Moi, assassin – Antonio Altarriba & Keko

Par Casscrouton @casscrouton

Titre et auteur : Moi, assassin de Antonio Altarriba & Keko

Date de publication : 18/09/14

Nb pages : 136

Résumé :
Enrique Rodríguez Ramírez est professeur d'Histoire de l'Art à l'université du Pays Basque (où Altarriba a enseigné la littérature française). A 53 ans, il est à l'apogée de sa carrière. Sur le point de devenir le chef de son champ de recherches, en proie aux rivalités académiques, il dirige un groupe d'étude intitulé : " Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale. " Bruegel, Grünewald, Goya, Rops, Dix, Grosz, Ensor, Munch, Bacon sont ses compagnons de rêverie et la matière de son travail. Mais sa vraie passion, dans laquelle il s'investit à plein, est plus radicale : l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts.

Moi, assassin est une bande dessinée qui m'a beaucoup plu !

Nous rencontrons le professeur Enrique Rodriguez Ramirez, qui enseigne à l'Université du Pays Basque l'art cruel et dirige la revue Tremula. C'est un éminent chercheur en art qui suscite l'admiration pour ses recherches autant que de l'antipathie pour son caractère froid et taciturne. Rodriguez Ramirez s'en fiche, ce qui compte pour lui, c'est l'art et le meurtre, c'est l'art suprême qu'il affectionne par dessus tout.

J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée pour son atmosphère. L'ouvrage est extrêmement sombre tant sur le contenu que la forme, à l'image de la couverture. Le noir et blanc est très bien maîtrisé et sert admirablement la trame de l'histoire. Cela confère une ambiance dramatique, mortifère. On se sent un peu plus oppressé au fil de la progression dans l'ouvrage, comme plongé au coeur de l'effroi.

Ce qui m'a principalement séduite, c'est le fait que la bande dessinée soit travaillée en noir et blanc pour faire ressortir admirablement une couleur : le rouge. C'est vraiment intéressant et intelligent de mettre en valeur cette couleur dans l'histoire qui ne peut en l'occurrence représenter qu'une chose, le sang et a fortiori la mort. Elle ressort, criarde et pleine de symbolisme dans le livre et l'on a véritablement l'impression d'entrer effectivement dans un ouvrage artistique, au même titre que les oeuvres que présente Rodriguez Ramirez dans l'histoire.

J'ai également aimé l'intrigue. On suit le protagoniste au coeur de ses ambitions meurtrières, de sa conviction que l'assassinat est une forme ultime de l'art et sa manière de les mettre en oeuvre. Car si le professeur tue pour tuer, il le fait dans un souci esthétique qui met en valeur ses victimes plus qu'elles ne l'ont jamais été de leurs vivants. C'est très intéressant de comprendre les motivations artistiques du professeur lorsqu'il donne la mort à quelqu'un parce qu'à aucun moment, on ne ressent un quelconque sentiment négatif à son égard. L'histoire fait que l'on se place du côté d'Enrique et que l'on conçoit ses motivations, sans en ressentir un outrage conséquent. En revanche, on ressent de l'antipathie envers ses ennemis et ceux qui le mettent en position délicate, à l'instar d'Edouardo Marin.

Ce n'est qu'à la toute fin, à la dernière page que l'on prend pleinement conscience que l'on a suivi tout au long de la bande dessinée un véritable assassin, qui tue de sang-froid et sans état âme. Et cette prise de conscience fait froid dans le dos.

Le seul bémol que je pourrais avoir concernerait le personnage d'Enrique Rodriguez Ramirez. Je pense que j'aurais aimé connaître plus intensément ses ressentis, son état d'esprit. On connaît certes ses motivations, ses ambitions, mais sa psychologie aurait pu être encore plus approfondie.

En définitive, Moi, assassin est une bande-dessinée très intéressante qui m'a parfois fait froid dans le dos, d'autres fois particulièrement intéressée pour l'art exposé ou pour les rivalités académiques qui peuvent compromettre des carrières. Une bande-dessinée très réussie !

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