Clarinha
Un conte des Açores
Texte de Muriel BLOCH
Illustrations d'Aurélia FRONTY.
Editions Didier Jeunesse, collection "Contes du Monde", 27 janvier 2017.
Dès 6 ans
Notions abordées : conte, quête initiatique, amour, philosophie.
J'aime particulièrement quand les albums puisent dans le patrimoine culturel, les us et coutumes, les contes et traditions d'ici et/ou d'ailleurs pour nous offrir une histoire à la portée universelle, atemporelle et en résonnance.
A la fin de ce très bel album grand format, Muriel Bloch nous explique pourquoi les Açores portent leur nom ainsi que la genèse de ce conte, portugais, découvert dans un recueil au XIXe siècle et dont elle s'est librement inspirée.
Derrière une histoire d'amour, un temps compromis, cet album nous offre une réflexion sur la valeur, le sens et les étapes de la vie.
-Querida Clarinha, préfères-tu souffrir au temps de ta jeunesse ou au temps de ta vieillesse ?
Voici la question que pose, par deux fois, un autour à la jeune Clarinha, promise à sa naissance à Martim, un jeune homme qu'elle n'a encore jamais vu.
Que répondre à l'oiseau gigantesque et un brin menaçant ?
Après avoir pris conseil auprès de sa mère, Clarinha choisit la jeunesse et est immédiatement emportée dans les airs par le rapace.
Il l'emmène par delà les mers sur Terceira, l'île des taureaux.
Île sur laquelle vit Martim, mais avant qu'elle ne puisse le rencontrer et que leurs destins ne se lient, la jeune fille va devoir affronter nombre d'épreuves, dans lesquelles sa confiance, son optimisme et sa gentillesse seront mis à rude épreuve.
C'est que l'autour n'est jamais loin !
Hélas, peu de temps après, les taureaux disparaissent les uns après les autres.
En ville, certains affirment avoir aperçu dans la nuit un grand oiseau les emporter au loin pour les jeter du côté du volcan...
Clarinha est sûre qu'on va la renvoyer, mais Martim, de retour chez lui, intrigué par ce jeune homme " au regard si triste et si doux, suggère :
-Qu'on engage ce malheureux garçon aux cuisines !
Chaque tristesse cache un miracle possible !
Jamais Clarinha ne se plaint mais elle se sent si malheureuse.
Martim part chercher sa promise sur son île natale, Flores, sans se douter qu'elle se trouve là, juste auprès de lui.
Tout comme elle ignore qui il est...
O conto acabou,
Le conte est fini,
Il est entré dans l'oreille d'un marin
Et ressorti dans une arête de morue.
C'est d'abord la couverture qui m'a happée, ses couleurs et les yeux de Clarinha.
Les illustrations, toutes ornées de fleurs, d'Aurélia Fronty qui parsèment les pages, nous immergent totalement dans ce récit à la portée philosophique.
La question de l'autour, cruelle, nous interpelle forcément et a des résonnances très actuelles
Elle oppose la jeunesse à la vieillesse, en conférant à la première une vision de robustesse alors que la seconde, bien que sage, semble fragile.
Y a-t-il un âge à privilégier, à " protéger ", y a-t-il une philosophie de vie à suivre ?
Et, souffrir dans sa jeunesse nous prémunit-il de la souffrance de la vieillesse ?
Cette question force à se demander quelle est l'utilité de la vie, la place qu'y occupe chacun, et sur les nécessaires épreuves à traverser pour connaître joie, bonheur, paix et félicité. Tout comme pour le travail et les valeurs qu'il véhicule, ainsi que le mariage arrangé, ici libérateur mais bien souvent plus synonyme de prison.
Y a-t-il une justice ? On peut se demander pourquoi Clarinha subit ces épreuves, elle qui semble n'avoir jamais démérité, et pourquoi, tout simplement elle, la fille, et non Martim, le garçon.
Si l'album pose beaucoup de questions, il n'offre pas de réponses toutes faites. Et c'est très bien ainsi. Il nous oblige à les rechercher, à s'exprimer, à échanger. Merci aux Éditions Didier Jeunesse.Belles lectures et découvertes,
Blandine.