitchelli confirme le talent vu dans "la compassion du diable". Les émotions provoquées par "Une forêt obscure" sont sensiblement différentes de celles ressenties avec le précédent roman, mais cela ne m'a pas empêché de dévorer ce livre, qui nous fait voyager dans quelques endroits marquants, au son d'une bande-originale très intéressante. Tiens, si on finissait en musique (évidemment pas du tout choisie au hasard) ?
Carrie Callan est lieutenant dans la police de Juneau, capitale de l'Alaska. se retrouve en charge d'une adolescente, Samantha, qui arrive traumatisée au commissariat. Manifestement, elle a été agressée, mais difficile de savoir quelle est l'ampleur exacte des actes dont elle a été victime. Il faudrait pour cela qu'elle parle, ce qu'elle ne fait pas.
Impuissante, Carrie essaye d'obtenir des renseignements de la jeune victime mais elle-même est bouleversée par les événements : Samantha Caldwell n'est pas une inconnue pour elle ; cinq ans plus tôt, elle avait été violée par son père. Geste totalement incompréhensible de la part d'un homme qui n'avait aucun antécédent mais n'était plus vraiment le même depuis la mort de sa femme...
L'affaire avait éclaté après la confession d'Emma Nelson, fille du supérieur de Carrie et meilleure amie de Samantha. De quoi mettre Carrie dans une position bien inconfortable face à la jeune fille, complètement prostrée... Une situation d'autant plus douloureuse pour la policière, mère célibataire, en charge d'une enfant gravement malade.
Mais, rapidement, la situation va échapper à Carrie, quand Samantha se mutile en plein commissariat... De nouvelles blessures qui mettent clairement sa vie en danger. Et qui interdisent un peu plus aux enquêteurs d'obtenir de sa part les premiers renseignements pouvant permettre de comprendre qui l'a agressée et de quelle manière...
Louise Beaulieu est également policière, mais pas à Juneau. C'est à Montréal qu'elle exerce sa profession. Elle ronge son frein et surtout, elle souffre d'une sévère addiction au jeu, en particulier le poker en ligne, dans lequel elle essaye de noyer son mal-être. Derrière l'addiction, un désespoir profond qui s'accompagne de pulsions pas loin d'être suicidaires...
Son supérieur sent bien que l'un de ses meilleurs éléments est au bord du gouffre et qu'elle ne serait pas forcément contre faire un pas en avant. Alors, il la surveille, la sermonne, un peu maladroitement, essaye de trouver les mots pour l'apaiser... En vain... Jusqu'à ce que surgisse une affaire loin d'être ordinaire dont Louise va s'emparer avec passion et colère.
Au départ, il y a une vidéo, téléchargée sur internet, comme il y en a tant. Mais ce film-là n'a rien à voir avec un clip, un film de vacances, un montage diapo amélioré ou un challenge ridicule comme il en apparaît régulièrement sur la toile. Non, c'est un meurtre que l'on voit à l'image. Et un meurtre des plus sadiques et violents.
Insoutenable, ce film ! Un meurtre au pic à glace. Un homme qui en tue un autre, sans doute son amant, puisque cela se passe sur un lit, sans réelle ambiguïté. Des scènes de nécrophilie et de cannibalisme... De quoi écoeurer l'enquêteur le plus solide. Et la sensation que le tueur a mis en ligne ce film pour se vanter de ses actes et narguer la police...
Louise n'a plus qu'une idée en tête : découvrir qui est cet assassin sordide, qui pourrait recommencer à tout moment, et surtout, éviter que son acte devienne viral et que d'autres malades ne célèbre la gloire de ce meurtrier assez mégalo pour utiliser internet pour revendiquer ses gestes de malade. Une tâche à la hauteur, et une urgence pour oublier le poker et les envies d'en finir...
Carrie et Louise, Louise et Carrie, deux enquêtes apparemment sans rapport et qui, pourtant, vont finir par se rencontrer. On suit évidemment les investigations des deux jeunes femmes, mais aussi l'incroyable parcours de Luka, le tueur de la toile, enfermé dans sa folie, sa soif de reconnaissance et une quête très personnelle... Un projet de vengeance...
Luka. Ce prénom vous dit peut-être quelque chose. Fabio M. Mitchelli s'est inspiré de la cavale démente de Luka Rocco Magnotta qui a défrayé la chronique dans le monde entier après avoir massacré son amant et posté le résultat sur internet, en 2012. Un personnage morbide et déroutant, entre glam, rêve de gloire, pornographie et perversions sordides...
Du Canada, il avait filé en Europe, traqué par les polices des différents pays qu'il traversa, dont la France. Même si le Luka d' "Une forêt obscure" n'est pas Luka Rocco Magnotta, mais un personnage qui s'en inspire fortement, on suit ce parcours comme une espèce de course en avant sans retour possible. Mais le romancier l'intègre aussi à son intrigue avec quelques éléments fictionnels qui vont prendre leur sens au fil des chapitres.
Mais un autre tueur apparaît aussi, dans ce thriller, sous les traits de Daniel Singleton. Cette fois, Fabio M. Mitchelli s'éloigne délibérément du modèle en changeant complètement son identité. Mais, ce qu'on va apprendre de lui le relie à un sinistre meurtrier : Robert Christian Hansen, serial killer à la carrière bien trop prolifique et au mode opératoire glaçant...
Je n'entre pas trop dans les détails, pour qui ne connaîtrait pas ce tueur (qui n'a pas inspiré que Fabio M. Mitchelli, ses meurtres ayant marqué profondément les esprits aux Etats-Unis). Juste dire qu'il va être le point de rencontre de Carrie et de Louise, malgré lui. Il impose sa présence effrayante et oppressante dans le roman, par quelques apparitions marquantes...
Evidemment, tout de suite, une idée vient à la lecture d' "Une forêt obscure" : à quel point le serial killer est devenu un personnage incrusté dans notre inconscient collectif. Au point de devenir un sujet de fascination. De célébrité. On revient au fantasme de Luka, qui recherche la célébrité y compris dans le meurtre et le sadisme le plus cru.
Mais, allons encore plus loin : lorsqu'il s'embarque pour l'Europe, Luka prend une fausse identité, dont le patronyme est Tramell. Le même que celui du personnage incarné au cinéma par Sharon Stone dans "Basic insitnct"... Un film sulfureux dans lequel cette femme assassine des hommes à coup de pic à glace...
La boucle est bouclée, le tueur s'inspire de la fiction qui s'inspire du tueur... De quoi nourrir d'intéressants sujets de réflexion, non ? Un dernier point dans ce domaine : Daniel Singleton lui aussi a son avatar littéraire et cinématographique. Et pas n'importe lequel : Fabio M. Mitchelli le met en scène dans des circonstances qui rappellent indubitablement certaines des scènes-clés du "Silence des agneaux"...
Un mot sur le titre. La forêt obscure, on la découvre rapidement dans le livre avant de mieux comprendre qu'elle est le décor central de toute cette affaire. Mais, ce n'est pas tout. Il y a une autre raison, découverte dès l'exergue du livre, et qui plante le décor. Ami lecteur, toi qui ouvres ce livre, abandonne toute espérance, a-t-on envie de dire, en paraphrasant une célèbre sentence...
L'espérance... Ah, voilà un sujet bien délicat, quand on évoque "Une forêt obscure"... Car, là où on devrait en trouver, on se retrouve le plus souvent face à des situations très dures. Tous les personnages, quasiment (à part Singleton, je pense), sont concernés. Tous ont été confrontés à un drame qu'ils traînent comme des boulets.
Peu à peu, et pas simplement par génération spontanée, apparaît une thématique qui va sous-tendre tout, ou presque : la résilience. "Renaître de sa souffrance", pour faire vite, et en utilisant les mots de celui qui est le chantre de cette théorie en France, Boris Cyrulnik. Vous vous doutez bien que Fabio M. Mitchelli l'utilise à sa manière, pas tout à fait orthodoxe...
Je vais être franc, je n'ai pas été mis autant sous tension que lors de la lecture de "la compassion du diable". Mais cela tient d'abord aux choix narratifs de l'auteur pour nous emmener au coeur d' "Une forêt obscure" et à la mécanique qu'il instaure. Finalement, les enquêtes en elles-mêmes ne sont pas forcément le plus important.
On a des personnages en souffrance, sans solution pour se sortir des affres dans lesquelles ils se trouvent tous. Tous les maux ont-ils des remèdes ? Sommes-nous tous accessibles à la résilience ? Et si oui, de quelle façon ? Et là, oui, j'ai apprécié ma lecture, tant Mitchelli parvient à distordre le concept pour bousculer le lecteur, le mettre franchement mal à l'aise.
Il y a ce que l'on sait, il y a ce qu'on subodore et il y a ce que l'on découvre, dans ce roman. Ne vous attendez pas forcément à une enquête traditionnelle, c'est autre chose que nous offre le romancier. On n'est pas dans un essai philosophique ou psychologique, bien sûr, mais il ne faut pas laisser de côté les questionnements que fait naître cette histoire.
Ah, un dernier mot, j'allais oublier... Et qui rejoins la question de la résilience, d'une certaine façon. L'essentiel du récit se déroule en Alaska. Un peu à Anchorage, mais principalement à Juneau. Une ville très particulière, située sur le détroit de Gastineau : on ne peut pas la rejoindre par la route, mais par la mer ou les airs...
En 1989, le pétrolier Exxon Valdez est à l'origine d'une des plus importantes marées noires de l'histoire après s'être échoué sur un récif, le Bligh Reef. Plus de 800 kilomètres de côtes sont souillées dans le sud de l'Alaska. Cette catastrophe est présente dans "Une forêt obscure". C'est un arrière-plan, c'est vrai, même si elle vient parfaitement s'intégrer dans le récit.
L'action se déroule en 2012, près de 25 ans après le naufrage et pourtant, le souvenir reste présent dans l'esprit des habitants de Juneau. Un traumatisme, je ne crois pas le mot trop fort, qui persiste. Et qui devient un élément contextuel loin d'être anodin. Et également un élément de plus lié à la résilience ; peut-elle s'appliquer à toute une région, et de quelle manière ?
Allez, j'en termine là. Fabio M. Mitchelli confirme le talent vu dans "la compassion du diable". Les émotions provoquées par "Une forêt obscure" sont sensiblement différentes de celles ressenties avec le précédent roman, mais cela ne m'a pas empêché de dévorer ce livre, qui nous fait voyager dans quelques endroits marquants, au son d'une bande-originale très intéressante. Tiens, si on finissait en musique (évidemment pas du tout choisie au hasard) ?