Résumé :
« Ce n’est pas par hasard géologique si en traversant la Nouvelle-Orléans, le fleuve Mississippi décrit ses nombreux méandres. Tout l’incite à se tortiller de la sorte : le jazz, le blues, le multiculturalisme, le vaudou, l’Histoire, les histoires, les crises, tout impose le contrepied et le pas de danse. Emmanuel Roche n’en ignore rien et nous le rappelle à travers ce dernier siècle et demi qui a connu la guerre de Sécession, l’esclavage, les Blancs, les Nègres puis les Noirs, la Dépression, la Prohibition, le carnaval, le vaudou, les inondations. A travers ces huit nouvelles, l’auteur explore tous ces aspects de la ville où le noir et le blanc se mélangent tels l’ébène et l’ivoire d’un piano à la Nouvelle-Orléans, sans jamais produire de gris. »
Mon avis :
Je remercie tout d’abord Babelio et les éditions Paul & Mike pour l’envoi de ce livre!
Depuis toute petite, je suis fascinée par les Etats-Unis et la Louisiane est un état qui m’intéresse particulièrement. Je ne sais pas si cela vient du fait qu’elle était française auparavant ou si c’est simplement son atmosphère particulière, où se mêle ce blues si caractéristique et ce multiculturalisme. Alors quand j’ai participé à la masse critique de Babelio et que j’ai vu plusieurs livres sur cet état, j’ai croisé les doigts pour être sélectionnée! J’ai eu la chance de recevoir Un piano à la Nouvelle-Orléans d’Emmanuel Roche.
Ce livre est en fait un recueil de huit nouvelles se déroulant de 1895 à 2015. L’auteur y aborde de nombreux sujets comme la guerre de Sécession, le racisme, la musique, sans oublier l’ouragan Katrina. Chaque petite histoire nous présente des personnages différents, mais on se rend vite compte que tout est lié. Si vous ne voulez pas trop de spoiler, ne lisez pas le paragraphe suivant, j’y résume les 8 nouvelles!
« Le Karnali. » Pas très américain comme nom. A la Nouvelle-Orléans! La ville de Little Richard, de Fats Domino et du Professor Longhair ! La ville de King Creole, le meilleur film d’Elvis Presley ! La ville du tramway nommé désir ! Quel gâchis !
La première nouvelle se déroule en 1865. On y découvre l’histoire d’une vieille dame de 95 ans qui a connu une vie mouvementée entre la Nouvelle-Orléans et Saint-Domingue. Le narrateur nous parle de tous les événements qui ont bouleversé la vie de cette femme. C’est une nouvelle très courte mais qui prend tout son sens quand on découvre qui est le narrateur. La seconde histoire est un peu plus longue. L’intrigue, présentée sous le point de vue de plusieurs personnages, se concentre sur une maison de passe. Même s’il est assez facile de deviner ce qui va se passer à la fin, le dénouement n’en est pas moins tragique. La troisième nouvelle se déroule dans un bar, après la grande dépression et la prohibition. On y découvre la terreur qui règne après l’assassinat d’un gouverneur aux idées novatrices pour l’époque. On commence également à y ressentir l’influence néfaste du KKK sur la population. L’histoire suivante évoque la cruauté du monde de la musique mêlée racisme envers les Italiens et les noirs Américains. Cette nouvelle se déroule en 1955, c’est-à-dire à l’époque où les mouvements pour les Droits Civiques commencent à se faire entendre. C’est aussi la période à laquelle apparaît un tout nouveau genre de musique entraînante qui fera le bonheur de certains mais en confronter d’autres à leurs désillusions. Dans la nouvelle suivante, on se retrouve plongé au coeur du carnaval de 1975. Alors que toute la ville est en fête, le protagoniste, lui, se demande comment il va pouvoir payer les frais médicaux de sa femme. Un de ses anciens amis, au business plutôt louche, vient lui proposer un travail bien rémunéré. Mais le carnaval pourrait bien être le signe d’un nouveau départ pour le couple… Dans la sixième histoire, nous faisons la connaissance de quatre touristes allemands qui vont se rendre compte que l’âme de la Nouvelle-Orléans ne se trouve pas là où les guides touristiques nous mène. Ils vont alors découvrir la vraie, l’authentique Nouvelle-Orléans. Dans l’avant-dernière nouvelle, un vieil homme se rend dans sa maison dévastée par l’ouragan Katrina dans l’espoir d’y retrouver son chat. Une fois sur place, il se retrouve confronté à son passé. Enfin, la huitième et dernière nouvelle met en scène deux jeunes hommes qui se questionnent sur leur avenir et qui pensent s’engager dans l’armée, en oubliant peut-être un peu trop que leur décision pourrait les mener à la mort.
Pour être tout à fait honnête, je suis un peu déçue par cette lecture. Je m’attendais à un énorme coup de coeur, à être plongé dans la chaleur moite des bords du Mississippi, à entendre une petite musique rythmée dans ma tête qui me donnerait l’impression d’être au carnaval sur Bourbon Street. Mais je referme ce livre en étant un peu frustrée. La principale raison est que les histoires étaient trop courtes. Bien sûr, ce sont des nouvelles, elles sont faites pour être courtes. Le problème est que cela nous empêche de nous imprégner totalement de l’atmosphère de la Nouvelle-Orléans. Quand je commençais à entendre l’écho d’un saxophone jouant un morceau de blues, l’histoire s’arrêtait et je devais repartir de zéro avec une nouvelle époque et de nouveaux personnages. J’ai trouvé ça quelque peu déroutant…
Si cette lecture n’a pas été un coup de coeur, elle n’a pas été un fiasco total non plus. Au contraire, j’ai aimé partir à la découverte de cette ville au travers de différentes époques. L’auteur a mis en scène des événements importants pour les Etats-Unis comme la guerre de Sécession ou la lutte pour les droits civiques et c’était intéressant de voir comment les habitants de cette ville si particulière vivaient ces changements historiques. J’ai aussi apprécié le fait que l’auteur se concentre sur des événements propres à la Nouvelle-Orléans comme le carnaval ou le tragique passage de Katrina. J’ai vraiment ressenti l’âme de cette ville en lisant certaines de ces nouvelles et maintenant, j’ai encore plus envie d’y aller! J’ai aussi apprécié le fait que toutes les histoires étaient reliées, connectées. Par exemple, on retrouve à plusieurs reprise le Croissant Doré ainsi que certains personnages et c’était sympathique d’apprendre vaguement ce qu’ils étaient devenus.
Ils faisaient désormais partie des habitués, ceux qui parlent à voix basse et n’ont rien de particulier à fêter car ils savent que dehors le monde réel est une succession de plaies et de souillures.
En revanche, je me dois de faire une autre critique négative. J’ai eu l’impression que l’auteur se concentrait essentiellement sur les points négatifs. Certes, il a voulu nous faire découvrir des éléments clés de la société américaine comme le racisme, la pauvreté ou la drogue. Mais parfois, sa façon de s’exprimer m’a un peu dérangé. C’est comme s’il disait que tous les habitants de la Nouvelle-Orléans étaient des dealers, des voyous ou je ne sais quoi encore. La vision que l’on a de la ville peut se révéler trop péjorative. Alors, d’accord, je n’ai jamais été là-bas, je ne peux pas vraiment juger. Mais j’aime à croire que, comme partout ailleurs, il reste des gens biens!
En résumé, j’attendais beaucoup de ce livre et j’ai finalement été déçue. Bien que certaines nouvelles m’aient plu dans le sens où elles me faisaient découvrir l’âme même de la ville, d’autres m’ont déçu par leur point de vue bien trop tranché. A mon sens, l’auteur aurait du faire la part des choses et nous présenter quatre nouvelles sur les aspects négatifs et quatre sur les aspects positifs. Car ici, même en se concentrant sur les éléments pittoresques comme le carnaval ou la musique, on ne peut pas s’empêcher de pense que la drogue, l’alcool et les armes sont partout dans la ville et que personne ne devrait s’aventurer là-bas. Malgré cela, je dirais que les points positifs sont tout de même plus marqués que les points négatifs puisque ce moment de lecture s’est révélé assez agréable dans son ensemble.
Note : 14/20
Y’a plus qu’une chose à faire quand on a un pareil avenir : s’engager. L’armée a toujours besoin de gars comme nous. Ça nous fera voyager et, bah, on aura peut-être le sentiment de servir à quelque chose. Ou à quelqu’un ! A nos sénateurs ? C’est possible et ça me ferait mal au coeur. Mais en attendant, avec l’uniforme et tout, on se posera un peu en héros quand on reviendra sur Canal Street…