Un premier roman qui a été inhabituellement débattu dans la presse (moins que l'agression de Kim K à Paris quand même, faut pas déconner, y a des priorités), voilà ce qu'il y a au menu pour aujourd'hui.
Dans Désorientale, il est question d'une histoire de famille, de racines, de transmission.
La protagoniste se remémore son propre parcours, et celui de ses aïeules, depuis sa grand-mère Nour, née dans un harem et ainsi nommée par son père parce qu'elle était la seule de ses enfants qui avait hérité de ses yeux bleus, jusqu'à elle-même, Kimia, en passant par Sara, sa mère, qui l'a violemment rejetée en apprenant son homosexualité. Car aujourd'hui, Kimia est dans une salle d'attente, sur le point de se faire inséminer.
Dans le récit de Kimia, on découvre l'Iran des années 1970, son instabilité politique, le sort fait aux opposants de Khomeiny. Je me suis souvenue en lisant du roman de Delphine Minoui, Je vous écris de Téhéran, et à Persepolis, de Marjane Satrapi, tâchant de déterminer si je retrouvais des éléments communs, quand bien même les époques diffèrent parfois.
Sous la plume de Négar Djavadi, du reste poétique et délicate à souhait, les portraits prennent vie et les relations se tissent, complexes, ambivalentes.
Et puis, bientôt, vient le temps de l'exil, terrible, irréversible.
Ayant lu il y a peuL'étrangère, dans un contexte éloigné mais qui convoque des thématiques communes, j'ai été replongée dans la violence que produit immanquablement un tel déracinement.
Désorientale est un beau premier roman, intime, humain, dont on ressort mélancolique.
"Vous voilà sans préambule face à la grande schizophrénie muette au creux de laquelle se déroula mon enfance. En résumé, et avant d'autres développements ultérieurs, je savais que j'étais une fille, mais j'étais sûre qu'en grandissant je deviendrais non pas une femme, mais un homme."
"Long silence durant lequel je voyais dans les yeux de mon interlocuteur que son Iran à lui était situé quelque part entre l'Arabie Saoudite et le Hezbollah libanais, une contrée imaginaire d'intégristes musulmans dont je devenais soudain la représentante.
[...] Croyez-moi, personne ne rate l'étranger. Personne ne résiste au plaisir poisseux de gratter là où il y a différence. La langue est assurément le moyen le plus facile de la coincer, de l'enserrer, jusqu'à ce que sa façade de normalité acquise de longue lutte craquelle et pendouille sur son corps."
"Allez savoir pourquoi, ce matin, en relisant ce chapitre, je repense à la fameuse réponse de Mahmoud Ahmadinejad, alors président de la République islamique d'Iran, lors d'un débat organisé à l'université de Columbia en septembre 2007. Interrogé sur le traitement réservé aux homosexuels dans son pays, il répondit sans sourciller : "En Iran, nous n'avons pas d'homosexuels comme dans votre pays. Nous n'avons pas ce phénomène. Je ne sais pas qui vous a dit que cela existait chez nous."
Si, une fois l'hilarité passée, vous avez envie de vous pencher sur la question, vous découvrirez qu'en Iran, l'homosexualité, considérée comme la violation suprême de la volonté de Dieu, est un crime dont la peine maximale est la mort."