Pulsion, étreinte et traitement de texte… par Jean-Pierre Vidal

Par Chatquilouche @chatquilouche

Le baiser, Rodin

221. – Toute fonction vitale doit être travaillée pour devenir autre chose qu’une simple pulsion, même si la psychanalyse nous dit que, justement, la pulsion est ce travail. Mais une fonction naturelle peut même faire l’économie de la pulsion. Voilà pourquoi le sexe a besoin de déguisement et de fantaisie. N’est-ce pas, en effet, la plus vitale de nos fonctions ?

222. – Les religions traitent toujours la science comme une métaphore : voilà pourquoi elles ne s’effondrent pas, mais renaissent, toujours plus folles, toujours plus molles, de leurs cendres. Mais le projet de la science est une apocalypse et c’est ce qui la fera, accomplie, coïncider, en cette toute fin hypothétique, avec la religion, toute religion.

223. – Où donc vont se finir les histoires des rêves qui s’interrompent ? Dans les cauchemars des générations suivantes.

224. – L’euphorie du traitement de texte nous aura valu une pléthore d’épais romans que l’écriture manuscrite nous aurait épargnés. La crampe de l’écrivain assainissait alors la littérature. L’informatique aujourd’hui l’assassine.

225. – L’œuvre d’art est une douleur sans corps. Mais la critique désormais est un analgésique en quête d’un estomac à faire digérer mieux.

226. – Toute étreinte un peu passionnée est une émeute intime.

227. – L’idée que nous nous faisons de Dieu est toujours le révélateur le plus impitoyable de nos faiblesses intimes.

228. – Si l’on ne peut pas rire de tout, alors le rire n’est qu’une faiblesse comme les autres.

229. – Faute sans doute d’avoir intégré l’art à notre quotidien, nous tentons désespérément d’écraser notre quotidien dans ce que nous appelons l’art : le terre à terre, le banal, le simplissime sont désormais nos muses.

230. – Il y a parfois sur le visage des suppliciés d’État, au-delà de l’évidence de la douleur et de l’indignation rageuse, de la pitié, oui, de la pitié. Pour nous.

Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitairesquébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtcCiel VariableZone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)