Ghislaine DUNANT
Description : Un jour dans ma vie, j'ai cherché une voix qui mette des mots sur la mort qui arrache les êtres les plus aimés. Sur la douleur que rien ne peut adoucir. Et sur les fantômes qui venaient autour de moi quand je pensais à la catastrophe d'Auschwitz. J'ai lu "Aucun de nous ne reviendra" et les autres livres de Charlotte Delbo. Pour la première fois j'ai trouvé des mots qui avaient traversé la mort, des mots qui revenaient et m'apportaient une connaissance que j'attendais.
Mon avis : Cette biographie se lit comme un roman, elle rend hommage à une femme exceptionnelle, injustement oubliée : Charlotte Delbo (1913 - 1985)
Charlotte est fille d'immigrés italiens, autodidacte, qui aime passionnément la littérature, elle a été la secrétaire de Louis Jouvet au théâtre de l'Athénée. Elle retranscrit toutes ses pièces et ses cours. La guerre arrive, elle entre en résistance au côté de son mari Georges Dudach, ils sont communistes, arrêtés en 1942, leur sort est scellé, lui sera fusillé au Mont Valérien, elle va partir le 24 janvier 1943 du Fort de Romainville pour Auschwitz-Birkenau.
A son retour en mai 1945, elle écrit à son mentor Louis Jouvet "Trois années de méditation avec la mort et l'espoir tour à tour m'ont donné le pouvoir d'évoquer et de susciter les êtres dans leur vérité".
Pour se reconstruire, en 1946 elle rédige une trilogie remarquable. Elle raconte avec une grande délicatesse, la vie, le destin et la souffrance des femmes qui l'ont accompagnée dans cet enfer. Son écriture est d'une grande légèreté, elle se rapproche de la méthode narrative du théâtre classique, ses textes ne ressemblent pas aux autres écrits concentrationnaires. Pour l'édition de ses livres, elle va attendre quinze ans, et malheureusement le public n'était pas au rendez-vous, peut être pas prêt à recevoir une telle oeuvre.
Cette femme solitaire, n'appartenant à aucun parti, avec le soutien de quelques amis, ne va jamais renier ses opinions, et ses idées. Elle défendra toute sa vie, ses camarades, la résistance et son expérience terrible de la déportation contre les idées négationnistes.
Cette biographie est vibrante d'empathie, elle rend hommage à la belle langue de Charlotte Delbo, à cette femme solaire et attachante. On ressent à la lecture l'admiration de Ghislaine Dunant pour cette femme indomptable. Merci à vous de ce beau livre. Chères lectrices et lecteurs de ce blog, faîtes un bout de chemin avec Charlotte vous ne le regretterez pas.
Voici quelques titres des livres de Charlotte Delbo : Aucun de nous ne reviendra (Auschwitz et après - I) Une connaissance inutile (II) Mesure de nos jours (II) Le convoi du 24 janvier (Convoi des 230 femmes qui chantaient en gare de Compiègne) 49 sont revenues après 27 mois de déportation. Dans "Une connaissance inutile" elle explique comment à Ravensbrück, elle rencontre une petite gitane qui lui propose contre une ration de pain (Le Misanthrope : dans la collection des petits classiques de Larousse)..."Je n'en croyais pas mes yeux. Il y avait donc quelqu'un qui avait emporté un Misanthrope pour le voyage à Ravensbrück.....Qui n'a jamais payé un livre aussi cher....?" Charlotte Delbo avait peur de perdre la mémoire, car perdre la mémoire, c'est se perdre soi-même, elle a appris le Misanthrope par coeur.Kalou