Une des manières les plus simples et efficaces de convaincre vos amis, qui pensent encore que la bande dessinée est réservée aux grands enfants ou aux attardés mentaux, est de leur placer entre les mains des albums qui unissent la rigueur et la recherche historiques, avec la fiction en général. Cette caution intellectuelle sert de passe-partout, et qui sait si par la suite ils ne basculeront pas eux aussi dans l'imaginaire le plus débridé. Il existe ainsi de très bonnes séries qui retrace l'histoire de la Rome antique (Les Aigles de Rome, Murena, Rome...) ou bien notre propre roman national (Le trône d'argile...). Cette fois, nous allons parler de L'égyptienne, qui est scénarisée par Jean-Blaise Djian et Nathaniel Legendre. Comme vous l'aurez peut-être compris, nous allons nous intéresser à Cléopâtre VII, la dernière reine d'Égypte, une personnalité complexe née dans une famille où les complots ont toujours étés à l'ordre du jour. Tenaillée entre une enfance marquée par les drames et les coups bas, et l'hégémonie de l'Empire romain, qui n'accepte pas que les têtes sortent du rang, Cléopâtre -dont le nom grec est la traduction de la gloire du Père- va devoir apprendre à user de ses charmes et de son inflexible volonté, pour se frayer un chemin dans les arcanes de la politique, et tout simplement pour survivre. De sa jeune enfance jusqu'à l'assassinat de Pompée, et la relation avec Jules César, ce premier tome (il y en aura un second) s'intéresse donc aux premières années de la splendide reine égyptienne. Le récit avance de manière très factuelle; il n'y a guère de temps pour se perdre dans les conjonctures ou les envolées lyriques. La seule concession est faite avec une apparition, une sorte de conversation mystique qui accompagne régulièrement Cléopâtre, et la pousse à accomplir les gestes les plus fous, et les décisions les plus audacieuses, afin de réaliser son propre destin. J'insiste beaucoup sur le caractère historique de cette bande dessinée, car il est évident qu'elle est pensée et réalisée avant tout pour le lecteur qui souhaitera dévorer un ouvrage documenté.
Le dessin est confié à l'italien Vincenzo Federici -autrement dit Viska- même si ici il n'est pas crédité sous son pseudo d'artiste. Outre le fait qu'il s'agit d'un dessinateur ultra sympathique et passionné par son art, il possède aussi un indéniable talent, qui ne demande qu'à être mis à l'épreuve. Les formes sont plastiquement remarquables, à la fois souples et dynamiques, et les expressions faciales sont bien caractérisées : les égyptiens ressemblent véritablement à ce qu'ils doivent être, en termes de faciès, ce ne sont pas des copies conformes fantasmées par Hollywood ou nous autres européens. Même les visages des romains -et les autres intervenants- sont tous soignés et crédibles, et Federici donne à l'ensemble de ce premier tome une cohérence artistique et historique, qui accompagne avec aisance le simple plaisir visuel.
Reste à bien entendu à souhaiter que cet album, paru chez l'éditeur Nouveau Monde, parvienne à trouver son public, et ne soit pas noyé dans l'océan d'une production imposante mais cruelle. Sachez que Viska sera avec nous au FCBDs à Nice (5 et 6 mai) et que vous aurez ainsi l'occasion de le rencontrer, et de découvrir par ailleurs en situation ce premier tome de l'égyptienne. Si vous appréciez ce type de bande-dessinée historique, n'hésitez pas à miser sur cette série et sur la plantureuse Cléopâtre.
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