Jirô Taniguchi.
Un mail des éditions Casterman m'informe qu'elles ont la tristesse d'annoncer le décès de l'auteur japonais de bande dessinée Jirô Taniguchi, survenu ce 11 février 2017. Jirô Taniguchi avait 69 ans - il était né 14 août 1947 à Tottori.
De "Quartier lointain" (adapté par Frédéric Boilet et traduit par Kaoru Sekizumi), son plus grand succès en France, au western "Sky Hawk" (traduit par Corinne Quentin), en passant par "Le Gourmet solitaire" (traduit par Patrick Honnoré et Sahé Cibot), "Le journal de mon père" (traduit par Marie-Françoise Monthiers ) ou encore "L'Homme qui marche" (traduit par Patrick Honnoré), Jirô Taniguchi est un maître incontesté de la bande dessinée mondiale. Véritable passeur entre le manga et la bande dessinée occidentale, il a bâti une œuvre dont la variété de tons et de genres est exceptionnelle.
Autodidacte, Jirô Taniguchi fait son apprentissage en tant qu'assistant de dessinateurs confirmés, notamment auprès de Kazuo Kamimura, au contact duquel il découvre la bande dessinée occidentale, dont il s'éprend immédiatement. De cette influence, il retient la richesse des décors et la multiplicité d'informations contenue dans chaque case. De la grammaire visuelle du manga, il garde surtout la priorité accordée au mouvement.
Il était le premier étonné de l'engouement suscité en France par son travail. Au moment de sa venue au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême en 2015, l'ensemble de ses titres publiés en français par les éditions Casterman s'étaient vendus à plus d'un million d'exemplaires. Jirô Taniguchi en concevait une joie et une fierté immenses sous le masque d'une grande pudeur. Mais plus encore que le prix du scénario récompensant "Quartier lointain" au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême en 2003, ou celui du dessin du Festival d'Angoulême 2005 pour le tome 2 du "Sommet des dieux", plus encore que la médaille de Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres reçue à Tolyo en 2011 des mains de Frédéric Mitterrand, plus encore que les différentes adaptations en langue française de son œuvre hors du champ de la bande dessinée (cinéma, théâtre, télévision), ce sont sans doute les différentes expositions consacrées à son travail (Abbaye de Fontevraud en 2012, Festival international de la bande dessinée d'Angoulême en 2015, Versailles en 2016) ainsi que les réactions de ses pairs (Mœbius, Mattotti, Bilal, entre autres) et des lecteurs qui le comblaient de reconnaissance.
Jirô Taniguchi était profondément bienveillant et doux. Si l'humanisme qui traverse toute son œuvre est familier de ses lecteurs, on connaît beaucoup moins l'homme, d'un naturel réservé et plus enclin à laisser ses récits parler à sa place.
Son regard s'illuminait dès que la conversation portait sur la bande dessinée. C'est l’un des rares sujets qui le voyait, lui d'ordinaire discret et peu prolixe, s'éveiller avec fougue et passion. Il aimait à témoigner de sa vive admiration à l'égard des auteurs occidentaux qu'il considérait comme des maîtres, et s'empressait de partager des anecdotes savoureuses sur les circonstances dans lesquelles il avait découvert leur travail. Il nourrissait également un intérêt profond pour les formes les plus récentes du neuvième art, toujours avide de voir où la bande dessinée allait, curieux de voir éclore de nouveaux talents.
De "L'Homme qui marche" (1995) aux "Rêveries d'un gourmet solitaire" (traduit par Patrick Honnoré, 2016), les éditions Casterman sont honorées, fières et reconnaissantes de la confiance que Jirô Taniguchi leur a témoignée pendant plus de vingt ans.
Aujourd'hui, toutes leurs pensées vont à son épouse et à ses proches.
Ici, le documentaire "Dans les pas de Jirô Taniguchi, l'homme qui marche", réalisé en 2015.
Sans oublier le livre d'entretiens avec Jirô Taniguchi, "L'homme qui dessine", réalisés par Benoît Peeters (Casterman, traduit du japonais par Corinne Quentin).
Tous les livres de Jirô Taniguchi mentionnés ci-dessus sont publiés aux Editions Casterman.